Question écrite n° 29476 :
Absence de cadre juridique relatif à la vidéo-surveillance au moyen de drone

15e Législature

Question de : Mme Christine Pires Beaune
Puy-de-Dôme (2e circonscription) - Socialistes et apparentés

Mme Christine Pires Beaune attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'usage de drones par la gendarmerie nationale ainsi que par les polices municipale et nationale. Depuis plusieurs mois, la gendarmerie ainsi que la police ont recours à l'utilisation de drones équipés de caméras de vidéo-surveillance, afin d'exercer leurs missions de maintien de l'ordre public. Ils étaient jusqu'ici utilisés afin de surveiller un massif forestier, le parcours d'une manifestation ou un axe de circulation accidenté. Depuis plusieurs semaines maintenant, dans le cadre de la crise sanitaire causée par l'épidémie de covid-19, les services de gendarmerie et de police recourent à ces drones équipés de haut-parleurs afin de veiller au respect du confinement de la population ainsi qu'au respect des mesures de distanciation sociale. Cela peut représenter un atout dans la lutte contre l'épidémie, en évitant le contact physique tout en permettant d'avertir le plus de personnes possible dans un laps de temps relativement court afin de gagner en efficacité. Toutefois, la généralisation d'un tel usage sur l'ensemble du territoire national et pour différentes missions de maintien de l'ordre public fait peser un certain nombre de risques sur les libertés publiques et le droit à la vie privée. En effet, le cadre juridique auquel ces drones sont soumis est vague et peu défini. Si la vidéo-surveillance au moyen de caméras-piétons obéit à certaines règles, comme l'interdiction de filmer les espaces privés ou l'interdiction de conservation des images au-delà d'un mois, ce n'est pas le cas des drones équipés de caméras. L'arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l'utilisation de l'espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord définit le cadre d'utilisation de ces drones. Toutefois, en disposant que la police et la gendarmerie sont exempts de déclaration de vol si « les circonstances de la mission et les exigences de l'ordre et de la sécurité publics le justifient », il demeure un encadrement juridique très insuffisant, donc incapable de préserver efficacement les libertés publiques et la vie privée des citoyens. Aussi, elle lui demande de bien vouloir préciser le nombre de drones susceptibles d'être utilisés par la gendarmerie et les polices municipale et nationale sur l'ensemble du territoire. Elle lui demande également de bien vouloir apporter des précisions quant au contenu de la formation que reçoivent les forces de l'ordre en charge de leur pilotage. Elle lui demande enfin de bien vouloir préciser l'encadrement juridique auquel est soumise l'utilisation des drones par la gendarmerie et la police, en particulier s'agissant du respect de la vie privée et des libertés individuelles.

Réponse publiée le 6 avril 2021

Les forces de sécurité du ministère de l'Intérieur opèrent 556 drones dans le cadre de la police judiciaire ou administrative en métropole comme en outre-mer. La gendarmerie nationale compte 299 drones et 327 télépilotes. La formation est dispensée par le groupe d'instruction des forces aériennes de la gendarmerie situé à Cazaux dans les Landes. Le cadre juridique d'emploi y est naturellement abordé. Le statut « d'autorité d'emploi » du directeur général de la gendarmerie nationale implique que les aéronefs de la gendarmerie, dont les drones, disposent du statut d'aéronefs d'État. Ils relèvent donc, non pas de la réglementation civile, mais bien de la réglementation militaire, dont la direction de la sécurité de l'aéronautique d'Etat est la garante. L'emploi des drones en gendarmerie est donc assujetti à plusieurs textes : - arrêté du 24 décembre 2013 fixant les règles relatives à la conception et aux conditions d'utilisation des aéronefs militaires ; - l'instruction 1550/DSAÉ/DIRCAM du 23 novembre 2017 relative aux directives et procédures d'exécution des vols de drone en circulation aérienne militaire en temps de paix ; - l'instruction 94000/GEND/DOE/SDSPSR/BSRFMS du 1er juillet 2019 relative à l'emploi des systèmes de drone au sein de la gendarmerie nationale ; - le manuel d'exploitation. La police nationale dispose pour sa part d'un parc de 257 drones, employés comme ceux de la gendarmerie nationale dans le cadre de diverses missions de police (ordre public, police judiciaire, lutte contre le terrorisme, etc.) ou d'assistance et de secours aux populations. Pour leur emploi, la police nationale s'appuie sur 137 télépilotes. Leur formation s'effectue au centre d'initiation et de formation des équipes drones de l'école de l'air, dans le cadre d'un partenariat noué avec l'armée de l'air. Il comporte une première formation pédagogique et pratique concernant l'emploi des aéronefs télépilotés. Une seconde formation porte sur l'évolution des télépilotes confirmés en instructeurs « télépilote ». Sur le plan juridique, l'emploi des drones au sein de la police nationale relève de l'arrêté du 17 décembre 2015 relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent, notamment son article 8 et de l'arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l'utilisation de l'espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord, notamment son article 10. Par ailleurs, une doctrine d'emploi a été établie par la direction générale de la police nationale (instruction du 27 juillet 2018 relative à l'emploi des aéronefs télépilotés dans la police nationale). Il convient d'ajouter à ce cadre les « consignes permanentes opérationnelles » qui déclinent au sein de chaque direction active de police les modalités opérationnelles et pratiques de l'utilisation des drones. Sur le plan du respect de la vie privée et des libertés individuelles, les instructions internes de la gendarmerie et de la police nationales rappellent strictement les règles applicables en la matière. S'agissant des questions que l'emploi de drones peut soulever sur le plan du respect des libertés individuelles, des travaux pilotés par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'Intérieur sont en cours pour clarifier et renforcer les garanties en la matière. Ils permettront notamment de prendre en compte la récente jurisprudence du Conseil d'Etat (ordonnance du 18 mai 2020). Le ministre de l'intérieur a également sollicité un avis du Conseil d'Etat qui a été rendu le 20 octobre 2020. Cet avis, mis en ligne sur son site à la demande du Gouvernement, précise les conditions d'encadrement juridique des drones. Enfin, l'article 22 de la proposition de loi sur la sécurité globale qui a été votée en première lecture à l'Assemblée Nationale et au Sénat comporte plusieurs dispositions visant à encadrer l'usage des drones qui seront complétées par un décret en Conseil d'Etat après avis de la CNIL.

Données clés

Auteur : Mme Christine Pires Beaune

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sectes et sociétés secrètes

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 12 mai 2020
Réponse publiée le 6 avril 2021

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