Décès dus au covid-19 survenus à domicile et parmi les personnels soignants
Question de :
M. Hervé Saulignac
Ardèche (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 30 avril 2020
DÉCÈS DUS AU COVID-19 SURVENUS À DOMICILE ET PARMI LES PERSONNELS SOIGNANTS
M. le président. La parole est à M. Hervé Saulignac.
M. Hervé Saulignac. Monsieur le Premier ministre, chaque soir, le directeur général de la santé égrène le triste bilan des victimes du coronavirus en France. Toutefois, chaque soir, il est des statistiques dont on ne parle pas : les décès survenus à domicile et ceux frappant les personnels soignants. Les chiffres annoncés officiellement comptabilisent uniquement les décès enregistrés à l'hôpital et partiellement dans les établissements médico-sociaux.
Pourtant, l'INSEE nous indique que la mortalité a tragiquement progressé, de près de 10 % en mars, et que le nombre de décès à domicile serait considérable : selon une enquête réalisée par un syndicat de médecins généralistes, il pourrait s'établir à 9 000. Autrement dit, le nombre de décès officiellement répertoriés serait sous-estimé de 38 %.
Sur les décès des personnels soignants, des interrogations demeurent aussi. Des médecins, des infirmiers, des aides-soignants et d'autres agents hospitaliers qui ont perdu la vie passent sous les radars de cette tragédie. Pourtant, chacun le sait, ils sont tombés pour la France.
Ce décompte funeste n'est pas destiné à alimenter l'inquiétude par des statistiques morbides. Mais, parce que nous vivons un drame national sans précédent, la tragédie doit être connue et son ampleur mesurée dans toutes les composantes de sa réalité. Il y va de la transparence que l'on doit à nos concitoyens mais aussi de la reconnaissance que méritent les familles des victimes. Cela me semble relever d'un principe d'humanité essentiel.
Passée la pandémie, les applaudissements vont se taire. La nation devra graver dans le marbre le nom de ses enfants qui ont perdu la vie. Le Président de la République a déclaré que nous étions en guerre. Or, dans une guerre, rien n'est plus important que d'estimer la réalité des pertes humaines et d'en rendre compte à la nation. Aucun soldat, aucun civil qui perd la vie dans un conflit armé ne doit disparaître dans les oubliettes de l'histoire. Monsieur le Premier ministre, combien sont morts, parmi les premières lignes que constituent les personnels soignants, auxquels nous ne dirons jamais assez notre reconnaissance ? Et combien de Français anonymes sont décédés à domicile ?
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Saulignac, depuis le début de la crise, nous faisons preuve de la plus grande transparence en ce qui concerne le nombre de victimes décédées du Covid-19. Nous sommes d'ailleurs le seul pays à publier le nombre non seulement des décès hospitaliers mais également des décès enregistrés dans les EHPAD – les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Regardez les classifications internationales : aucun autre pays européen ne comptabilise le nombre de décès survenus dans ces établissements.
Vous m'interrogez aussi sur le nombre de personnes mortes à leur domicile. Il est plus difficile à établir. Pourquoi ? Quelque 77 % des certificats de décès sont électroniques. Certains d'entre eux précisent la cause de la mort, par exemple le Covid-19, et le lieu du décès. Santé publique France est chargée de colliger ces données, d'établir des estimations et de les faire remonter vers nous.
La France en disposera d'un bilan en juin, au même titre que tous les pays en mesure d'établir un décompte des décès survenus au domicile. Le problème est non de cacher quelque chose, ce qui ne servirait à rien, mais de traiter tous les certificats de décès, électroniques ou non, et d'établir, par territoire, des statistiques faisant sens.
Sachez que nous avons reçu une première alerte de Santé publique France à propos d'une éventuelle surmortalité à domicile, laquelle ne serait pas nécessairement liée au Covid-19, mais peut-être aux complications médicales de personnes n'étant pas allées consulter à l'hôpital. Je le rappelle sans arrêt : il est indispensable que les personnes atteintes de maladies chroniques et devant bénéficier de soins aillent consulter.
Enfin, vous m'interrogez sur les soignants morts au combat. Vous avez raison, il s'agit d'un drame national. L'identité de chacun ne peut être connue, en raison du secret médical, mais je vous garantis que nous portons attention à chaque situation humaine, ainsi qu'à celle des familles. La nation, je crois, aura à les reconnaître en temps voulu. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et UDI-Agir.)
Auteur : M. Hervé Saulignac
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Mort et décès
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 avril 2020