15ème législature

Question N° 290
de Mme Christine Pires Beaune (Nouvelle Gauche - Puy-de-Dôme )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Éducation nationale
Ministère attributaire > Éducation nationale

Rubrique > enseignement

Titre > Instruction obligatoire à 3 ans - Conséquences pour les collectivités

Question publiée au JO le : 10/04/2018
Réponse publiée au JO le : 18/04/2018 page : 2977

Texte de la question

Mme Christine Pires Beaune interroge M. le ministre de l'éducation nationale sur les implications financières de l'abaissement de l'âge auquel l'instruction devient obligatoire à trois ans pour les collectivités locales. Elle souhaite connaître les intentions du Gouvernement quant à la contribution obligatoire des communes ou EPCI aux frais de fonctionnement des établissements privés sous contrat, au titre du forfait communal dans les conditions prévues par la loi n° 2009-1312 du 28 octobre 2009. Elle lui demande si le Gouvernement envisage de proposer des modifications aux dispositions de la loi dite « Debré » du 31 décembre 1959.

Texte de la réponse

CONSÉQUENCES DE L'ABAISSEMENT DE L'OBLIGATION SCOLAIRE


M. le président. La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour exposer sa question, n°  290, relative aux conséquences de l'abaissement de l'obligation scolaire.

Mme Christine Pires Beaune. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, le 27 mars dernier, le Président de la République annonçait, à l'occasion du lancement des travaux des assises de la maternelle, que l'âge auquel l'instruction deviendrait obligatoire serait abaissé à trois ans, ce qui est, du reste, déjà entré dans les faits puisque presque la totalité des enfants sont scolarisés à cet âge.

Comme vous le savez, les communes et certaines intercommunalités participent aux frais de fonctionnement des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association avec l'État, au titre du forfait communal. Cette obligation concerne aujourd'hui uniquement l'école primaire, car elle se justifie au nom de l'égalité de traitement entre les enfants dès lors que leur instruction est obligatoire.

Dans le contexte de diminution de leurs dotations, encore prégnant cette année, les collectivités ne sauraient supporter la contrainte financière que ferait peser l'extension de l'obligation de verser un forfait à toutes les classes de maternelle. J'ajoute que la contribution créée serait d'autant plus lourde à supporter que le coût de scolarisation des enfants est plus élevé en maternelle qu'en primaire, en raison de l'important encadrement complémentaire assuré, entre autres, par les ATSEM – agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles – aux côtés des professeurs des écoles.

En dépit des occasions qui vous ont été données ces dernières semaines, vous ne vous êtes pas prononcé clairement sur les intentions du Gouvernement. Les communes devront-elles, oui ou non, verser un forfait communal pour les classes de maternelle des établissements privés ? Si oui, comment l'État compensera-t-il cette charge nouvelle ? Si non, envisagez-vous de revenir sur la loi Debré de 1959 pour clarifier la forme des contrats d'association ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Madame la députée, votre question tend à minimiser les impacts positifs de la réforme annoncée par le Président de la République et à maximiser les inquiétudes qu'elle pourrait susciter.

Mme Christine Pires Beaune. Non, vraiment pas.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Si tel n'est pas le cas, je m'en réjouis.

Dans un premier temps, je tiens à rappeler les raisons de cette décision historique. Le sujet devant être traité dans un futur projet de loi, nous avons de ce fait largement le temps de travailler à ses différentes conséquences.

Bref, regardons le pourquoi avant d'envisager le comment. Cette obligation scolaire nouvelle n'est pas à minimiser. Vous avez dit que la scolarité à trois ans était déjà une réalité, mais ce n'est vrai que pour un peu plus de 95 % des enfants : plus de 20 000 enfants ne sont pas touchés. Je ne considère pas que ce soit quantité négligeable, d'autant plus que ce nombre a tendance à augmenter et qu'il peut être beaucoup plus important dans certains territoires, comme l'outre-mer. En outre, cette tendance peut correspondre à des phénomènes sociétaux assez inquiétants, comme la non-scolarisation des filles. Je suis certain que cette question vous concerne également.

Cette mesure s'inscrit donc dans une stratégie générale de réussite des élèves, avec un accent mis sur l'importance de l'école maternelle, où se jouent beaucoup de choses quant à l'épanouissement et aux capacités langagières des enfants.

Aussi bien sur le plan social que sur le plan pédagogique, cette mesure a une grande importance : elle permet d'affirmer l'identité propre de l'école maternelle. Les assises de l'école maternelle, qui ont été présidées par Boris Cyrulnik, ont été l'occasion de le rappeler. L'annonce du Président de la République s'inscrit dans ce contexte historique. Toutes les évolutions de la scolarité obligatoires ont correspondu à des évolutions profondes de l'école ainsi qu'à des considérations sociales – je vous les ai rappelées – elles-mêmes articulées avec des considérations pédagogiques.

Les conséquences financières de cette mesure, que vous avez évoquées, concernent en premier lieu l'éducation nationale, puisqu'il lui faudra créer plus de postes dans les écoles maternelles pour accueillir ces nouveaux élèves. Nous l'anticipons pleinement, dans le cadre de la priorité donnée par le Gouvernement à l'école primaire, et les créations de postes dans le premier degré sont programmées pour les prochaines années.

Par ailleurs, les services de l'éducation nationale travaillent en lien étroit avec la direction générale des collectivités locales, pour la mise en œuvre concrète de l'abaissement à trois ans de la scolarité obligatoire. Les conséquences, tant pour les municipalités que pour les services de l'éducation nationale, sont donc étudiées.

Une vaste consultation des associations représentatives d'élus sera par ailleurs conduite, dans le cadre du projet de loi qui sera présenté en 2019, ce qui nous laisse du temps. Ce sera l'occasion de faire le point sur les disparités territoriales, qu'il s'agisse du taux de scolarisation à trois ans ou de la part respective de l'enseignement public et de l'enseignement privé, qui peut être très différente selon les régions. Ce sera également l'occasion de travailler sur la démographie : nous observons en effet une baisse continue du nombre des élèves dans le premier degré, confirmée par l'INSEE pour les prochaines années. Cette baisse permettra à l'école publique comme à l'école privée de mieux gérer l'absorption des nouveaux élèves.

Quant aux conséquences juridiques et financières de la mesure, elles seront étudiées dans l'intérêt des élèves dans le respect de l'article 72-2 de la Constitution.

M. le président. Monsieur le ministre, je vous rappelle qu'il faut laisser à l'auteur de la question la possibilité de vous répondre. La parole est à Mme Christine Pires Beaune, brièvement ma chère collègue.

Mme Christine Pires Beaune. Monsieur le ministre, je tiens à vous rassurer : je ne cherche pas du tout à minimiser la mesure. C'est un objectif louable que d'abaisser l'âge de la scolarité obligatoire afin de scolariser les 5 % d'enfants restants.

Mon propos concernait les conséquences financières de cette mesure pour les collectivités, d'autant que des communes, vous le savez, ont déjà dû faire face sous le précédent gouvernement à des ponctions très importantes et que la moitié d'entre elles voient leur dotation continuer de baisser.

M. le président. Merci, ma chère collègue…

Mme Christine Pires Beaune. Je le répète : l'objectif est louable, et ma question était purement financière.