15ème législature

Question N° 2
de Mme Clémentine Autain (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > aménagement du territoire

Titre > Europacity

Question publiée au JO le : 05/12/2017
Réponse publiée au JO le : 13/12/2017 page : 6401

Texte de la question

Mme Clémentine Autain interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la situation du Triangle de Gonesse. Cet espace naturel est aujourd'hui menacé par un mégaprojet de 3,1 milliards d'euros, porté par les groupes Auchan et Wanda. L'opération nécessitera l'artificialisation de 300 hectares sur les 700 que compte actuellement cette zone, dont 80 hectares rien que pour le projet Europacity, vaste complexe touristico-commercial. L'inquiétude est grande pour l'avenir du Triangle de Gonesse, une zone qui regorge de terres agricoles au rendement exceptionnel. Alors que la demande locale pour une alimentation de proximité n'a jamais été aussi grande, l'Île-de-France perd chaque année près de 1 400 hectares de terres agricoles par an, et ce depuis 10 ans. En juillet, M. le ministre jugeait que ce projet n'était pas compatible avec le plan climat. En août 2017, le commissaire-enquêteur en charge de l'enquête publique sur la révision du PLU de Gonesse rendait lui aussi un avis défavorable, estimant qu'il n'était pas compatible avec la notion de développement durable. D'autres solutions existent, comme le projet Carma (coopération pour une ambition rurale métropolitaine et agricole), en phase avec les objectifs de la France en termes de transition écologique. Sur les 700 hectares du Triangle de Gonesse, il prévoit notamment une ferme maraîchère, un « farm lab » pour former aux métiers agricoles ou encore un centre de recherche sur l'agriculture urbaine et périurbaine. Il est temps de sortir de la folie des grandeurs. Elle lui demande de respecter ses engagements et de protéger le Triangle de Gonesse.

Texte de la réponse

INSTALLATION D'UNE ZONE COMMERCIALE DANS LE TRIANGLE DE GONESSE


M. le président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour exposer sa question, n°  2, relative l'installation d'une zone commerciale dans le Triangle de Gonesse.

Mme Clémentine Autain. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, et concerne l'avenir du Triangle de Gonesse. Cet espace naturel est aujourd'hui menacé par un grand projet, porté par les groupes Auchan et Wanda. L'opération nécessitera l'artificialisation de 300 hectares sur les 700 que compte actuellement cette zone, dont 80 hectares rien que pour le projet EuropaCity, vaste complexe touristique et commercial dont l'empreinte carbone serait équivalente à 170 hypermarchés. L'inquiétude est grande pour l'avenir du Triangle de Gonesse, une zone qui regorge de terres agricoles au rendement exceptionnel. Comme vous le savez, depuis dix ans, l'Île-de-France perd chaque année près de 1 400 hectares de terres agricoles, alors que la demande locale pour une alimentation de proximité n'a jamais été aussi grande. En juillet, le ministre Nicolas Hulot jugeait que ce projet n'était pas compatible avec le plan Climat, et il avait raison. En août, le commissaire enquêteur en charge de l'enquête publique sur la révision du plan local d'urbanisme de Gonesse rendait lui aussi un avis défavorable, estimant que le projet n'était pas compatible avec la notion de développement durable.

D'autres solutions existent, comme le projet CARMA – coopération pour une ambition rurale métropolitaine et agricole –, plus en phase avec les objectifs de la France en matière de transition écologique, et dont j'ai proposé hier d'auditionner les auteurs à l'Assemblée nationale. Sur les 700 hectares du Triangle de Gonesse, il prévoit notamment une ferme maraîchère, un « farm lab » pour former aux métiers agricoles ou encore un centre de recherche sur l'agriculture urbaine et périurbaine. La logique de ce projet est l'économie circulaire, qui permet de sortir nos imaginaires d'un monde consumériste. Ce serait utile ; il est temps de sortir de la folie des grandeurs productiviste. Madame la ministre chargée des transports, je vous demande de rappeler ses engagements au ministre d'État et de protéger le Triangle de Gonesse.

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.

Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports. Madame Autain, je vous prie, une nouvelle fois, d'excuser le ministre d'État Nicolas Hulot qui m'a chargée de vous répondre. Vous l'interpellez sur les problèmes environnementaux posés par le projet EuropaCity du Triangle de Gonesse. Le ministre d'État a, bien entendu, déjà constaté la contradiction entre ce projet et l'objectif de préservation des terres agricoles et de lutte contre l'artificialisation des sols qu'il se fixe dans le cadre de notre politique de transition écologique. Ce projet d'extension urbaine pose finalement la question d'une refondation de notre modèle d'aménagement commercial. Ainsi, EuropaCity doit créer 250 000 mètres carrés de commerces, à côté d'un centre commercial déjà en difficulté et au détriment des commerces de proximité. Comme vous le savez, le précédent gouvernement avait pris certains engagements vis-à-vis des collectivités locales, et malgré de nombreux avis négatifs, le plan local d'urbanisme de Gonesse autorise l'ouverture à l'urbanisation de cette zone. C'est surtout au nom de l'attractivité, du développement économique du Grand Paris et de la création d'emplois que les gouvernements précédents ont fait le choix de soutenir ce projet.

Face à ces contradictions, Nicolas Hulot souhaite qu'une réflexion soit conduite pour préciser la position sur le projet et sur les conditions d'un aménagement durable et équilibré du territoire, en lien avec l'ensemble des collectivités concernées. Le projet devra aussi évoluer pour inclure deux niveaux de besoins sociaux et environnementaux : celui du territoire qui l'accueille et celui de la place de ce territoire dans le Grand Paris. Enfin, il faudra aussi qu'il soit pensé en fonction du projet qui reste à développer sur l'ancien site PSA d'Aulnay-sous-Bois, qui est tout proche.

M. le président. La parole est à Mme Clémentine Autain.

Mme Clémentine Autain. Je vous remercie pour votre réponse, mais je regrette qu'elle n'en soit pas vraiment une. D'un côté, nous avons un projet contraire aux objectifs de développement durable, qui va accroître la saturation des autoroutes – effet désastreux du point de vue de l'environnement. Ce projet est également contraire au souhait qui s'exprime partout dans le pays – même le Président de la République y a, me semble-t-il, fait référence – de nous voir arrêter de créer de grands centres commerciaux. Du point de vue de la logique du développement du territoire, il est important de considérer ce qui existe juste à côté du Triangle de Gonesse : on n'y manque ni de centres commerciaux ni de sites d'intérêt touristique. Élue juste en dessous de Roissy, j'estime qu'il nous faut d'abord déployer le potentiel actuel du territoire.

De l'autre côté, le projet CARMA permet de préserver le foncier agricole, de respecter le plan Climat et de créer une dynamique en matière d'emploi. Je vous invite à réfléchir sérieusement sur le sujet, d'autant que, comme vous le savez, d'autres villes européennes – Barcelone, des communes italiennes… – ont développé des projets de ce type. Si l'on veut se mettre à la page et libérer les énergies de façon positive pour le climat et pour les habitants des territoires, il faut privilégier le projet CARMA, qui me paraît répondre aux aspirations et aux nécessités contemporaines