Politique de la justice face à la crise épidémique
Question de :
Mme Laetitia Avia
Paris (8e circonscription) - La République en Marche
Question posée en séance, et publiée le 30 avril 2020
POLITIQUE DE LA JUSTICE FACE À LA CRISE ÉPIDÉMIQUE
M. le président. La parole est à Mme Laetitia Avia.
Mme Laetitia Avia. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, et j'y associe l'ensemble de mes collègues commissaires aux lois de La République en marche.
Nous tenons, madame la ministre, à saluer les mesures prises pour limiter la propagation du virus dans l'univers carcéral et à rendre hommage au personnel pénitentiaire pour son professionnalisme et son dévouement dans cette période difficile. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir, LR, SOC et LT.)
Nous avons toutefois été alertés sur les conditions dans lesquelles de nombreux prévenus ont vu leur détention provisoire prolongée automatiquement sans passer devant un juge et sans être assistés d'un avocat. De telles procédures ne peuvent perdurer, y compris en état d'urgence sanitaire. C'est pourquoi nous nous associons aux demandes formulées afin que cette mesure exceptionnelle prenne fin dès le déconfinement du 11 mai et que les prévenus puissent être rapidement présentés devant un juge des libertés et de la détention. Nous savons que vous avez pris des engagements en ce sens, que nous saluons et encourageons.
Au-delà de la prolongation des détentions provisoires, se pose la question des demandes de remise en liberté des prévenus en cette période de restriction des déplacements. Le formalisme actuel est trop lourd et inadapté à la période que nous connaissons. C'est pourquoi nous proposons que les demandes de remise en liberté puissent être transmises par courriel lorsque les conditions de leur examen le permettent, par exemple quand il s'agit de transmettre des justificatifs de domicile ou de travail aux fins de garantie de représentation du prévenu.
Enfin, car il convient de donner tout son sens à la détention provisoire – qui est de faire avancer l'enquête – et ce plus encore pour ceux dont la détention a été prolongée sans qu'un juge ne réexamine leur dossier, nous souhaitons que tous ces prévenus puissent, avec leur avocat, présenter leurs éléments de défense et de fond devant le juge d'instruction et avant la fin de la détention provisoire.
Voilà, madame la ministre, les propositions que nous vous soumettons, lesquelles doivent s'inscrire dans un plan de reprise de l'activité judiciaire que nous appelons de nos vœux pour la préservation des droits des justiciables. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Je m'associe, madame la députée Avia, aux remerciements que vous avez adressés aux personnels de l'administration pénitentiaire, de même que je souhaite, devant vous, souligner l'engagement de l'ensemble des personnels de justice dans cette période difficile.
En raison de la pandémie, nos juridictions et nos tribunaux ont dû se réorganiser : la tenue des audiences, notamment, s'est avérée particulièrement complexe et, vous le savez, certains magistrats, pour des raisons diverses, ont été empêchés. C'est la raison pour laquelle le respect des délais légaux, notamment de ceux relatifs à la détention provisoire, s'est avéré parfois difficile, voire impossible. Il était donc de ma responsabilité d'éviter que des personnes présumées dangereuses puissent de ce fait être libérées. Je rappelle que sur les 15 000 personnes actuellement en détention provisoire, près des deux tiers le sont pour des faits de nature criminelle. C'est l'objet de l'ordonnance du 25 mars.
Mais il est aussi de ma responsabilité, j'insiste beaucoup sur ce point, de faire en sorte que le retour au droit commun s'effectue le plus tôt possible. Le retour progressif à une situation normale commençant à partir du 11 mai, je présenterai aujourd'hui au Conseil d'État un projet d'ordonnance permettant le retour aux dispositions du code de procédure pénale, lequel s'effectuera évidemment dans des conditions adaptées.
Je prends note, madame la députée, de vos propositions, qui visent à faciliter l'examen des demandes de remise en liberté et à permettre au juge d'instruction de pouvoir réinterroger une personne prévenue dans les deux mois, si celle-ci a fait l'objet d'une prolongation de plein droit de sa détention provisoire. Vos propositions correspondent parfaitement à ma volonté d'un réexamen rapide des situations des personnes qui n'ont pu être traitées pendant la période de confinement. Vos propositions sont donc, madame la députée, des pistes très intéressantes, et je vous en remercie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : Mme Laetitia Avia
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 avril 2020