Question écrite n° 29563 :
Négociations commerciales entre l'Union européenne et le Mexique

15e Législature

Question de : M. Ludovic Pajot
Pas-de-Calais (10e circonscription) - Non inscrit

M. Ludovic Pajot attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les négociations commerciales entre l'Union européenne et le Mexique. La Commission européenne a récemment annoncé l'achèvement du processus de négociation d'un accord de libre-échange entre l'UE et le Mexique. Cet accord, s'il devait être finalisé, consacrerait notamment la suppression de tout droit de douane sur les produits échangés entre l'UE et le Mexique, incluant entre autres les produits agricoles. La conséquence directe de cette orientation sera l'introduction sur le marché européen de près de 20 000 tonnes de viande bovine, entrant en concurrence directe avec les productions européennes, sans compter les productions liées à la volaille ou encore au porc. Outre la concurrence déloyale que cet accord risque de faire peser sur les producteurs français, la question de la sécurité alimentaire ne doit pas être éludée. Il est en effet possible de s'interroger sur le strict respect des normes sécuritaires dans le cadre de la mise en place de ces importations. La santé des Français n'est pas négociable, le consommateur doit être strictement protégé. Il lui demande donc de bien vouloir lui apporter des précisions sur le processus d'adoption de cet accord, sur l'exigence d'une ratification par les Parlements avant toute entrée en vigueur et sur les garanties que la France compte exiger en matière de protection de sa filière agricole.

Réponse publiée le 4 août 2020

L'ouverture de marchés dans les pays tiers offre des débouchés supplémentaires aux filières et constitue un relais de croissance important. La France est donc favorable à la conclusion d'accords commerciaux, pour autant que les accords signés soient équilibrés, respectent les filières sensibles et contribuent à la cohérence des politiques de l'Union européenne (UE). La conclusion des négociations visant à moderniser l'accord de libre-échange liant l'UE et le Mexique depuis 1997 offre ainsi des opportunités aux producteurs et exportateurs français de fromages, poudre de lait, produits à base de porc, viande de volaille, pommes, préparations alimentaires. Elle assure la protection de 75 indications géographiques françaises en plus des 55 spiritueux déjà protégés par l'accord antérieur. Le Conseil européen avait indiqué dans ses conclusions du 8 mai 2018 que l'accord entre l'UE et le Mexique devrait être considéré comme un accord mixte, et soumis à ce titre à la ratification des Parlements nationaux, et non seulement à celle du Parlement européen. Pour ce qui concerne le volet sanitaire de cet accord, le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit respecter les règles du marché intérieur, en particulier les normes sanitaires et phytosanitaires, est non-négociable. L'ensemble des importations de viande mexicaine doit respecter les préférences collectives européennes pour entrer sur le marché européen : les viandes issues d'animaux traités avec des hormones de croissance ou toute autre substance anabolisante non autorisée dans l'UE comme facteur de croissance sont strictement interdites. En outre, ces importations devront également être conformes aux dispositions pertinentes du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires, qui entérine l'interdiction d'importation de tous les types de viandes issues d'animaux ayant reçu des antibiotiques comme activateurs de croissance ou des antibiotiques critiques, et ce dès son entrée en application en janvier 2022. Cette règle s'appliquera également au Mexique. De même, les farines de viande et d'os de ruminants quelle que soit leur origine sont strictement interdites pour le bétail dans l'UE. La protection et l'information des consommateurs sont par ailleurs renforcées par la mention obligatoire de l'origine des viandes bovines dans l'UE, qu'il s'agisse de la viande fraîche ou dans les produits transformés. Le Gouvernement a bien identifié que les préoccupations exprimées, à la fois par les éleveurs et les consommateurs, ne portent pas seulement sur la qualité sanitaire des importations, mais également sur l'équivalence des modes de production pour assurer une concurrence équitable. C'est prioritairement au niveau européen que les standards de production applicables aux produits issus de pays tiers doivent être fixés. La France est à l'initiative de l'introduction dans la réglementation sanitaire de l'UE d'éléments de réciprocité envers les produits issus de pays tiers, comme en témoigne le règlement sur les médicaments vétérinaires. Au-delà de ces aspects sanitaires, le Gouvernement porte auprès de la Commission européenne l'objectif d'une meilleure cohérence entre la politique commerciale et la politique agricole de l'UE, conformément aux engagements de l'axe 3 de son plan d'action relatif à l'accord économique et commercial global. Le Gouvernement français a ainsi présenté début mai à l'UE, conjointement avec le Gouvernement des Pays-Bas, un document de position sur le commerce et le développement durable, qui prévoit notamment de renforcer le chapitre développement durable des accords commerciaux conclus par l'UE, de conditionner les préférences tarifaires octroyées dans ces accords au respect de standards environnementaux et sociaux, et de porter à l'organisation mondiale du commerce la question du développement durable, du climat et de la biodiversité. Le Gouvernement porte également cet objectif de cohérence dans la réforme de la politique agricole commune (PAC), en affirmant que la nouvelle PAC doit accompagner le projet européen au service d'une agriculture répondant à des standards exigeants et ne peut se concevoir sans une régulation sociale, environnementale et sanitaire des échanges avec les autres pays. C'est une priorité stratégique pour la France. Le pacte vert, au travers de la stratégie « de la ferme à la table » et en lien avec la stratégie biodiversité, constitue en ce sens une opportunité unique pour réaffirmer et refonder le contrat social sur l'alimentation qui lie l'UE avec ses concitoyens depuis la mise en place du traité de Rome. L'objectif est de mettre en place des systèmes alimentaires équitables, sains et respectueux de l'environnement dans un contexte d'urgence climatique et environnementale, qui nécessite d'accompagner la transition écologique des systèmes alimentaires afin d'en renforcer la résilience et la durabilité. Ces stratégies qui vont fortement influer les politiques européennes portées par les États membres, comme la PAC, devront par cohérence également modifier la politique commerciale de l'Union qui reste une compétence exclusive portée par la Commission européenne.

Données clés

Auteur : M. Ludovic Pajot

Type de question : Question écrite

Rubrique : Commerce extérieur

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Dates :
Question publiée le 19 mai 2020
Réponse publiée le 4 août 2020

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