Rôle des collectivités locales dans la lutte contre l'épidémie de covid-19
Question de :
M. Jean-Pierre Cubertafon
Dordogne (3e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 6 mai 2020
RÔLE DES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS LA LUTTE CONTRE L'ÉPIDÉMIE DE COVID-19
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cubertafon.
M. Jean-Pierre Cubertafon. J'associe mes collègues de Dordogne à ma question. Monsieur le Premier ministre, le plan national de déconfinement prévoit notamment la réouverture progressive des écoles élémentaires et maternelles à partir du 11 mai, sous la responsabilité des maires. Nous sommes à leurs côtés dans ce moment important pour nos communes et pour chaque famille, et je tiens à les saluer. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM. – M. Jean-Michel Jacques applaudit également.)
Sur le terrain, nombre d’entre eux mettent tout en œuvre pour accueillir les enfants dès la semaine prochaine, tout en s'interrogeant face à cette situation inédite. D’autres, fort heureusement peu nombreux, après avoir légitimement réclamé que la gestion de la crise soit confiée aux acteurs les plus proches du terrain, s’inquiètent du poids de cette responsabilité. Il nous faut rassurer les uns et les autres.
Nous devons rappeler que la loi adoptée en 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, dite loi Fauchon, du nom de notre ancien collègue centriste, protège les élus, comme tout citoyen, d'une condamnation en cas de faute non intentionnelle.
Dans les circonstances présentes, complexes à l’extrême, il s’agit de n'aller ni en deçà, ni au-delà de cette responsabilité.
Pas en deçà : nous devons préciser, pour tous les maires, les points qui restent incertains, afin de les sécuriser juridiquement. Ainsi, pouvez-vous nous confirmer que le pouvoir d’ouverture des écoles revient à l'État, le rôle du maire étant de vérifier que les conditions fixées par le protocole sanitaire sont remplies et d’assurer la bonne gestion du personnel municipal ?
Pas au-delà : si un maire s’éloignait de manière intentionnelle des objectifs d’intérêt général, sa responsabilité individuelle doit demeurer engagée.
Les maires, comme les chefs d’entreprise, ne réclament pas le bénéfice d'une immunité contraire à leur vocation. Toutefois, devant l’ampleur des menaces, l'incertitude des solutions, la complexification des normes et la judiciarisation de la société, nous attendons que le Gouvernement réaffirme le droit, qui nous protège tous et engage chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Hier, devant le Sénat, à l'occasion de l'examen du projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, M. le Premier ministre puis moi-même avons souligné combien le Gouvernement est sensible aux inquiétudes des élus, des maires et, au-delà, de l'ensemble des décideurs en matière de risque pénal, notamment en cette période de reprise d'activité.
Nous avons également rappelé que le droit en vigueur, en matière de déclenchement de la responsabilité pénale pour des fautes involontaires, est assez restrictif. D'une part, le droit exige d'apporter la preuve qu'un individu a un comportement sciemment dangereux, et ne prend pas soin d'autrui. D'autre part, pour établir si une faute a été commise, la chambre criminelle de la Cour de cassation doit systématiquement porter une appréciation in concreto, c'est-à-dire au cas par cas.
Dans l'objectif de rassurer, pour reprendre vos mots, les élus, il me paraît cependant souhaitable de clarifier le droit existant, en prenant en compte les compétences propres de chacun des décideurs et les connaissances personnelles dont ils disposent au moment des événements. Ce préalable s'impose pour la recherche d'une éventuelle responsabilité pénale dans le cadre de la crise sanitaire.
Comme vous le soulignez, il est important de lever toute incertitude pour les élus et l'ensemble des décideurs concernant leurs responsabilités pour les décisions qu'ils doivent prendre pendant la crise du Covid-19.
Il est essentiel, comme vous l'avez très bien rappelé, que cette évolution législative s'inscrive dans le respect du principe constitutionnel d'égalité et que ces dispositions, tout en évitant un risque pénal excessif, traduisent l'équilibre nécessaire entre responsabilité et prise de décision. C'est dans ce sens que je suis prête à travailler avec le Parlement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : M. Jean-Pierre Cubertafon
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Élus
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 mai 2020