Vente de tabac durant la pandémie et politique publique en la matière
Question de :
M. Patrick Hetzel
Bas-Rhin (7e circonscription) - Les Républicains
M. Patrick Hetzel interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la vente de tabacs en France durant la pandémie de covid-19 et la politique publique en la matière. En effet, selon la source Logista, les ventes de tabac (tous types de produits confondus) ont bondi de 23,7 % au niveau national entre mars et avril 2020, c'est à dire à partir de la mise en place des mesures de confinement. Pour les cigarettes, les chiffres sont tout aussi éloquents puisque l'augmentation est de + 19,5 % en un mois au niveau national et atteint même + 71 % en frontière avec l'Allemagne, 47,1 % en frontière avec la Belgique et 44,9 % en frontière avec l'Espagne. Ces chiffres indiquent deux choses : d'une part, qu'il y a bien un marché de contrebande très significatif en France, sinon il n'y aurait pas une telle augmentation moyenne sur tout le territoire national. D'autre part, il y a bien, en zone frontalière des achats massifs de tabac chez les voisins européens de la France où la taxation concernant le tabac est plus clémente. M. le député souhaite donc savoir ce que le Gouvernement compte entreprendre pour enfin lutter efficacement contre cette situation. Cet état de fait tronque la réalité statistique en période normale en France puisque l'on minore aussi bien le nombre de fumeurs que les quantités fumées. Mais M. le député souhaite avoir des précisions au sujet de ce que M. le le ministre compte entreprendre pour éviter cette évasion fiscale. Elle a deux effets : elle réduit très significativement les recettes de l'État français au bénéfice de ses voisins européens et des trafiquants pour le marché parallèle et elle fragilise le réseau des buralistes qui, plus particulièrement en territoire rural, sont un lieu important de la vie sociale et commerciale. Lors du confinement, ce réseau a été d'une efficacité exemplaire pour satisfaire beaucoup de besoins quotidiens des Français. Il serait paradoxal que, avec le déconfinement, les buralistes soient une nouvelle fois les grands oubliés du Gouvernement. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.
Réponse publiée le 3 novembre 2020
La fermeture des frontières a effectivement permis de constater une hausse du chiffre d'affaires des débits situés en zone frontalière, ce qui témoigne de l'importance des achats transfrontaliers de tabacs manufacturés. Afin de limiter ce phénomène d'achats transfrontaliers, le Gouvernement a proposé, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative un amendement qui a été adopté par l'Assemblée Nationale et le Sénat le 23 juillet 2020. Cet amendement prévoit la modification des seuils de présomption de détention de tabacs manufacturés à des fins commerciales, mentionnés à l'article 575 I du code général des impôts (CGI). Ces seuils sont ainsi abaissés à deux-cent cigarettes, cent cigarillos, cinquante cigares et deux-cent cinquante grammes de tabac à fumer. Ils s'appliquent à toute personne introduisant des tabacs manufacturés en France, quelle que soit sa provenance, à l'exception d'Andorre pour laquelle les seuils prévus par l'article 13 de l'accord entre la Communauté économique européenne et la principauté d'Andorre du 28 juin 1990 continuent de s'appliquer. Par cette mesure, le Gouvernement souhaite peser dans les négociations européennes, afin d'harmoniser par le haut la fiscalité sur les tabacs et d'introduire, dans le cadre de la révision de la directive 2011/64/UE du Conseil du 21 juin 2011, des limites quantitatives impératives de transport de tabacs manufacturés par les particuliers entre États membres. Il s'agit, d'une part, de faire de la lutte contre le tabagisme un objectif européen afin que ce combat ne passe pas uniquement par une augmentation isolée la fiscalité nationale et, d'autre part, de protéger le réseau des buralistes. Par ailleurs, le Gouvernement a engagé une politique de santé publique ambitieuse en matière de lutte contre le tabagisme. Cela s'est traduit par une hausse régulière de la fiscalité sur les produits du tabac, adoptée par le Parlement fin 2017. Cette hausse s'achèvera en novembre 2020. En effet, au travers de plusieurs augmentations successives (une en 2018, deux en 2019 et deux en 2020), le prix moyen du paquet de cigarettes est passé de 7 € à 9,75 € entre janvier 2018 et juin 2020. Dans ce contexte de hausse de la fiscalité sur les produits du tabac, le chiffre d'affaires moyen de l'activité tabac des buralistes en France a augmenté de 4,9 % entre 2018 et 2019, signe de la bonne santé économique globale du monopole de vente au détail de tabacs manufacturés. De plus, le Protocole d'accord conclu le 2 février 2018 entre l'État et la Confédération des buralistes pour la période 2018-2021 renforce le soutien à l'activité des buralistes les plus fragiles, notamment dans les zones rurales et frontalières particulièrement sensibles aux variations du prix du tabac. Ce Protocole a également pour objet d'aider les buralistes à transformer durablement leur activité en commerces multi-services de proximité, réduisant ainsi leur dépendance économique aux ventes de tabac. Enfin, afin de combattre le marché parallèle de tabac, l'administration des douanes a entrepris dès 2018 un plan de renforcement de la lutte contre le commerce illicite du tabac qui a conduit à intensifier les contrôles mis en œuvre par les services douaniers sur l'ensemble des vecteurs de contrebande de tabacs, dont les autocars, le fret express, mais également la vente à la sauvette. Dans ce cadre, des contrôles renforcés sont menés dans les zones frontalières et dans les zones urbaines, sur des lieux de vente de cigarettes préalablement identifiés. Des actions de contrôles conjoints douane-police et douane-gendarmerie sont ainsi proposées localement au préfet de région. Cette mobilisation majeure des services douaniers a conduit à des saisies remarquables. Ce sont ainsi plus de 360 tonnes de tabac de contrebande qui ont été saisies par les douanes en 2019 sur tout le territoire national, soit une augmentation de 49 % par rapport à l'année précédente. Ces efforts sont maintenus en 2020 et mobilisent pleinement les effectifs douaniers.
Auteur : M. Patrick Hetzel
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce et artisanat
Ministère interrogé : Action et comptes publics
Ministère répondant : Comptes publics
Dates :
Question publiée le 26 mai 2020
Réponse publiée le 3 novembre 2020