Question au Gouvernement n° 2958 :
Masques de protection

15e Législature

Question de : M. Pierre Cordier
Ardennes (2e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 6 mai 2020


MASQUES DE PROTECTION

M. le président. La parole est à M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier. Monsieur le Premier ministre, cet après-midi, je ne polémiquerai pas. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Toutefois, vous devez comprendre la colère de nos compatriotes, qui viennent de vivre une période très difficile, au cours de laquelle de nombreux citoyens se sont dévoués corps et âme pour les autres. J'ai une pensée pour tous ces gens de France ayant perdu un être cher. J'ai une pensée pour celles et ceux qui, chaque jour, ont sauvé des vies en prenant des risques, au péril de la leur.

Or on a appris que 600 millions de masques ont été détruits à tort, alors qu'ils auraient pu servir à protéger les pharmaciens et les soignants, les ambulanciers et les commerçants, les pompiers et les enseignants – la liste est longue. Votre ministre des solidarités et de la santé a affirmé ici avoir sauvé 19 millions de masques, quand 600 millions étaient détruits par erreur.

Qui a signé les bons de destruction de ces masques ? Vous n'échapperez pas à votre responsabilité dans cette affaire, qui est une affaire d'État. Personne, qu'il soit responsable politique ou haut fonctionnaire, ne sera amnistié de ses fautes. Vous devez la vérité aux Français qui nous écoutent. Le Président Macron, averti de la pandémie dès décembre 2019, devra lui aussi assumer ses responsabilités et nous dire pourquoi les mesures à prendre ne l'ont été que huit semaines plus tard.

Les députés sont élus pour contrôler votre action. Comptez sur le groupe Les Républicains pour assumer cette responsabilité avec rigueur, ténacité et objectivité. Ma question est simple : qui a signé les bons de destruction de ces masques ? Nous attendons une réponse claire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Cordier, à quoi faudra-t-il s'attendre lorsque vous polémiquerez ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Pierre Cordier. Répondez plutôt à ma question !

M. le président. Poursuivez, monsieur le ministre.

M. Olivier Véran, ministre . J'espère être plus précis en commission d'enquête que vous ne l'avez été en posant votre question, qui était, permettez-moi de vous le dire, bourrée d'erreurs – j'imagine que ce ne sont que des erreurs…

De quoi parle-t-on ? De masques chirurgicaux et de masques FFP2 destinés à protéger les soignants, datant du début des années 2000, de 2003 pour la plupart – j'étais alors très loin de devenir ministre –, et dépourvus de toute date de péremption, car cela ne se faisait pas à l'époque, du moins pour ces modèles.

En 2017, le directeur général de la santé a demandé à Santé publique France, organisme chargé de stocker ces masques, de mener une enquête à leur sujet. Elle les a fait examiner par plusieurs autorités, notamment par la DGA – la direction générale de l'armement – et l'ANSES – l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail –, qui ont évalué leurs capacités de filtration, afin de savoir s'ils protégeaient contre le virus, et de respirabilité, afin de savoir s'ils pouvaient être portés. La sentence est tombée en 2018 : ces masques n'étaient plus en état de protéger les soignants,…

M. Olivier Marleix. Mais c'était mieux que rien !

M. Olivier Véran, ministre . …ce qui était déjà arrivé au cours des années précédentes, et ce qui arrivera encore. Dès lors, un bon de destruction a été délivré par la direction générale de la santé, pour ne pas conserver des masques périmés et hors d'usage ne pouvant être utilisés par les soignants, faute de répondre aux normes adéquates. Leur destruction a eu lieu de façon progressive, jusqu'à la fin de l'année 2019. Environ 200 millions d'unités ont donc été détruites, à l'instar de ce qui arrive pour de nombreuses boîtes de médicaments, quand ils sont périmés.

En mars 2020, j'ai demandé aux mêmes autorités qui avaient statué sur la qualité de ces masques, de vérifier si ceux qui restaient, faute d'être disponibles pour les soignants, pouvaient l'être pour le grand public. Environ 80 millions d'entre eux ont ainsi été récupérés, non pour les soignants – ils ne filtrent pas assez l'air pour cet usage et leur qualité n'est pas garantie – mais pour le grand public. Les autres, je vous le confirme, seront détruits, car ils ne protègent pas et ne sont pas respirables, de sorte qu'on ne peut les attribuer ni aux soignants ni même à la population. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. Éric Ciotti. Pourquoi n'en avez-vous pas commandé d'autres ?

M. le président. La parole est à M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier. Benoît Vallet, ancien directeur général de la santé, affirme que les masques détruits auraient pu être utilisés : « Ces masques peuvent être utilisés, même quand ils sont anciens ; ils conservent leurs propriétés. »

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Uniquement à la condition qu'ils les conservent !

M. Olivier Véran, ministre. Exactement !

M. Pierre Cordier. Tel était le cas pour une grande partie d'entre eux, vous le savez très bien, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Mais enfin !

M. Olivier Véran, ministre. C'est ridicule !

Données clés

Auteur : M. Pierre Cordier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 mai 2020

partager