15ème législature

Question N° 29185
de M. Ugo Bernalicis (La France insoumise - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > lieux de privation de liberté

Titre > Les entraves à l'exercice du droit de visite des établissements pénitentiaires

Question publiée au JO le : 05/05/2020 page : 3210
Réponse publiée au JO le : 22/02/2022 page : 1178
Date de changement d'attribution: 07/07/2020
Date de renouvellement: 19/01/2021

Texte de la question

M. Ugo Bernalicis alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions d'exercice des parlementaires du droit de visite des établissements pénitentiaires. En effet, par courriel en date du 31 mars 2020, M. le député a averti le directeur du centre pénitentiaire de Sequedin de son intention d'exercer son droit de visite sur le fondement de l'article 719 du code de procédure pénale. Il a reçu le jour même la réponse suivante : « je vous informe que les visites parlementaires ne sont plus possibles en établissements pénitentiaires en cette période de crise sanitaire ». Saisi en référé, le tribunal administratif de Lille a rendu une décision de non-lieu du fait de la proposition faite par le ministère d'une visite de l'établissement, mais condamnant aux frais de justice l'État, et ainsi reconnaissant le caractère fondamental de ce droit de visite des parlementaires. Bien que M. le député se soit extrait de cette proposition du ministre et ait exercé quelque jours plus tard son droit de visite, il tient à interroger Mme la ministre sur les modalités d'aménagement du droit de visite qui lui ont été proposées, dont les termes posent question tant sur leur mise en pratique que sur leur légalité. La première proposition était « de bien vouloir envisager de reporter de quelques semaines » l'exercice dudit droit de visite, c'est-à-dire après la crise sanitaire. Il apparaît que ce report de quelques semaines semble particulièrement antinomique avec les fondements même de l'exercice du droit de visite qui peut s'exercer sans délai et de manière inopinée, et ce afin de constater le respect ou non des droits fondamentaux des personnes détenues. M. le député souhaite savoir quelle est pour Mme la ministre la définition des termes de la loi « à tout moment » dans l'exercice du droit de visite des établissements pénitentiaires ? Précisément, quelles circonstances sont susceptibles de pouvoir motiver un refus par l'administration ? En outre, la proposition du ministère poursuit en indiquant qu'il « serait souhaitable que vous interveniez seul et avec les mesures sanitaires, telles que le port d'un masque, permettant de maintenir l'anneau sanitaire de protection mis en place à l'établissement ». Cette mention restreint donc implicitement l'exercice du droit de visite au seul parlementaire. Or, la loi du 17 avril 2015 a élargi ce droit de visite en permettant que les parlementaires soient accompagnés par des journalistes lors de leurs visites. M. le député souhaite avoir des précisions sur les possibilités pour des journalistes d'accompagner des députés dans l'exercice de ce droit de visite des établissements pénitentiaires. Enfin, il apparaît indispensable de mettre à jour la note du 20 janvier 2017 relative à la visite des établissements pénitentiaires par les parlementaires et les journalistes accompagnant des parlementaires afin de préserver ce droit fondamental des parlementaires, mais aussi afin de prévoir un formalisme nécessaire pour préserver l'effectivité de celui-ci. L'absence de cadre précis conduit à des décisions arbitraires et illégales des établissements pénitentiaires, quant à l'exercice de ce droit. Il demande ainsi dans quel délai la ministre entend modifier la note susmentionnée.

Texte de la réponse

Le caractère fondamental du droit de visite des parlementaires au sein des établissements pénitentiaires, en ce qu'il participe directement de l'effectivité de la démocratie, est consacré à l'article 719 du code de procédure pénale. Aucune atteinte à l'exercice de ce droit, qui serait injustifiée ou disproportionnée, ne saurait être tolérée.  Il n'existe donc pas de circonstances susceptibles de motiver, a priori et de façon automatique, un refus de visite à un parlementaire, lequel doit pouvoir vérifier que les conditions de détention répondent à l'exigence du respect de la dignité de la personne, en particulier durant la période de crise sanitaire (Conseil d'Etat, ordonnance, 27 mai 2005, Section française de l'observatoire international des prisons, M. B et Mme . B., req. n° 280866). Le 31 mars 2020, l'exercice du droit de visite de M. Bernalicis a été respecté par l'administration pénitentiaire qui a néanmoins été dans l'obligation d'aménager les conditions de visite afin de tenir compte des circonstances exceptionnelles et des impératifs de santé publique liés à la crise sanitaire. L'administration pénitentiaire a veillé, en effet, à limiter tout risque d'introduction de la Covid-19 dans les établissements pénitentiaires alors que des mesures de confinement avaient été prises sur l'ensemble du territoire national depuis le 17 mars 2020. Dans ce contexte, l'administration pénitentiaire a invité M. Bernalicis à se rendre seul au sein de l'établissement, sans accompagnant, en l'espèce des journalistes Une telle restriction est expressément prévue par l'article R. 57-4-11 du code de procédure pénale qui dispose que l'accès peut être refusé pour des motifs liés à la sécurité, au bon ordre, à l'intérêt public ou à la protection des victimes. Le juge des référés du tribunal administratif de Lille s'est prononcé le 6 mai 2020 sur la requête de M. Bernalicis visant à la suspension de la décision par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lille avait refusé la présence d'un journaliste et d'un collaborateur parlementaire à l'occasion de l'exercice de son droit de visite de la maison d'arrêt de Béthune en sa qualité de parlementaire. Il a alors considéré que la limitation des risques d'intrusion et de diffusion du virus au sein de l'établissement pouvait justifier la restriction de l'accès des journalistes accompagnant les parlementaires, cette possibilité étant détachable de l'exercice du contrôle par le parlementaire lui-même. Cet aménagement était en outre proportionné au but poursuivi, ne privant pas le parlementaire, à l'issue de sa visite, de faire état du contenu de celle-ci devant la presse et l'opinion publique, comme ce fut d'ailleurs le cas. En l'état, le cadre établi par le code de procédure pénale et la note du 20 janvier 2017 relative à la visite des établissements pénitentiaires par les parlementaires et les journalistes accompagnant des parlementaires garantit le respect des droits et libertés, ainsi qu'a pu le reconnaître le juge des référés du tribunal administratif de Lille.