15ème législature

Question N° 30029
de Mme Typhanie Degois (La République en Marche - Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie, finances et relance

Rubrique > marchés publics

Titre > Répartition des marchés publics entre opérateurs économiques français/étrangers

Question publiée au JO le : 02/06/2020 page : 3741
Réponse publiée au JO le : 26/01/2021 page : 702
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

Mme Typhanie Degois attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la typographie des opérateurs économiques soumissionnaires dans le cadre d'une procédure de passation d'un contrat de la commande publique. Tandis que les articles L. 2141-1 et suivants du code de la commande publique disposent des motifs d'exclusion de la procédure de passation des marchés publics, aucune disposition n'interdit les entreprises étrangères de participer à cette procédure. En effet, les principes constitutionnels de la commande publique et les principes de non-discrimination et de liberté de circulation des personnes, des capitaux et des services énoncés dans les traités de l'Union européenne font obstacle à la prise en compte d'un critère géographique dans l'attribution des marchés publics. Dès lors, le code de la commande publique offre aux acheteurs des outils leur permettant de faciliter l'accès des entreprises locales à leurs marchés, notamment par une définition claire de leurs besoins, par la pratique du sourçage, en allotissant leurs marchés de telle sorte que les petites et moyennes entreprises puissent y accéder, ou encore en recourant à des mesures de publicité permettant de toucher les opérateurs économiques susceptibles d'être intéressés. Néanmoins, malgré ces dispositions législatives, de nombreux opérateurs économiques appellent à renforcer le critère géographique dans l'attribution des marchés publics afin que l'État soutienne davantage les entreprises implantées en France, qui participent à la création et à la distribution de richesses nationales. Dès lors, Mme la Députée soutient les opérateurs économiques français et appelle à renforcer les mécanismes de préférence locale pour l'attribution des marchés publics. En outre, elle lui demande que lui soient communiquées les données de passation des marchés publics, notamment concernant la répartition géographique des opérateurs économiques retenus, ainsi que la taille de ces entreprises.

Texte de la réponse

Les principes fondamentaux de la commande publique font, ainsi que le souligne la parlementaire, obstacle à une discrimination géographique à l'attribution des contrats de la commande publique au sein de l'Union européenne. Les principes issus des traités européens interdisent en effet de telles discriminations. La Cour de justice de l'Union européenne réaffirme ainsi avec constance l'interdiction des critères visant à réserver les marchés publics à des entreprises en raison de leur implantation locale, de leur nationalité, et les critères relatifs à l'utilisation de produits locaux, au détriment des entreprises et des produits originaires d'autres pays membres. Elle censure selon la même logique toute interdiction ou restriction au recours au travail détaché qui contreviendrait au cadre fixé par la directive 96/71/CE dite « services ». Ces principes de liberté de prestation et de non-discrimination garantissent réciproquement à nos entreprises l'accès à l'ensemble du marché européen. Au plan international, les accords commerciaux, notamment l'accord sur les marchés publics conclu dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), étendent le bénéfice de ces principes à d'autres grands pays tiers. Les données du recensement des marchés publics réalisé par l'Observatoire économique de la commande publique et les estimations européennes montrent toutefois que le nombre de marchés publics attribués directement à une entreprise étrangère au pays de l'acheteur oscille en moyenne entre 1% et 3%.  Cette faible proportion ne garantit toutefois pas que la valeur ajoutée liée à l'achat public soit réalisée majoritairement sur le territoire français, ni même sur le territoire européen. Les filiales européennes d'entreprises tierces à l'Union européenne, qui pour un certain nombre d'entre elles importent sur le territoire européen des prestations réalisées en dehors de l'Europe, constituent en effet juridiquement des entreprises européennes ou françaises et sont comptabilisées comme telles. C'est donc au niveau européen qu'il faut agir pour assurer la loyauté des conditions de concurrence dans le marché intérieur et obtenir plus de réciprocité et de loyauté de la part des pays tiers qui accèdent aux marchés publics de l'Union européenne. La France a ainsi été en première ligne pour parvenir en 2018 à la réforme de la directive sur les travailleurs détachés afin d'empêcher les abus en la matière. Le droit de la commande publique permet cependant déjà la mise en œuvre de politiques d'achat public favorisant le développement économique et l'innovation des entreprises françaises et européennes. Les nombreux outils qu'il comporte ont été renforcés par les mesures d'urgence prises au printemps 2020 et qui viennent d'être pérennisés par la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP). Les acheteurs publics doivent, en premier lieu, bien connaitre la richesse de l'offre européenne et française par le recours à un sourçage précis. Ils peuvent formuler leurs besoins selon des spécifications techniques et des conditions d'exécution qui visent à promouvoir les offres de qualité, innovantes, protectrices de l'environnement, domaines dans lesquelles les entreprises françaises et européennes sont très compétitives. Ils doivent prendre en compte les objectifs de développement durable et peuvent imposer des conditions d'exécution des marchés en ce sens. L'allotissement, qui facilite l'accès des petites et moyennes entreprises (PME) à la commande publique, est un principe qui ne connaît que quelques exceptions concernant les achats complexes ou visant à accélérer la livraison de certains ouvrages, tels des logements sociaux. Pour améliorer cet équilibre, la loi ASAP a obligé les titulaires de marchés globaux à confier une part de leur exécution à des PME ou à des artisans. Le Gouvernement veille également dans le cadre du plan de relance à ce que l'achat public participe plus efficacement au développement des entreprises, de l'emploi, et à la protection de l'environnement. Les acheteurs publics seront accompagnés afin de promouvoir davantage l'achat durable au bénéfice des entreprises françaises et européennes. Le projet de loi visant à mettre en œuvre les mesures proposées par la convention citoyenne pour le climat et le prochain plan national d'action pour les achats publics durables (PNAAPD) y contribueront. Enfin, au niveau européen, le Gouvernement proposera des mesures permettant de clarifier et étendre le dispositif de préférence européenne pour certains marchés de fournitures des entités adjudicatrices, de mieux défendre les secteurs stratégiques européens et de mettre au point des mesures de réciprocité plus efficaces et dissuasives. La France demande également à la Commission européenne de clarifier la mise en œuvre de l'article 85 de la directive 2014/25 sur les marchés des opérateurs de réseaux permettant aux opérateurs de réseaux passant des marchés de fournitures, de rejeter des offres dont plus de la moitié des fournitures proviennent de pays tiers avec lesquels l'Union européenne n'a pas d'accord commercial.