15ème législature

Question N° 29438
de M. José Evrard (Non inscrit - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > Aide à l'Afrique et corruption

Question publiée au JO le : 12/05/2020 page : 3329
Réponse publiée au JO le : 21/07/2020 page : 4967
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

M. José Evrard attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères à propos de l'aide à l'Afrique. Au nom de la lutte solidaire contre le coronavirus, la France s'apprête à effacer la dette de l'Afrique afin de renforcer sa capacité à combattre l'épidémie. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères annonce, lui, une aide d'un milliard deux-cents millions d'euros pour aider l'Afrique à se développer. Cette aide s'ajoute aux 35 milliards de dollars d'aides annuelles au développement que l'Afrique perçoit depuis que les États qui la composent ont choisi l'indépendance. Ces 2 000 milliards de dollars d'aides cumulées depuis 1960 n'ont pas modifié le destin des Africains, toujours plus nombreux à vouloir quitter le continent. Il est vrai, comme le soulignait un président étranger, les riches Africains laissent rarement leur patrimoine sur leur continent, ils sont les premiers à le fuir. On peut imaginer au vu des résultats que les 2 000 milliards de dollars n'ont pas échappé à cette règle car qui d'autres que les autorités les perçoivent ? Une autre illustration est donnée sur un média numérique : un agent français, opérant au Niger, fait part de ses investigations. Il prend l'exemple du ministre de la défense nigérien qui pendant trois ans a utilisé son budget pour des achats d'armements inutiles mais engendrant des commissions profitables pour son enrichissement, tandis que la France continue d'alimenter le pays en fonds d'aide au développement. Alors que la France dispose de beaucoup d'organismes et d'institutions à Niamey, qu'elle mène l'opération Barkhane dans la zone, elle ne semble pas exiger du gouvernement nigérien une coopération militaire, pas plus qu'une coopération civile pour freiner l'immigration qui s'organise à partir de son territoire. Des opérations semblables se comptent par milliers. Ainsi dévoyée, l'aide à l'Afrique devient une pantalonnade qui participe à l'immigration africaine vers l'Europe. Aide qui peut prêter à toutes les interprétations parce que financière. Si aider un pays en difficulté peut se concevoir, systématiser l'aide devient louche dans la mesure où elle engendre des rapports de charité d'un État riche vers les États impécunieux, et au sein de ces États, les mieux placés en tire des bénéfices. Pour rétablir un peu d'égalité dans les rapports, vers une sorte de donnant-donnant, ne serait-il pas judicieux de donner à ces pays l'équivalent en moyens pour réaliser des projets agricoles ou produire des marchandises utiles aux populations à la place de l'équivalent monétaire ? Ne pourrait-on pas assortir l'aide de la France à des mesures devant être prises par l'État bénéficiaire ? Ne pourrait-on pas imaginer le blocage de l'immigration ? Ou de faire remigrer vers leur État d'origine les détenus africains des prisons françaises afin de ne pas imposer une double peine fiscale aux Français ? Il lui demande si l'expulsion vers leur pays d'origine des détenus africains dans les prisons françaises ne ferait pas partie des prémisses nécessaires à l'établissement de rapports véritables avec ces États issus de la décolonisation.

Texte de la réponse

L'aide publique au développement est essentielle pour répondre aux causes profondes des crises et des fragilités, au premier rang desquelles les inégalités mondiales et la dégradation des biens publics mondiaux. Elle répond pour la France à un triple enjeu de solidarité en cohérence avec ses valeurs, d'efficacité afin de faire face à des défis par nature mondiaux tels que le changement climatique ou les pandémies, et de prévention car les vulnérabilités économiques, sociales et environnementales de pays avec lesquels nous sommes liés peuvent avoir des répercussions jusque sur notre territoire. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a fixé l'objectif de porter notre aide publique au développement à 0,55% du revenu national brut d'ici à 2022. C'est aussi le sens de l'initiative portée par la France pour accroître le soutien international à l'Afrique dans le cadre de la crise du Covid-19. Afin de renforcer l'efficacité de notre aide et d'en garantir les résultats au bénéfice des populations sur le terrain, nous avons entrepris depuis 2018 une rénovation de notre politique de développement en la fondant sur une logique résolument partenariale. Il s'agit de construire avec les pays partenaires, en particulier en Afrique, une relation nouvelle fondée sur les principes d'égalité, de responsabilité et d'intérêts partagés pour relever les défis communs. Notre APD est ciblée sur les priorités sectorielles et géographiques clairement définies (santé, climat, éducation, égalité entre les femmes et les hommes, crises et fragilités), ainsi que dix-neuf pays prioritaires, appartenant tous à la catégorie des pays les moins avancés. Elle intègre le soutien à la jeunesse et la promotion du secteur privé, vecteur d'emploi et de croissance économique, comme axes stratégiques de déploiement. La France inscrit son action dans le cadre de la gestion axée sur les résultats, un des cinq grands principes de la déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide (2005). Le gouvernement rend compte de la mise en œuvre de la politique de développement sur la base de 30 indicateurs de résultat annexés à la loi du 7 juillet 2014 (LOP-DSI). Ces indicateurs sont renseignés tous les deux ans dans le rapport bisannuel au Parlement. Les projets annuels de performance, annexés au projet de loi de finances, contiennent des indicateurs de performance permettant de mesurer l'atteinte des objectifs fixés pour les programmes budgétaires relevant de la mission « Aide publique au développement », dont le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » géré par le ministère. Enfin, l'Agence française de Développement (AFD) rend compte annuellement des résultats de la mise en œuvre des orientations fixées par le contrat d'objectifs et de moyens (COM). L'aide publique française au développement française au Niger vise à accompagner les efforts du gouvernement nigérien pour l'amélioration de la qualité de vie de la population locale, en particulier dans les zones les plus fragilisées du pays. Elle produit des résultats visibles et mesurables. Ainsi, l'AFD accompagne les autorités nigériennes dans la mise en place de programmes d'infrastructures, pour l'amélioration de l'accès/qualité des services de base, dans le développement de programmes agricoles, pour le renforcement des secteurs sociaux (santé et éducation) et pour l'appui à la formation professionnelle des jeunes. Ainsi, durant ces quatre dernières années, plus d'un million d'enfants ont bénéficié des projets soutenus par l'AFD dans le domaine de l'éducation (rénovation des écoles, formation des professeurs ; dans le cadre d'un projet à Niamey, 138 585 filles ont pu être scolarisées). Grâce notamment à ces différents programmes, plus de 72% des élèves nigériens achèvent aujourd'hui le cycle scolaire (primaire et secondaire), contre 54% en 2014 ; l'AFD appuie aussi la rénovation de 6 centres de formation professionnelle dans la mise en place de cursus de formation révisés et adaptés aux besoins des entreprises nigériennes (5000 ouvriers formés par an) ; 9,7 millions d'hectares ont fait partie d'un programme de restauration/conservation des sols qui permet un meilleur rendement à l'hectare des récoltes. Dans le cadre de l'Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) agréée par le G20 et le Club de Paris en avril 2020, la France a suspendu le paiement du service de la dette dû par le Niger en 2020 pour lui permettre de répondre aux besoins urgents créés par la crise sanitaire. Cette initiative contribuera à améliorer la transparence et la gestion de la dette du pays. L'affaire de détournements de fonds présumés au préjudice du ministère nigérien de la Défense fait l'objet d'une procédure judiciaire au Niger, comme l'a annoncée le procureur de la République nigérienne en avril dernier. Cette affaire n'est aucunement liée à la coopération militaire franco-nigérienne, qui s'inscrit dans le cadre de nos efforts conjoints de lutte contre le terrorisme.  Enfin en matière de migration, la France soutient une approche incitative visant à intensifier la coopération avec les pays partenaires en matière migratoire et à renforcer la cohérence entre les politiques concernant la migration et la coopération au développement, afin de garantir que l'aide au développement soutient les pays partenaires dans leurs efforts pour gérer la migration de manière plus efficace. Sur le plan international, la France est très engagée, avec ses partenaires européens et africains, pour mieux intégrer migration et politique de développement et pour lutter contre les causes profondes de la migration irrégulière, dans le cadre défini lors du Sommet UE-Afrique de La Valette de novembre 2015.