15ème législature

Question N° 295
de M. Guy Bricout (UDI, Agir et Indépendants - Nord )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Éducation nationale
Ministère attributaire > Éducation nationale

Rubrique > enseignement maternel et primaire

Titre > Fermeture de classes en territoires ruraux

Question publiée au JO le : 10/04/2018
Réponse publiée au JO le : 18/04/2018 page : 2976

Texte de la question

M. Guy Bricout appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le fait que dans le département du Nord, environ un quart de la population vit dans les territoires ruraux. À l'initiative du conseil départemental du Nord et de son vice-président en charge de la ruralité, l'Association des maires du Nord et les services départementaux du ministère ont travaillé pour aboutir, le 8 février 2017, à la signature d'une charte de l'école rurale qui contient des engagements en faveur de 241 communes sur les 648 que compte le département et ce, pour 3 ans à compter de la rentrée 2017-2018. Ce travail devait d'ailleurs être salué par Mme la secrétaire d'État en charge du numérique et de l'innovation au Sénat le 21 février 2017. Le Président de la République avait lui-même déclaré à l'occasion de la Conférence des territoires le 27 juillet 2018 que « les territoires ne peuvent plus être la variable d'ajustement et c'est pourquoi, il n'y aura plus de fermetures de classes dans les territoires ruraux ». Or sur la circonscription dont il est l'élu, pour grande partie rurale, ce ne sont pas moins de 23 fermetures qui sont actées. Les parents d'élèves et les élus se sont fortement mobilisés : pétitions, manifestations, occupations diurnes et nocturnes d'écoles, vente de mobiliers scolaires sur « le bon coin » auront rythmé ces dernières semaines. Le maire de Maretz (1 451 habitants) lui a indiqué être prêt à payer le salaire du poste d'enseignant qu'il va perdre à la rentrée 2018-2019. C'est dire combien les écoles en milieu rural leur sont chères. Une fermeture de classe est toujours vécue comme une atteinte à l'intégrité d'une commune. Il faut arrêter de faire le « yoyo » chaque année avec les ouvertures et les fermetures de classes surtout quand c'est pour 1 ou 2 enfants en moins. Il arrive même qu'on ferme une classe pour la rouvrir l'année suivante. Mais ce qui indigne le plus les parents et les élus, c'est d'observer que sur des territoires proches, on peut ouvrir des classes de 12 élèves pour les dédoublements de CP et (ou) CE1, maintenir le dispositif « plus de maîtres que de classes » (deux maîtres par classe) et, à quelques kilomètres, fermer des classes en RPI à 1,2 ou trois élèves près ! Guy Bricout a réuni les maires et les parents d'élèves de la circonscription autour du directeur des services académiques de l'éducation nationale de son département et en arrive à la conclusion qu'il faut raisonner par territoire et non par commune, et déjà se mettre d'accord sur la définition de la ruralité en France et de l'école rurale en particulier ! Là où dans le Nord, le ministère voit 57 communes rurales, la préfecture en compterait plus de 200 et le département du Nord 474 ! Il appelle ainsi l'attention du ministre sur le fait qu'il n'y a pas de définition de la ruralité (sauf au sens INSEE) adaptable à l'éducation nationale, et lui propose d'y travailler. M. le député a par ailleurs travaillé à la mise en place du schéma départemental d'amélioration des services au public (SDAASP) sur le département du Nord, il lui paraît être un bon outil de concertation avec les élus locaux d'où pourraient naître de vraies conventions pluriannuelles formalisées avec les intercommunalités. Il tient à souligner que les territoires ruraux doivent bénéficier de la même attention que les écoles des villes classées en REP et qui vont bénéficier, dès cette année, de classes dédoublées de 12 élèves. Aussi, il souhaiterait savoir comment il compte réduire les inégalités territoriales qui vont se creuser encore plus en 2018.

Texte de la réponse

FERMETURES DE CLASSES DANS LES TERRITOIRES RURAUX


M. le président. La parole est à M. Guy Bricout, pour exposer sa question, n°  295, relative aux fermetures de classes dans les territoires ruraux.

M. Guy Bricout. Monsieur le ministre, dans le département du Nord, environ un quart de la population vit dans des territoires ruraux. À l'initiative du conseil départemental du Nord et de son vice-président en charge de la ruralité, l'association des maires du Nord et les services départementaux de votre ministère ont travaillé, pour aboutir le 8 février 2017, à la signature d'une charte de l'école rurale. Cette charte prévoit des engagements en faveur de 241 communes sur les 648 que compte notre département, pour trois ans à compter de la rentrée dernière. Ce travail devait d'ailleurs être salué par Mme la secrétaire d'État en charge du numérique et de l'innovation au Sénat, le 21 février 2017. Le Président de la République avait lui-même déclaré à l'occasion de la conférence des territoires le 17 juillet que les territoires ne peuvent plus être la variable d'ajustement, et que c'est pourquoi il n'y aura plus de fermetures de classes dans les territoires ruraux.

Monsieur le ministre, sur ma circonscription, pour grande partie rurale, pas moins de vingt-trois fermetures sont actées. Les parents d'élèves, ici présents, et les élus se sont fortement mobilisés : pétitions, manifestations, occupations diurnes et nocturnes d'écoles, vente de mobilier scolaire sur Le Bon coin auront rythmé ces dernières semaines. Le maire de Maretz, petite commune de 1 451 habitants, m'a indiqué être prêt à payer le salaire du poste d'enseignant qu'il perdra à la rentrée prochaine !

C'est vous dire combien les écoles en milieu rural nous sont chères. Une fermeture de classe est toujours vécue comme une atteinte à l'intégrité d'une commune. Arrêtez, s'il vous plaît, de faire le yoyo chaque année avec les ouvertures et les fermetures de classes, surtout pour un ou deux enfants en plus ou en moins ! Il arrive même qu'on ferme une classe pour la rouvrir l'année suivante !

Ce qui indigne le plus les parents et les élus, c'est que, dans un rayon géographique restreint, on puisse ouvrir des classes de douze élèves pour les dédoublements de CP ou CE1 et maintenir le dispositif « plus de maîtres que de classes » avec deux maîtres par classe, et, à quelques kilomètres, fermer des classes en regroupement pédagogique intercommunal, à un, deux ou trois élèves près !

J'en conclus que nous devons raisonner par territoire, et non par commune, et nous accorder sur la définition de la ruralité en France et de l'école rurale en particulier. Là où, dans le Nord, le ministère voit 57 communes rurales, la préfecture en compterait plus de 200 et le département du Nord 474 !

Monsieur le ministre, en dehors de celle de l'INSEE, il n'existe pas de définition de la ruralité adaptable à l'éducation nationale. Je vous propose d'y travailler.

J'ai travaillé à la mise en place du SDAASP – schéma départemental d'amélioration des services au public – sur le département du Nord…

M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure, si vous voulez une réponse.

M. Guy Bricout. Monsieur le ministre, les territoires ruraux doivent bénéficier de la même attention que les écoles des villes classées en réseau d'éducation prioritaire et qui bénéficieront, dès cette année, de classes dédoublées de douze élèves.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Merci pour votre question, monsieur le député, qui me permet de développer ce sujet qui m'est particulièrement cher. Nous serons d'accord sur le fond car nous partageons la même préoccupation de l'école rurale, dont je ne me soucie pas moins que vous. Cette question nous renvoie avant toute chose à des sujets démographiques, qui mériteraient un travail important.

Notre seule divergence portera sur la description que vous faites de la préparation de la rentrée prochaine. Je ne peux pas laisser dire que nous négligeons les écoles rurales. C'est la chose la plus fausse qui émerge du débat public en ce moment. C'est inacceptable, d'autant plus que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Je vous les cite car ils valent aussi pour votre département.

Il y aura 32 000 élèves de moins dans le premier degré à la rentrée prochaine et nous créons 3 881 postes de professeur des écoles. Les taux d'encadrement augmenteront dans chaque département, y compris le vôtre. Nous créons 220 emplois à la rentrée prochaine dans le département du Nord, malgré une baisse prévue des effectifs de 2 496 élèves. Le ratio départemental du nombre de professeurs pour 100 élèves sera de 5,68 à la rentrée 2018 dans le département du Nord, contre 5,52 à la rentrée 2017.

Il est important de poser un diagnostic exact, à partir de la réalité. On parle souvent de bataille de chiffres, mais ceux que je présente ici sont parfaitement vérifiables par tout un chacun : il n'y aura pas d'autre « vrai chiffre » qui dira le contraire ! Bref, l'effort est réel.

Mon autre point de divergence avec vous est mon refus d'opposer le rural à l'urbain. D'une part, il existe des classes REP en zone rurale, notamment dans votre département. Le dispositif des classes de douze élèves bénéficie donc aussi bien aux zones rurales qu'aux zones urbaines et nous ne devons pas opposer les deux, même si ce sont majoritairement les zones urbaines qui bénéficient de ce dispositif. D'autre part, les taux d'encadrement aujourd'hui, en raison précisément de l'attention spécifique que nous portons aux zones rurales, sont plus favorables en milieu rural qu'en milieu urbain.

À condition qu'on accepte de dire la vérité sur le sujet, on me trouvera toujours présent pour travailler au fond sur les questions que vous avez soulignées à juste titre. Vous avez raison : nous devons faire évoluer de manière positive la définition des territoires afin d'en avoir une vision plus large. Nous devons également éviter certaines décisions absurdes liées à une prise en compte trop mécanique des effets de seuil. Je suis très ouvert sur le sujet.

Je suis donc favorable à votre proposition de réfléchir avec la représentation nationale aux enjeux de la définition des territoires ruraux. Nous commençons du reste à le faire dans le cadre des conventions départementales de ruralité, y compris avec le département du Nord. Nous pouvons évidemment, à l'avenir, encore améliorer cette réflexion.

Je tiens à vous assurer de la pleine attention que je porte à cette question, qui nous renvoie également aux remèdes que nous devons trouver, tous ensemble, à une autre question qui, elle, dépasse l'école : celle de la baisse démographique en milieu rural.