15ème législature

Question N° 29408
de M. Bruno Bilde (Non inscrit - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > lieux de privation de liberté

Titre > Conséquences dramatiques de la libération massive de détenus

Question publiée au JO le : 12/05/2020 page : 3342
Réponse publiée au JO le : 14/09/2021 page : 6851
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. Bruno Bilde interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les conséquences de la décision du Gouvernement de libérer massivement les détenus sous le prétexte ahurissant de désengorger les prisons pendant la crise sanitaire. En effet, depuis le 16 mars 2020, 11 500 prisonniers ont été libérés dont 5 300 individus en fin de peine. Contrairement à la propagande mensongère de Mme la ministre sur la chute prétendue de la délinquance liée au confinement, la politique d'ouverture des prisons a engendré la multiplication des actes de récidive. Le 3 avril 2020 à Saint-Fort-sur-le-Né en Charente, un homme qui avait été libéré de prison de manière anticipée a volé une voiture puis a tenté d'échapper aux forces de l'ordre en les menaçant avec une hachette. Le 17 avril 2020, le procureur de la République de Montauban a requis 10 mois de prison ferme pour outrages, rébellion et menaces contre des gendarmes à l'encontre d'un prévenu de 26 ans libéré 15 jours plus tôt dans le cadre des ordonnances de Mme la ministre. Le 20 avril 2020, un homme de 38 ans, libéré 10 jours plus tôt, a été jugé en comparution immédiate et condamné à 6 mois de prison après des faits de violences contre 5 policiers. Il a été écroué à Corbas dans la métropole lyonnaise. Mardi 28 avril 2020, à Besançon, un homme sans permis, sorti de prison le 10 avril 2020, a percuté de plein fouet un véhicule, blessant gravement sa conductrice, une aide-soignante travaillant dans un Ehpad. Encore plus scandaleux ! Le 7 avril 2020, les assassins présumés du jeune Kewi ont été remis en liberté quelques mois à peine après avoir tué le lycéen de 15 ans de plusieurs coups de couteau aux Lilas. Le laxisme aveugle et débridé conduira aussi le jeune Marin, tabassé ignoblement en 2016 pour avoir tenté de protéger un couple, à recroiser son agresseur qui devrait obtenir prochainement une libération anticipée. Comment Mme la ministre peut-elle expliquer cette monstruosité judiciaire à ses parents ? L'accumulation des faits démontre de manière implacable que la politique de libération massive des détenus est un échec cuisant et constitue une menace sérieuse pour la sécurité des Français. Échec sur le front sanitaire, car les règles du confinement se devaient d'être encore plus strictes dans les établissements pénitentiaires où la propagation du virus est par définition limitée. Échec sur le front sécuritaire, quand les milliers de détenus relâchés, dont 130 condamnés pour radicalisation, sont venus grossir les rangs des racailles qui ont embrasé plusieurs quartiers de France à la suite des émeutes de Villeneuve-la-Garenne. Alors que certains irresponsables plaident pour une loi d'amnistie après le confinement afin d'accélérer la baisse de la population carcérale, il est à craindre que les prochains mois de déconfinement soient contaminés par une explosion de violences. Il lui demande quand elle va comprendre que le confinement des criminels et des délinquants derrière les barreaux est une mesure de salut public, et quand elle va confiner définitivement le laxisme qui lui sert de boussole idéologique et représente un danger pour la société.

Texte de la réponse

Face à l'évolution de l'épidémie de la Covid-19, le Gouvernement a rapidement pris des mesures afin d'éviter l'entrée et la propagation du virus dans les prisons et garantir la continuité du service public pénitentiaire. L'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie de la Covid-19 a ainsi facilité, pour la durée de la crise, le prononcé de mesures existantes comme la suspension de peine pour raison médicale, la libération sous contrainte sous forme de libération conditionnelle et la conversion de peine. En complément, elle a créé deux dispositifs transitoires et exceptionnels, applicables dans les conditions strictes prévues par ladite ordonnance : la réduction supplémentaire de peine liée aux circonstances exceptionnelles et l'assignation à domicile de fin de peine. Selon l'article 2 de l'ordonnance, ces dispositions ont été applicables « jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire ». Elles ne sont donc plus en vigueur depuis le 10 août 2020. Entre le 16 mars et le 11 mai 2020, la diminution très significative de la population pénale correspond majoritairement à des fins de peine puisque seuls 3 288 condamnés ont bénéficié d'une mesure de réduction supplémentaire de peine exceptionnelle et 1 714 d'une mesure d'assignation à domicile de fin de peine. Ces libérations anticipées, motivées par la situation sanitaire, limitées dans le temps et excluant de nombreux profils, n'ont pas eu d'effet direct sur la délinquance, puisque seuls une trentaine d'entre eux ont été réincarcérés pour manquement à leurs obligations. Du reste, les profils concernés ont été pour l'essentiel libérés durant le confinement et, en tout état de cause, l'auraient été avant l'été. Concernant les conditions d'octroi de ces mesures, le service pénitentiaire d'insertion et de probation, afin d'émettre un avis sur une libération anticipée, a vérifié les conditions d'hébergement de la personne détenue mais également l'environnement social et familial dans lequel la personne se trouverait, évalué comme n'étant pas un risque de récidive. Les sorties anticipées ont donc été réalisées sur la base d'éléments transmis par le SPIP et l'établissement pénitentiaire à destination du magistrat mandant. Durant la première période de confinement, les personnes libérées de manière anticipée exécutant une mesure en milieu ouvert ont été suivies par le SPIP dans le cadre d'entretiens téléphoniques et de la transmission de tout justificatif utile par voie dématérialisée, conformément à la note de la direction de l'administration pénitentiaire en date du 17 mars 2020. A l'inverse, il n'est pas pertinent de prétendre qu'une quelconque impunité ait pu s'installer durant cette même période : le service public de la Justice, et à plus forte raison les établissements pénitentiaires, n'ont jamais cessé de fonctionner.