15ème législature

Question N° 29155
de M. Éric Coquerel (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > étrangers

Titre > Régularisation des travailleurs sans-papiers

Question publiée au JO le : 05/05/2020 page : 3203
Réponse publiée au JO le : 19/04/2022 page : 2534
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Éric Coquerel interpelle M. le ministre de l'intérieur sur la régularisation globale des travailleurs sans-papiers durant l'épidémie de covid-19. Durant l'épidémie de covid-19, les travailleurs sans-papiers sont en première ligne dans de nombreux secteurs de l'économie : BTP, aide à domicile, collecte et tri des déchets, nettoyage. Ce sont autant de secteurs où ils sont exposés à une double peine. D'abord, il s'agit de celle d'une invisibilisation qui les rend très fragiles car, en l'absence de situation administrative, les sans-papiers deviennent sans ressources : ils ne peuvent pas bénéficier des aides de l'État durant l'épidémie comme tous les travailleurs français. Ensuite, ils subissent des conditions de travail très dégradées, car en plus de ne pas être suffisamment bien protégés contre le covid-19 (absence de masques), ils ne peuvent pas exercer des droits qui sont censés les protéger, comme le droit de retrait. Le rapport de force vis-à-vis de leur employeur, lui aussi très dégradé, ne leur permet pas d'imposer des normes sanitaires viables. Pourtant, le covid-19 ne regarde pas les situations administratives des personnes qu'il infecte. Maintenir les travailleurs sans-papiers dans un état d'irrégularité, c'est donc à la fois mettre en danger leur vie, mais aussi celles de l'ensemble de la population. Beaucoup de pays, comme le Portugal ou l'Italie, ont d'ores et déjà annoncé ou mis en place une régularisation temporaire des sans-papiers, pour deux raisons : pour protéger la population dans son ensemble en sortant les sans-papiers de l'invisibilisation, mais aussi parfois pour pallier le manque d'activité de certains secteurs, car, à bien des égards, les travailleurs sans-papiers tiennent à bout de bras l'économie. Le principe d'égalité est un des piliers de la République. La régularisation des travailleurs sans-papiers est déjà une mesure d'humanité et de bon sens économique en temps normal : un travailleur régularisé, c'est un travailleur qui sort de la misère, qui paye ses cotisations et empêche le dumping social. En cette période, pour des raisons sanitaires évidentes, c'est encore plus vrai : la France a le devoir d'assurer ce principe d'égalité aux travailleurs sans-papiers. Dans l'attente de cette mesure forte, il lui demande quelles dispositions il compte entreprendre afin de régulariser les travailleurs sans-papiers, au moins durant toute l'épidémie de covid-19.

Texte de la réponse

Tout étranger ne remplissant pas les conditions pour une admission au séjour de plein droit peut solliciter une demande d'admission exceptionnelle au séjour (AES) pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. Cette demande est laissée à l'appréciation du préfet. L'AES permet la délivrance d'un premier titre de séjour à des personnes entrées sur le territoire sans visa de long séjour ou qui s'y sont maintenues en situation irrégulière après l'expiration de celui-ci. La circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'AES déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, rappelle les critères permettant d'apprécier les demandes d'AES. Lorsqu'un ou plusieurs de leurs enfants sont scolarisés, la circonstance que les deux parents se trouvent dans une situation irrégulière peut ne pas faire obstacle à leur admission au séjour. Depuis 2013, la délivrance des AES est stable, avec une moyenne de 35 000 régularisations annuelles. Les opérations passées de régularisation, notamment celles menées en 1981 et 1997, ont plutôt eu tendance à entretenir l'espoir d'une régularisation pour ceux qui entrent irrégulièrement sur le territoire, plutôt que de réduire le nombre d'étrangers en situation irrégulière en France. Par ailleurs, une opération de régularisation ne suffirait pas à remédier aux difficultés sociales rencontrées par les personnes en situation irrégulière, notamment en termes de logement. Aussi, la volonté d'éviter les conséquences sociales négatives de l'immigration irrégulière semble devoir d'abord passer par une politique de prévention des entrées irrégulières. Au regard de ces éléments, la régularisation d'étrangers sans titre de séjour n'est envisagée qu'à titre individuel dans le cadre précédemment décrit. Certaines personnes étrangères se sont mobilisées et se sont particulièrement exposées pour lutter contre l'épidémie de covid-19. Elles ont activement participé à l'effort national, avec dévouement et courage. L'État reconnaît l'engagement de ces personnes, en les accompagnant dans leurs démarches de naturalisation ou de délivrance de titres de séjour. Les préfectures procèdent à un examen prioritaire et individualisé de ces dossiers, en s'assurant de la contribution effective des personnes concernées. Au cas par cas, les situations des personnes en situation irrégulière ayant contribué activement à la lutte contre l'épidémie ont été examinées. Les motifs exceptionnels et considérations humanitaires prévus dans la circulaire précitée, notamment les « services rendus à la collectivité » ont justifié l'octroi à l'AES de certains ressortissants étrangers. Au 31 décembre 2020, 3573 dossiers assortis des justificatifs demandés avaient été reçus, 343 personnes avaient d'ores et déjà acquis la nationalité française selon cette voie.