Covid-19 : Pour un fonds d'urgence en soutien aux prostituées
Question de :
Mme Clémentine Autain
Seine-Saint-Denis (11e circonscription) - La France insoumise
Mme Clémentine Autain attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur la précarisation extrême que fait peser la crise sanitaire sur les femmes qui se prostituent. Déjà très fragilisées en temps normal, les prostituées doivent affronter avec le confinement une situation qui les place dans une insécurité financière extrême. Nombre d'entre elles ne peuvent pas se loger et plusieurs associations alertent sur le fait que le 115 n'est plus en mesure de répondre à leurs sollicitations, les places d'hébergement étant prioritairement fléchées vers les familles avec enfants. En l'absence d'une aide de la part de l'État, la prostitution reprend de plus en plus, et dans des conditions particulièrement mauvaises : très grande exposition au virus, rapports non protégés, rétributions amoindries. Mme le députée tient à rappeler ici que seule une minorité de prostituées exerce sous le statut d'autoentrepreneur, et que pour la grande majorité d'entre elles, très exposée, cette activité de subsistance permet seulement de survivre. Quant à la perspective du déconfinement, elle est également très préoccupante. Afin de compenser le manque à gagner de ces dernières semaines (nombre de prostituées vont devoir s'acquitter de deux loyers), le risque est que certaines d'entre elles en viennent à multiplier les rapports, avec donc une forte hausse des risques d'agressions et de violences. Mme la députée tient à rappeler qu'elle est profondément abolitionniste, mais que la protection des femmes qui se prostituent est une exigence humaniste et féministe, particulièrement dans ce contexte de crise sanitaire et sociale. Elle l'interroge donc sur la nécessaire création d'un fonds d'urgence qui leur soit destiné, pour les soutenir dans la période et réduire au maximum les risques auxquelles elles sont exposées ; ce fonds, qui ne saurait être conditionné à une régularité de séjour, est une exigence de santé publique pour protéger à la fois les prostituées, les clients et partant, l'ensemble de la population.
Réponse publiée le 1er décembre 2020
L'accompagnement social des personnes en situation ou en risque de prostitution appelle une mobilisation constante de l'Etat qui conduit depuis plusieurs années une politique globale d'accompagnement en direction de ce public particulièrement vulnérable. A travers le soutien d'associations spécialisées au niveau national et sur l'ensemble du territoire, des actions de rencontre, via des maraudes, d'accueil dans des permanences et d'accompagnement sont déployées au plus près du terrain. Elles recouvrent à la fois une information sur l'accès aux droits dispensée sur les lieux d'activité prostitutionnelle, un accompagnement administratif, social et juridique dans la durée et un accompagnement vers la sortie de la prostitution pour les personnes qui le souhaitent à travers l'engagement dans un parcours de sortie de prostitution auprès des services de l'Etat. La politique de prévention et de lutte contre la prostitution et l'exploitation sexuelle est financée par l'Etat sur le Programme 137 « Egalité entre les femmes et les hommes » à hauteur de 2,5 M€ au niveau national (pour les associations têtes de réseaux et pour l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle délivrée aux bénéficiaires des parcours de sortie de prostitution) et de 2,1 M€ au niveau local, pour l'accompagnement des personnes en situation de prostitution. Dans le cadre de la crise sanitaire liée à l'épidémie du Covid-19, les différents services de l'Etat, notamment au niveau territorial, se sont mobilisés pour apporter une aide aux personnes prostituées, tant dans leur mise à l'abri que pour la distribution de produits de première nécessité. Lors du premier confinement, le ministère de la cohésion des territoires a été attentif à ces besoins. La Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) a établi un diagnostic sur la situation des personnes en situation de prostitution face à l'urgence sanitaire. Après consultation des associations nationales, elle a identifié 1 700 personnes sans domicile et sans ressources qui ont bénéficié du dispositif de chèques services. S'agissant de l'hébergement d'urgence, toute personne le nécessitant y est accueillie de façon inconditionnelle. Dans ce contexte de crise sanitaire, l'Etat a conduit un effort exceptionnel en dégageant de nouvelles capacités du secteur hôtelier et réquisitionnant des places d'hébergement supplémentaires pour mettre à l'abri les personnes en situation précaire. Ces solutions d'hébergement ont eu vocation à répondre aux besoins d'accueil des personnes pour lesquelles aucune autre solution n'a pu être trouvée et ont pu être mobilisées par les associations qui accompagnent les personnes en situation de prostitution. De même, en prévention des conséquences de la crise sanitaire, il n'y a pas eu de rupture de droit pour les personnes suivant un parcours de sortie de la prostitution (PSP). L'ordonnance n° 2020-312 du 25/03/2020 relative à la prolongation de droits sociaux a renouvelé les parcours de sortie de prostitution pour une durée de 6 mois ainsi que la délivrance de l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) pour les personnes qui en bénéficiaient dans ce cadre. Par ordonnance, le ministère de l'Intérieur a également prolongé de 6 mois l'autorisation provisoire de séjour (APS) délivrée par les préfectures. Ces dispositifs ont été remis en place lors du deuxième confinement. L'instruction de la direction générale de la cohésion sociale aux Préfets rappelle entre autre de poursuivre de façon dématérialisée les commissions départementales en charge de la prostitution. Ces commissions ont un rôle de suivi des parcours de prostitution et agissent au plus près des personnes vulnérables. le ministère délégué en charge de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances a rappelé qu'un comité interministériel de suivi de la loi du 13 avril 2016, se tiendra d'ici début 2021 Par ailleurs, des conventions pluriannuelles d'objectifs pour la période 2020-2022 ont été conclu entre le ministère et les associations nationales ayant pour objet l'assistance et le soutien des personnes en situation de prostitution. Ces conventions leur donneront les moyens de pérenniser leurs actions, qu'il s'agisse de maraudes et de points d'accueil dans certains départements, de permanences téléphoniques et d'hébergement, y compris en situation de crise sanitaire. De plus, des crédits déconcentrés bénéficient aux associations locales dans les départements confrontés aux mêmes difficultés. Enfin, l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) a vu ses compétences s'élargir au versement au budget de l'Etat des produits issus de la vente et de la confiscation des biens issus des réseaux de proxénétisme suite à la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes en situation de prostitution. En application du code de procédure pénale, ces crédits ont vocation à financer des actions de prévention de la prostitution et d'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées. Une enveloppe de financement de 1,9 M€ est programmée en 2020. Elle permettra de contribuer à répondre aux besoins exceptionnels générés par la crise sanitaire et à ses conséquences sur le long terme pour ce public.
Auteur : Mme Clémentine Autain
Type de question : Question écrite
Rubrique : Femmes
Ministère interrogé : Égalité femmes hommes et lutte contre les discriminations
Ministère répondant : Égalité femmes-hommes, diversité et égalité des chances
Dates :
Question publiée le 28 avril 2020
Réponse publiée le 1er décembre 2020