Paralysie des juridictions pendant le confinement
Question de :
Mme Emmanuelle Anthoine
Drôme (4e circonscription) - Les Républicains
Mme Emmanuelle Anthoine interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la continuité de l'activité des juridictions pendant le confinement. La paralysie des juridictions est en effet inédite et dramatique. Seule l'activité pénale d'urgence est maintenue avec les comparutions immédiates et le contentieux des libertés ainsi que les ordonnances de protection dans les affaires de violences conjugales. Dans de nombreuses juridictions, le nombre de magistrats présents est inférieur à celui prévu par le plan de continuation d'activité. Aucune chambre civile ne se tient pour délibérer. La plupart des tribunaux de proximité (anciens tribunaux d'instance) demeurent fermés. Les questions concernant les majeurs protégés ne sont plus traitées. Il existe ainsi un risque d'engorgement inextricable de la justice, qui se renforce de jour en jour avec la mise à l'arrêt des juridictions. La justice prend des mois de retard qui ne pourront peut-être pas être rattrapés. Une charge de travail colossale pèsera sur les greffes à la sortie du confinement alors qu'ils souffrent encore de nombreux postes vacants. Même pour les jugements rendus avant le confinement, les greffiers ne peuvent mettre en forme les décisions de justice et leur notification aux parties est par ailleurs impossible. Les échanges de documents entre professionnels de la justice sont interdits. L'ensemble des procédures est bloqué. Cette mise à l'arrêt de la justice est inquiétante et va à l'encontre de l'impératif de continuité du service public de la justice. C'est le droit d'accès à la justice de chaque citoyen qui est ici perturbé. Cette situation est incompréhensible alors que, avec la dématérialisation et la déjudiciarisation de nombreux contentieux ces dernières années, la justice devrait avoir les moyens de s'organiser. Aussi, elle souhaite connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour remédier à cette situation de blocage des juridictions en mobilisant utilement les outils numériques à la disposition de la justice (R. P. V. A., visioconférences, etc.), pour assurer le bon fonctionnement de l'institution judiciaire et éviter un engorgement insoluble des affaires dans les mois à venir.
Réponse publiée le 8 juin 2021
Si l'ensemble des juridictions ont été fermées au public, des plans de continuation d'activité ont été mis en œuvre dès le 16 mars 2020. Les deux ordonnances du 25 mars 2020 relatives à la Justice ont permis d'alléger et d'aménager l'activité des juridictions pénales et civiles pendant le confinement. L'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 relative aux juridictions pénales a ainsi prévu des mesures dérogatoires pour garantir leur fonctionnement, comme la généralisation des procédures à distance et à huis clos, ou encore la libération anticipée des personnes condamnées et la possibilité d'une réduction de peine supplémentaire de deux mois. L'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 relative aux juridictions judiciaires ne statuant pas en matière pénale a également introduit des règles d'organisation et de procédure qui dérogent aux dispositions de droit commun, afin d'assouplir la tenue des audiences, permettre l'information des parties et assurer le contradictoire par tout moyen. Ont ainsi été modifiées les règles relatives à la compétence territoriale (possibilité de transfert de compétence territoriale) et aux formations de jugement des juridictions de l'ordre judiciaire (recours facilité au juge unique), ainsi que celles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence et aux modalités de saisine et d'organisation du contradictoire. La mise en œuvre de ces ordonnances s'est accompagnée d'une priorisation dans le traitement des contentieux et d'un recours très important au travail à distance. La mise en place d'actions ciblées pour recourir au travail à distance :La crise a mis en lumière la nécessité de renforcer les capacités de travail à distance des greffes, ce qui passe par un taux d'équipement en ultra-portables plus important pour les greffes (notamment civils) et par la possibilité d'accéder à distance aux applicatifs.S'agissant de l'accessibilité des applicatifs pénaux, Cassiopée et APPI sont accessibles à distance et permettent le télétravail. Seule la problématique d'équipement en ultra-portables, déjà évoquée, notamment pour le greffe constituent un frein au travail à distance.S'agissant de l'accessibilité des applicatifs civils, s'il était impossible lors du premier confinement, d'accéder à distance à Winci, pour accélérer le retour à la normale de l'activité des juridictions, de nombreuses actions ont été mises en œuvre dès le début de la crise pour favoriser le travail à distance du personnel judiciaire et notamment à l'endroit des magistrats :Amélioration des capacités des accès à distance avec le renforcement des capacités du VPN,Outre les 13.000 ultraportables dont était déjà équipés les services judiciaires : commande de 1 500 ultra-portables passée par la DSJ pour combler une partie des besoins prioritaires identifiés par les juridictions (365 UP livrés à la fin du mois d'avril. Une seconde vague de 673 interviendra début juin et une dernière vague de 462 sera livrée fin juin). Un plan d'équipement plus large est également en cours d'élaboration au niveau du ministère pour une couverture à 100 % des besoins de travail en mobilité, notamment ceux des greffiers civils, A fin décembre 2020, 18 120 ultraportables sont déployés. Si l'on considère que 90 % des magistrats (sur une population de 8 500) en sont dotés, ce sont donc 10 470 qui pourront ainsi être attribués au personnel de greffe. Sur une population de 20 940 greffes, c'est bien 50 % d'entre eux qui se verra attribuer un matériel permettant le télétravail.Des protocoles ont été conclus avec le CNB pour faciliter l'envoi de demandes d'actes, conclusions et pièces pour la mise en œuvre des dispositions de l'ordonnance pénale n°2020-305 du 25 mars, portant adaptation des règles de procédure pénale pour faire face à l'épidémie du covid-19 ;La mise à disposition de la plateforme d'échange sécurisée externe, PLEX, pour les échanges entre les juridictions et les avocats en matières pénale et civile plus particulièrement le dépôt dossier de pièces volumineuses ;La mise à disposition d'un dispositif de télé-audiences à partir du 3 juin au tribunal judiciaires de Paris, à des fins d'expérimentations, et généralisation à partir du 6 juillet sur l'ensemble des juridictions avec plus de 200 créneaux disponibles ;L'extension du dispositif de saisine par voie dématérialisée des injonctions de payer a été proposée à la CA de Paris, Marseille, Versailles, Bordeaux, Lyon, Metz, Douai. S'agissant des applicatifs civils actuels, des travaux ont permis en définitive l'accessibilité de Winci à distance lors du deuxième confinement et ainsi la possibilité de travailler à distance pour les greffes civils. Enfin, une nouvelle trajectoire du projet Portalis (destiné à remplacer les 9 applicatifs civils actuels par un applicatif unique rénové, accessible depuis internet et permettant par construction le travail à distance des greffes) est actée : elle consiste à accélérer le développement des fonctionnalités cœur du tribunal judiciaire comprenant la communication électronique avec les avocats. Les fonctions associées à la dématérialisation native intervenant ensuite. Une première expérimentation du module procédure sans représentation obligatoire était prévue à la fin de l'année 2020 dans les juridictions prudhommales pour un déploiement en 2021. S'agissant du retard pris dans les juridictions, malgré la mobilisation des magistrats et fonctionnaires de greffe, la capacité de traitement des affaires au sein des juridictions s'en est trouvée affectée. Plusieurs initiatives locales destinées à réduire le délai de traitement des procédures, dont certaines résultaient de l'initiative de barreaux locaux, ont été recensées. Un groupe de travail pluridisciplinaire a été mis en place pour réfléchir à des mesures concrètes, permettant aux juridictions de résorber leurs stocks et a rendu ses conclusions le 31 mars dernier. Ces préconisations ne vont pas manquer d'être prises en compte rapidement. Par ailleurs, un plan de recrutement historique de 1 000 agents en renfort va être mis en place à partir de mai 2021 au profit des juridictions pour résorber les stocks des affaires civiles après un précédent recrutement de plus de 900 agents au profit de la justice pénale de proximité en décembre dernier pour les tribunaux.
Auteur : Mme Emmanuelle Anthoine
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 28 avril 2020
Réponse publiée le 8 juin 2021