15ème législature

Question N° 298
de M. Bastien Lachaud (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Éducation nationale
Ministère attributaire > Éducation nationale

Rubrique > enseignement

Titre > Éducation prioritaire à Aubervilliers et en Seine-Saint-Denis

Question publiée au JO le : 08/05/2018
Réponse publiée au JO le : 16/05/2018 page : 3766

Texte de la question

M. Bastien Lachaud rappelle à M. le ministre de l'éducation nationale que l'école de la République fait vivre les principes républicains, notamment celui de l'égalité. En effet, l'école gratuite, laïque et obligatoire a été le creuset de l'égalité, en permettant à tous les enfants, indépendamment des moyens financiers de leurs familles, d'avoir une éducation. Le maillage des écoles publiques devait permettre d'offrir la même éducation partout sur le territoire. Pourtant aujourd'hui, cette égalité est rompue. Car avec la fumeuse doctrine de l'égalité des chances, on essaie de faire croire que les enfants en arrivant à l'école sont déjà égaux, et que les différences scolaires entre eux sont le résultat de leurs mérites respectifs. Ce n'est évidemment pas le cas, le milieu social dont ils sont issus prédétermine largement leurs chances réelles de réussite scolaire. Les études sociologiques des élèves admis dans les grandes écoles sont flagrantes. Il l'interroge donc sur la politique de son ministère pour résorber les inégalités scolaires, et sur l'opportunité de la répartition des moyens supplémentaires pour l'éducation prioritaire. En effet, les critères qui président à leur répartition semblent au minimum obscurs. Il attire son attention sur la Seine-Saint-Denis, et particulièrement sur la ville d'Aubervilliers dont il est député. Aubervilliers est une ville particulièrement défavorisée, et l'école n'est malheureusement pas épargnée. Or ses services ont classé en REP+ une partie des établissements scolaires, alors qu'une autre est seulement en REP. Des établissements voisins, dont les élèves ont les mêmes caractéristiques sociologiques ont des moyens différents. Certains établissements, situés dans des secteurs réputés plus difficiles que les autres, sont classés seulement en REP. Pourtant partout les enseignants font face aux mêmes difficultés. Plus encore, comment expliquer qu'en moyenne, les moyens alloués pour un élève parisien sont 1,5 fois supérieurs que pour un élève de Seine-Saint-Denis ? Compte-t-il faire en sorte que la totalité des écoles et établissements secondaires de la ville d'Aubervilliers soit classée en REP+ à la rentrée 2018 ? Quelles mesures compte-t-il prendre pour résorber cette inégalité de traitement flagrante ? Quels moyens compte-t-il allouer notamment à la Seine-Saint-Denis pour faire face à l'augmentation du nombre d'élèves ? Que compte-t-il faire pour assurer la permanence de l'éducation, quand on sait qu'un élève de Seine-Saint-Denis perd l'équivalent d'une année scolaire de la maternelle à la terminale du fait des non-remplacements des enseignants ? Il lui demande enfin ce qu'il compte faire pour que l'obligation scolaire soit respectée, quand on sait qu'un élève allophone doit attendre six mois, voire plus, pour être scolarisé.

Texte de la réponse

ÉDUCATION PRIORITAIRE EN SEINE-SAINT-DENIS


M. le président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour exposer sa question, n°  298, relative à l' éducation prioritaire en Seine-Saint-Denis.

M. Bastien Lachaud. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, l'école de la République fait vivre les principes républicains, notamment celui de l'égalité. En effet, l'école gratuite, laïque et obligatoire a été le creuset de l'égalité, en permettant à tous les enfants, indépendamment des moyens financiers de leur famille, d'avoir une éducation. Le maillage des écoles publiques devait permettre d'offrir la même éducation partout sur le territoire.

Aujourd'hui, pourtant, cette égalité est rompue, car avec la fumeuse doctrine de l'égalité des chances, on essaie de faire croire que les enfants en arrivant à l'école sont déjà égaux et que les différences scolaires entre eux sont le résultat de leurs mérites respectifs.

Ce n'est évidemment pas le cas. Le milieu social dont ils sont issus prédétermine largement leurs chances réelles de réussite scolaire. Les études sociologiques des élèves admis dans les grandes écoles sont flagrantes.

Je vous interroge donc, monsieur le ministre, sur la politique de votre ministère pour résorber les inégalités scolaires et sur l'opportunité de la répartition des moyens supplémentaires pour l'éducation prioritaire. En effet, les critères qui président à leur répartition semblent à tout le moins obscurs. J'appelle votre attention sur le département de la Seine-Saint-Denis, particulièrement sur la ville d'Aubervilliers, dont je suis député.

Vous le savez, Aubervilliers est une ville particulièrement défavorisée, et l'école n'est malheureusement pas épargnée. Or vos services ont classé en REP+ une partie des établissements scolaires, alors qu'une autre est seulement en REP. De ce fait, des établissements voisins, dont les élèves ont les mêmes caractéristiques sociologiques, disposent de moyens différents.

Certains établissements situés dans des secteurs réputés plus difficiles que les autres sont classés seulement en REP. Mais les enseignants font face partout aux mêmes difficultés ! Plus encore, comment expliquer qu'en moyenne, les moyens alloués pour un élève parisien soient une fois et demie supérieurs à ceux prévus pour un élève de Seine-Saint-Denis ? Toute la communauté éducative de la ville se mobilise, depuis plusieurs mois, contre ces inégalités.

Monsieur le ministre, comptez-vous faire en sorte que la totalité des écoles et établissements secondaires de la ville d'Aubervilliers soient classés en REP+ à la rentrée 2018 ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour résorber cette inégalité de traitement flagrante ? Quels moyens comptez-vous allouer notamment à la Seine-Saint-Denis pour faire face à l'augmentation du nombre d'élèves ? Que comptez-vous faire pour assurer la permanence de l'éducation, sachant qu'un élève de Seine-Saint-Denis perd l'équivalent d'une année scolaire entre la maternelle et la terminale du fait des non-remplacements d'enseignants ? Que comptez-vous faire enfin pour que l'obligation scolaire soit respectée, sachant qu'un élève allophone doit attendre six mois, voire plus, pour être scolarisé ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le député, il y a bien des choses dans votre question. J'en comprends les tenants, même si je ne souscris pas à tous ses aboutissants.

Ne faites pas dire au Gouvernement, et moins encore à moi-même, que les politiques publiques ne prennent pas en compte les inégalités sociales ! Tout au contraire, je pense comme vous que les déterminismes sociaux sont perceptibles dès l'école maternelle. C'est précisément ce qui inspire les politiques publiques que nous menons, la plus évidente étant le dédoublement des CP et CE1 en REP et en REP+, de façon à compenser ces inégalités. Tel est clairement le sens de notre politique, dont votre territoire est extrêmement bénéficiaire, même si ce n'est que sur la durée que ces bénéfices se feront sentir.

Par ailleurs, vous avez raison de souligner qu'il faut accorder une attention particulière au territoire de la Seine-Saint-Denis. C'est mon cas, puisque j'y ai travaillé. Je connais les problèmes de l'académie de Créteil et particulièrement de la Seine-Saint-Denis, mais je pense que nos discours doivent se fonder sur une projection positive dans l'avenir. Pour cela, s'il ne faut pas ignorer les difficultés, on ne doit pas non plus masquer les réussites.

Il y a des réussites, que Mme Buffet a évoquées tout à l'heure. Il est important de rappeler en particulier le très bon taux d'accès à l'enseignement supérieur des élèves de Seine-Saint-Denis. Il existe un cercle vertueux de la confiance que nous devons enclencher aussi pour ce département, en tenant sur ces questions des discours qui ne soient pas uniquement pessimistes.

À l'appui de cela, je rappelle qu'à la rentrée prochaine, 682 emplois seront créés dans l'académie de Créteil, dont une part importante concerne la Seine-Saint-Denis, qui, pour une hausse de 662 élèves attendue dans le premier degré, se voit dotée de 465 emplois nouveaux – soit plus des deux tiers du nombre d'élèves nouveaux ! C'est considérable.

En collège, le nombre d'élèves par division est de 26,5 en moyenne à Paris, contre 23,7 dans l'académie de Créteil. Dans le cadre de cette politique, le taux d'encadrement dans le premier degré sera, en Seine-Saint-Denis, le meilleur jamais atteint dans ce département. Il se montera à 5,9 pour 100 élèves, quand la moyenne nationale est de 5,2.

Nous accordons par conséquent à ce département une attention particulière, tant quantitative que qualitative. J'ai entendu votre propos sur les classements en REP et REP+. Rappelons que ces classements territoriaux ont été faits sous un autre gouvernement et qu'il sera procédé prochainement à un nouvel exercice pour la rentrée 2019. Des critères objectifs nous permettront de voir ce qu'il en est.

Quoi qu'il en soit, nous le savons tous, l'organisation en REP et REP+ de notre système scolaire produit des effets de seuil qui aboutissent parfois à ce que nos concitoyens, ou en l'occurrence vous-même, considèrent comme des injustices. C'est pourquoi j'espère que vous contribuerez aux réflexions que nous mènerons dans l'avenir sur l'évolution de l'éducation prioritaire pour éviter de tels effets de seuil et assurer d'avantage de justice sociale. Nous choisirons des indicateurs sociaux et scolaires pertinents, et nous serons très attentifs au cas particulier de la Seine-Saint-Denis.