15ème législature

Question N° 28886
de M. Romain Grau (La République en Marche - Pyrénées-Orientales )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie, finances et relance

Rubrique > entreprises

Titre > Plan de vigilance - loi n°2017-399 - mise en œuvre

Question publiée au JO le : 28/04/2020 page : 3057
Réponse publiée au JO le : 15/12/2020 page : 9247
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Romain Grau attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la mise en place d'un plan de vigilance. La loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 a institué un devoir de vigilance des sociétés mères (article L. 225-102-4 du code de commerce). À ce titre, toute société employant au moins 5 000 salariés doit établir et mettre en œuvre un plan de vigilance relatif à l'activité de la société et de l'ensemble de ses filiales qu'elle contrôle. Le plan comporte « les mesures de vigilance propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement résultant des activités de la société et des sociétés qu'elle contrôle. » En cas de manquement à l'obligation d'établir un plan de vigilance, la société peut faire l'objet d'une mise en demeure et d'une injonction. Afin de s'assurer que les dispositions législatives votées par le Parlement reçoivent une application, il lui demande s'il peut lui indiquer si cette mesure a été suivie d'effets et combien de mises en demeures telles qu'évoquées ci-dessus ont été adressées.

Texte de la réponse

La loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordres, codifiée aux articles L. 225-102-4 et L. 225-102-5 du code de commerce, prévoit une obligation à la charge des groupes d'identifier et de prévenir les risques en matière de droits humains, sociaux et environnementaux liés tant à leur activité propre, qu'aux activités de leurs fournisseurs et sous-traitants en cas de relation commerciale établie. Les sociétés françaises de plus de 5 000 salariés (en leur sein et dans leurs filiales en France) ou 10 000 salariés (en leur sein et dans leurs filiales en France et à l'étranger) sont tenues de publier un plan de vigilance. Ce plan contient les mesures prises pour identifier et prévenir les risques d'atteinte grave aux droits humains, sociaux et environnementaux, et pour y remédier s'ils se matérialisent. La loi prévoit deux mécanismes de sanction : - Un mécanisme propre : la mise en demeure de se conformer aux obligations de vigilance prévues par la loi. Le mécanisme de mise en demeure comprend deux phases : si une partie ayant intérêt à agir considère qu'une société n'a pas satisfait à ses obligations de vigilance, cette partie peut mettre en demeure la société de se conformer à ses obligations sous un délai de trois mois. Une fois le délai de trois mois écoulé, si cette partie estime que la société ne satisfait toujours pas aux obligations de vigilance, elle peut alors demander au tribunal compétent de lui enjoindre de s'y conformer, le cas échéant sous astreinte. Le président du tribunal, statuant en référé, peut être saisi aux mêmes fins ; - Une action en responsabilité civile de droit commun exercée contre la société, à condition pour la victime de rapporter la preuve du lien de causalité entre le préjudice qu'elle invoque et le non-respect par la société des obligations mises à sa charge par la loi. La loi ne prévoit pas que le ministre de l'économie, des finances et de la relance soit rendu destinataire des mises en demeure. D'après des informations relayées dans la presse, sept mises en demeure ont été effectuées visant six sociétés dont deux entreprises feraient actuellement l'objet d'assignation devant les juridictions. Plus généralement, le Conseil général de l'économie (CGE) a procédé à une évaluation de la mise en œuvre de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre dans un rapport publié en janvier dernier. Le CGE relève que, bien que la loi sur le devoir de vigilance ait provoqué une prise de conscience accrue chez les dirigeants, et induit des changements dans la gestion des chaînes d'approvisionnement chez certains grands donneurs d'ordres, les niveaux d'engagement et de maturité des entreprises sur le sujet restent hétérogènes. En effet, certaines entreprises ne respectent pas encore formellement le devoir de vigilance. Pour certains opérateurs, les plans manquent de lisibilité, et leur visibilité semble insuffisante dans le rapport de gestion qui est, en soi, déjà un document dense. Enfin, malgré la progression dans l'analyse des risques susceptibles d'être causés par les activités des entreprises sur les droits de l'homme et leurs écosystèmes, la communication sur les mesures prises pour prévenir à ces impacts semble encore faible, tout comme l'engagement avec les parties prenantes de l'entreprises. Il est intéressant de souligner que l'activité du Point de contact national français de l'OCDE a augmenté avec l'entrée en vigueur de la loi. Cette instance tripartite est chargée de promouvoir les normes et les outils internationaux pour faciliter le déploiement la conduite responsable des entreprises (Principes directeurs OCDE et ONU, OIT). Le PCN agit également en tant qu'instance non-juridictionnelle de règlement des différends en proposant ses bons offices aux parties en conflit. Depuis 2017, le nombre de saisines reçues augmente (2 à 4/5 par an). Ces saisines visent en majorité des entreprises françaises soumises à la loi sur le devoir de vigilance au titre de leur activités à l'étranger (dont certaines font ou ont fait l'objet de mises en demeure) et des groupes étrangers au titre d'activités en France. Encore trop méconnue, l'accessibilité du mécanisme des PCN est un critère essentiel : gratuité, rapidité, acceptation de dossiers en anglais, large interprétation de l'intérêt à agir, nul besoin d'avoir un d'avocat, etc. Le PCN publie ses décisions (www.pcn-France.fr). Il peut adresser des recommandations aux entreprises et en faire le suivi. Il doit s'efforcer de finaliser son action en douze mois. Ce mode de règlement des différends, fondé sur le dialogue pour obtenir des impacts concrets, s'inscrit dans la complémentarité avec la loi de 2017. Cela illustre la variété des outils mis à la disposition des parties prenantes en France pour faire progresser le respect des droits de l'homme et de l'environnement par les entreprises.