15ème législature

Question N° 29618
de M. Dominique Potier (Socialistes et apparentés - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > frontaliers

Titre > Pilotage stratégique de la coopération transfrontalière avec le Luxembourg

Question publiée au JO le : 19/05/2020 page : 3457
Réponse publiée au JO le : 23/06/2020 page : 4419

Texte de la question

M. Dominique Potier appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le nécessaire renforcement de la dynamique transfrontalière de la Grande Région européenne et notamment de la coopération franco-luxembourgeoise. En effet, tant la croissance annoncée sur les 15 prochaines années du nombre de frontaliers français travaillant quotidiennement au Luxembourg que la multiplicité des défis, en terme d'aménagement, d'attractivité économique, d'équipement et de services à la population que ce phénomène fait peser sur les collectivités frontalières sont des invitations à accentuer significativement la convergence entre les pays et l'harmonisation des politiques partagées. Par ailleurs, l'épidémie de covid-19 a mis en évidence, s'il en était besoin, l'importance d'un pilotage stratégique et d'un co-développement pleinement assumé pour une gestion optimisée des situations de crise sur des bassins de vie qui s'affranchissent des frontières nationales tout en connaissant des écarts de développement significatifs. Cette période dramatique, mais qui a également vu s'organiser la prise en charge de malades français issus de la région Grand Est dans les hôpitaux luxembourgeois, est aussi l'opportunité de poser les bases d'un projet de développement renouvelé, à partir des territoires frontaliers et des préoccupations quotidiennes de leurs habitants. Dans cette perspective, les pistes suivantes peuvent être envisagées : 1. La nomination d'un délégué interministériel à la coopération franco-luxembourgeoise, dont le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle a saisi M. le ministre à l'automne 2019, permettrait à la fois de renforcer le pilotage stratégique du fait frontalier et d'engager un dialogue privilégié avec le Grand-Duché sur les questions relevant de l'État. 2. Le renforcement des moyens (en matière d'aménagement du territoire et de développement économique) et l'extension du périmètre de l'Établissement public d'aménagement (EPA) d'Alzette Belval, qui est l'outil opérationnel le plus adéquat en vue de l'émergence d'une agglomération transfrontalière véritablement intégrée. 3. La promotion d'un véritable co-développement en appui sur un fonds dédié visant à répartir équitablement les recettes fiscales qui découlent du travail frontalier et à contribuer au financement des services publics locaux utilisés par les travailleurs frontaliers dans leurs lieux de résidence. Il lui demande si la période dramatique actuelle n'est pas l'opportunité de poser les bases d'un projet européen renouvelé, à partir des territoires frontaliers et des préoccupations quotidiennes de leurs habitants.

Texte de la réponse

Les territoires métropolitains transfrontaliers sont marqués par d'importants flux quotidiens de travailleurs. 360.000 personnes résidant en France travaillent chez l'un de nos voisins. Ces nouveaux bassins de vie connaissent une intensification des flux humains et marchands, qui peut aller de pair avec des tensions sociales, foncières et territoriales, même si certains territoires bénéficient de la croissance des pays voisins. Face aux obstacles qui peuvent résulter des contradictions entre réglementations nationales de part et d'autre de la frontière, l'Etat s'organise le plus efficacement possible, au plan national et territorial, pour aider concrètement les collectivités à exploiter au mieux les perspectives de la coopération transfrontalière et à renforcer ce faisant leur résilience et leur cohésion d'ensemble. Pour surmonter les difficultés que peuvent connaître certaines régions, à l'instar du territoire lorrain à la croisée des frontières avec le Luxembourg et la Belgique, seule une action déterminée peut favoriser la consolidation d'une véritable dynamique de co-développement. L'objectif à cet égard est de tirer le meilleur parti du potentiel de croissance lié à ces situations de carrefours frontaliers et de faciliter l'expérimentation et l'innovation en faveur de la cohésion des territoires transfrontaliers afin d'en faire de véritables laboratoires de l'intégration européenne. C'est le sens du dialogue engagé dans le cadre de la Commission intergouvernementale créée avec le Luxembourg, qui a marqué plusieurs avancées dont, récemment, la signature d'un premier accord majeur en matière de transports visant au financement partagé des infrastructures nécessaires au déplacement des Français qui se rendent chaque jour au Luxembourg. Ces avancées résultent d'échanges soutenus entre services de l'Etat et collectivités, représentées au premier rang par la Région et les Départements, ainsi qu'avec les élus. La concertation se poursuit dans la perspective de l'organisation d'une réunion de la Commission intergouvernementale à l'automne 2020. La Préfecture de Région et la Région Grand Est, appuyées par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et l'administration de l'Etat, travaillent avec les acteurs locaux à identifier les projets pouvant être promus par la France. Au-delà, la mise en place de l'Agence nationale pour la Cohésion des territoires, chargée de suivre la dimension transfrontalière de l'aménagement du territoire avec le soutien de la mission opérationnelle transfrontalière, offre une plateforme privilégiée à destination des acteurs locaux. Elle assurera la mise en œuvre d'un projet territorial spécial concernant le Haut-pays lorrain, autour de mesures propres à en renforcer l'attractivité et la compétitivité. La proposition de mise en place d'un suivi interministériel davantage coordonné et structuré, paraît à cet égard pleine de bon sens. Une recommandation en ce sens a été formulée récemment. Toutefois, une telle décision, à caractère interministériel, relève de la compétence des services du Premier ministre. Enfin, la coopération et le développement des espaces transfrontaliers sont indissociables de l'approfondissement du marché intérieur et de l'intégration européenne. Parallèlement, les efforts se poursuivent sur les enjeux de convergence fiscale au niveau de l'Union. Dans le cadre des négociations sur le prochain Cadre financier pluriannuel, il s'agit de s'assurer qu'une part significative des fonds structurels 2021-2027 pourra accompagner les dynamiques de développement transfrontalier. C'est dans cet esprit que la France a soutenu le projet de règlement de la Commission européenne en faveur de la création d'un outil juridique, permettant de mettre en œuvre, pour des projets transfrontaliers, le droit d'un des pays voisins et de lever l'obstacle empêchant, ralentissant ou renchérissant leur mise en œuvre.