La question de l'ours en Ariège
Question de :
Mme Bénédicte Taurine
Ariège (1re circonscription) - La France insoumise
Mme Bénédicte Taurine attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la question de l'ours en Ariège. Les attaques estivales particulièrement meurtrières de l'ours en 2017 ont provoqué une grande émotion en Ariège. Elle s'est traduite par une indignation générale. Tous les utilisateurs de la montagne, associations environnementales, bergers, éleveurs, associations de chasse, professionnels du tourisme, forestiers, promeneurs et élus ont alerté M. le ministre et demandé une plus grande protection des biens et des personnes, et c'est de sa responsabilité. Les mesures prises depuis la réintroduction de l'ours dans les Pyrénées n'ont pas empêché les dégâts qui pénalisent les activités de ces zones défavorisées. Le maintien de l'ours dans les Pyrénées nécessite des moyens financiers et humains afin d'assurer la coexistence de l'agropastoralisme et de l'ours. Les moyens mis à disposition ne sont pas suffisants pour permettre que la prévention soit efficace. La protection repose surtout sur les bergers et les éleveurs en accroissant leur charge de travail. Les dégâts qu'ils subissent ne sont pas indemnisés à la hauteur des préjudices. Un autre dispositif de défense contre les attaques de troupeaux doit être envisagé et une solution pérenne doit être trouvée. La mission interministérielle se donne quatre mois « pour rendre un diagnostic et préconiser des améliorations » cela conduirait à la fin du mois de juillet 2018, ce sera trop tard. Il est urgent d'intervenir avant le début de la transhumance et de trouver une solution qui rassure les occupants des estives. Le niveau de crispation et de tension exige un signe fort de la part du Gouvernement, Mme la députée a, à plusieurs reprises, rappelé l'importance de la venue en Ariège des ministres de l'agriculture et de l'écologie afin de rencontrer les acteurs concernés par cette question. L'État est responsable de ces espaces de haute montagne et de la faune sauvage qu'il protège. Elle lui demande de lui dire quels sont les moyens humains et politiques qui vont être mis en place dès l'année 2018, pour que pendant les périodes de cohabitation une équipe renforcée s'interpose entre l'ours et les usagers de ces territoires. La désertification économique, sociale et humaine, ne peut pas être l'avenir des zones rurales.
Réponse en séance, et publiée le 16 mai 2018
OURS EN ARIÈGE
M. le président. La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour exposer sa question, n° 299, relative à l'ours en Ariège.
Mme Bénédicte Taurine. Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, ma question porte sur la présence de l'ours dans les Pyrénées.
Comme vous le savez, les attaques estivales ont été particulièrement meurtrières en 2017 : elles ont donc provoqué une vive émotion, et l'annonce de la réintroduction de deux ourses en automne n'a pas apaisé ces tensions. En effet, les problèmes qui se posaient en 2017 n'ont pas été réglés.
Je reviens à l'occasion de cette question sur divers faits qui se sont produits ces dernières semaines. Invitée notamment le 28 avril dernier à l'assemblée générale de la fédération des chasseurs de l'Ariège, en présence de son président et du président de la fédération nationale, j'aurais aimé pouvoir reprendre au sujet de cette réunion le mot de Walter Spanghero : « le match a été viril mais correct ».
Hélas, si les échanges ont effectivement été virils, ils ont été peu corrects, et c'est regrettable : je ne parle pas des chasseurs présents dans la salle mais des propos tenus par les présidents qui, à mon sens, ont été haineux et démagogiques, puisqu'ils ont appelé à la violence. Un exemple : « si des gugusses viennent vous faire chier, cassez-leur la gueule ». Pour moi, loin d'être représentatif de la majorité des chasseurs, ce n'est là que la caricature du pire de ce que l'on peut imaginer entendre dans de telles occasions, à l'image du slogan « On est chez nous », qui a été scandé.
Le 5 mai une réunion d'associations écologistes en vue de dresser un état des lieux de l'environnement était prévue à La Bastide de Sérou – je ne pouvais malheureusement y participer. À l'appel d'associations anti-ours, de la fédération départementale des chasseurs, de syndicats agricoles comme la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles et le Cercle national des jeunes agriculteurs, 750 personnes ont manifesté contre cette réunion dans laquelle ils voyaient une provocation d'écologistes zadistes. Propos haineux, menaces, voilà ce que l'on a entendu, en même temps qu'était remise en question la liberté de réunion puisqu'un large cordon de CRS n'a pas pu empêcher l'agression de deux participants.
Le 10 mai, la fédération départementale des chasseurs a appelé à un défilé à Saint-Girons pour réclamer le respect de l'État de droit : un tel mot d'ordre aurait pu prêter à sourire si la situation n'était pas si grave.
Monsieur le secrétaire d'État, le niveau de crispation et de tension exige un signe fort de la part du Gouvernement. Concrètement, quelles solutions pouvez-vous apporter afin que la présence de l'ours dans les Pyrénées et l'introduction de deux nouveaux animaux se passent mieux ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la députée, je vous remercie de votre question. Le gouvernement est bien entendu conscient des interrogations que la présence de l'ours suscite, notamment dans trois départements : le vôtre, l'Ariège, mais également la Haute-Garonne et les Hautes-Pyrénées.
L'objectif du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, – puisque, comme vous le savez, c'est lui qui suit personnellement ce dossier – a toujours été de préserver l'élevage et le pastoralisme tout en respectant nos engagements européens et internationaux, l'ours étant une espèce strictement protégée.
Afin d'apporter des solutions concrètes, un dialogue a été engagé par la préfète de l'Ariège sur la question des dommages : il s'appuiera sur le travail d'audit mené par les services d'inspection des ministères de l'environnement et naturellement de l'agriculture.
Un état des lieux de la situation et des difficultés relevées sur le terrain doit aboutir à des recommandations afin d'améliorer la cohabitation. Ce travail permettra également de disposer d'un bilan global du pastoralisme et des actions du plan de soutien à l'économie de montagne mis en place en 2006, lors des précédentes réintroductions d'ours.
Par ailleurs, les caractéristiques déterminantes des foyers d'attaques d'ours ainsi que la répartition et les déplacements des ursidés font actuellement l'objet d'une étude, conduite conjointement par le Muséum national d'histoire naturelle – dont il est n'est pas besoin de rappeler ici l'autorité scientifique en la matière – et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, et dont les résultats seront, madame la députée, connus d'ici à dix-huit mois.
Parallèlement, plusieurs actions ont été engagées afin de soulager les éleveurs – vous avez évoqué leur situation – en cas d'attaques dans les mois à venir : le Gouvernement a ainsi décidé de renforcer les moyens de la Pastorale pyrénéenne, laquelle a pu recruter deux bergers supplémentaires qui seront présents dès cet été dans les estives afin d'aider les douze groupements pastoraux concernés par les attaques.
En outre, l'aide au financement des mesures de protection, dans les zones où l'ours est présent depuis deux ans, permet également de développer progressivement un dispositif durable de protection des animaux domestiques.
Le ministre d'État, Nicolas Hulot, a par ailleurs signé la semaine dernière un plan d'action « Ours brun 2018-2028 ». Ce plan comporte un ensemble de dispositifs visant à ce que les activités humaines, l'élevage mais aussi le tourisme, la chasse ou la gestion forestière, soient compatibles avec la présence de l'ours. La dimension patrimoniale de l'ours est d'ailleurs désormais reconnue et une exploitation touristique commence à se faire jour. Quoi qu'il en soit, la concertation avec l'ensemble des acteurs doit bien entendu se poursuivre.
Enfin, s'agissant de la question précise portant sur la réintroduction de deux ourses dans les Pyrénées-Atlantiques, ce projet doit être replacé dans un contexte à la fois de gestion partagée avec l'Espagne et l'Andorre, et d'urgence particulière de la sauvegarde du noyau occidental où l'ours a toujours été présent.
Madame la députée, le préfet des Pyrénées-Atlantiques est missionné pour engager un dialogue avec les acteurs locaux afin d'identifier les conditions de réussite d'un tel renforcement et les mesures d'accompagnement nécessaires pour le pastoralisme.
Sachez que le cabinet de Nicolas Hulot se tient bien évidemment à la disposition de l'ensemble des acteurs de terrain, des élus et des parlementaires, sur cette question.
M. le président. La parole est à Mme Bénédicte Taurine.
Mme Bénédicte Taurine. Monsieur le secrétaire d'État, si je vous remercie de ces informations, le maintien de l'ours dans les Pyrénées exige, comme vous le savez, des moyens financiers et humains ainsi qu'une véritable volonté politique d'assurer la coexistence de l'agro-pastoralisme et de l'ours. Malgré tout ce que vous venez de nous dire, les moyens actuellement mis en place restent largement insuffisants.
Auteur : Mme Bénédicte Taurine
Type de question : Question orale
Rubrique : Animaux
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 mai 2018