Protection des abeilles
Question de :
M. Grégory Besson-Moreau
Aube (1re circonscription) - La République en Marche
M. Grégory Besson-Moreau interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation de la filière apicole française et les moyens de lutter contre le parasite Varroa destructor. Même si la production française repart en hausse cette année grâce à une météo clémente et que les ventes augmentent en raison d'initiatives comme celle portée par le Sénat d'inscrire sur les pots l'origine géographique des miels, que le Gouvernement a finalement précisée par décret, moins de 10 000 tonnes de miel ont été produites en France en 2019, contre plus de 40 000 il y a vingt ans. Les apiculteurs mettent en évidence deux difficultés que les abeilles doivent affronter. D'une part, avoir suffisamment de terres cultivées pour leur permettre de se nourrir et dans ce cas le travail des agriculteurs est essentiel au travers de la diversification de leurs cultures. D'autre part, se battre contre un parasite originaire d'Asie, le Varroa destructor, face auquel les abeilles et les apiculteurs disposent de peu de moyens. En Suisse, les apiculteurs tentent de freiner la progression de cet acarien avec des traitements mais ce parasite s'adapte et devient résistant. Au Pays de Galles, les apiculteurs aménagent les ruches afin de ralentir autant que faire se peut la progression du parasite. Mais, l'exemple de ces deux pays démontre l'urgence de lancer un programme de recherche public et privé afin d'éradiquer ce parasite nuisible. En France, le miel est un produit essentiellement artisanal découlant d'un savoir-faire local comme dans la région sud, première région productrice de miel, qui serait particulièrement touchée en cas de progression du parasite avec 165 000 ruches exploitées par environ 4 500 apiculteurs. Il lui demande s'il compte mettre en place des mesures nationales pour garantir un « bol alimentaire » diversifié aux abeilles grâce au travail reconnu des agriculteurs, avec notamment le développement des cultures agricoles mellifères, mais également ce qu'il entend mettre en œuvre contre le Varroa destructor en matière de recherche scientifique nationale et européenne.
Réponse publiée le 5 octobre 2021
La préservation de la biodiversité, des pollinisateurs, des services écosystémiques rendus et le soutien aux productions apicoles sont des enjeux bien identifiés par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Annoncé par le Gouvernement en août 2020, un travail est actuellement engagé avec le ministère de la transition écologique pour élaborer un plan d'actions en faveur des pollinisateurs visant à enrayer leur déclin d'origine multifactorielle dans une approche globale et cohérente. Ce plan, dont la consultation du public vient de s'achever, s'articulera autour de six axes : amélioration des connaissances scientifiques, leviers économiques et d'accompagnements des agriculteurs/apiculteurs/forestiers, accompagnement des autres secteurs d'activités (aménagements urbains, infrastructures linéaires, autres), préservation du bon état de santé des abeilles, réglementation pour la protection des pollinisateurs lors de l'application des produits phytopharmaceutiques, partage des bonnes pratiques agricoles. Du côté de la ressource alimentaire proposée aux pollinisateurs, différents outils incitatifs existent sur le territoire. Le développement de l'agriculture biologique, la certification environnementale et notamment le niveau « Haute Valeur Environnementale » (HVE, démarche volontaire d'exploitation répondant à un ensemble de pratiques agro-écologiques) concourent à la préservation des pollinisateurs en favorisant notamment la diversité dans les systèmes de production et en restaurant une mosaïque paysagère diversifiée. Avec plus de 2,5 Mha, soit 9,5 % de la surface agricole utile française, les surfaces conduites en agriculture biologique ont augmenté de 95 % entre 2015 et 2020. Par ailleurs, près de 9 000 exploitations agricoles supplémentaires ont été certifiées HVE en 2020 (+ 265 % par rapport à 2015). Du point de vue des outils financiers, la politique agricole commune (PAC) (2014-2020) propose différentes mesures favorables au maintien des ressources alimentaires pour les pollinisateurs avec, pour le premier pilier, le respect d'exigences environnementales : diversité minimale des assolements, présence de surfaces d'intérêt écologique sur une partie des terres arables (dont jachères mellifères et infrastructures agro-écologiques), préservation des surfaces en prairies et pâturages permanents. La mise en place de la conditionnalité des aides comportant des exigences relatives au respect de dispositions réglementaires (ERMG) dans le secteur de l'environnement, du sanitaire et du bien-être animal, et à de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) participe aussi au maintien sur les territoires de conditions favorables. Par exemple, les haies, en ce qu'elles assurent refuge et nourriture à nombre d'espèces, notamment des pollinisateurs, sont, au titre de la conditionnalité, soumises à des restrictions de taille et d'arrachage. De plus, deux mesures du premier pilier soutiennent l'implantation et l'entretien de systèmes agroforestiers favorables à la biodiversité en assurant ainsi refuge et ressources alimentaires aux pollinisateurs, à savoir la mesure 4.4 « Aide aux investissements liés à la réalisation d'objectifs agroenvironnementaux et climatiques » (dont les haies) et la mesure 8.2 « Aide à la mise en place et à la maintenance de systèmes agroforestiers » (agroforesterie intraparcellaire). Au titre du second pilier, des MAEC (notamment COUVER03 et COUVER07) permettent aux agriculteurs de bénéficier d'aides financières pour l'implantation de couverts d'intérêt floristique et faunistique favorables aux pollinisateurs (plantes messicoles, jachères). D'autres types d'opérations existent pour la création et l'entretien d'un maillage de zones de régulation écologique sur les parcelles en grandes cultures et en cultures légumières (COUVER05), la création et le maintien d'un couvert herbacé pérenne, bandes ou parcelles enherbées (COUVER07), l'amélioration des jachères (COUVER08), l'entretien des haies (LINEA09) et l'entretien de bandes refuges sur prairies (LINEA08). La MAEC API concourt également à améliorer la production de ressources (nectar, pollen, graines) et d'habitats pour de nombreux autres insectes et animaux dont certains sont des auxiliaires de culture. Des travaux sont en cours dans le cadre de la réforme de la PAC et la mise en place d'écorégimes viendra renforcer le déploiement de mesures favorables aux ressources alimentaires pour les pollinisateurs sur les territoires et l'engagement agro-écologique des exploitations, par exemple en promouvant l'implantation et le maintien des infrastructures agro-écologiques (haies, arbres, jachères, mellifères…) qui constitue l'une des trois voies d'accès à l'écorégime. La présence suffisante de haies sera en outre rémunérée par un bonus à l'écorégime. La présence de surfaces d'intérêt écologiques sur les terres arables sera intégréé dans le socle de la conditionnalité. Enfin, l'acarien Varroa destructor, présent dans la quasi-totalité des territoires français depuis plus de trois décennies, est un véritable fléau pour l'apiculture de par son impact sanitaire mais également économique pour les exploitations. L'amélioration sanitaire du cheptel apicole français nécessite une lutte efficace, par tous les apiculteurs, contre ce parasite. Actuellement, au niveau national, ce parasite est classé dans la liste des dangers sanitaires de deuxième catégorie (arrêté du 29 juillet 2013). À partir du 21 avril 2021, avec l'entrée en vigueur du nouveau règlement européen dit « loi de santé animale » (règlement 2016/429), Varroa destructor a changé de classification au niveau européen ce qui implique qu'il est de la responsabilité de la filière apicole d'établir une stratégie collective de prévention, de surveillance et de lutte. Cette stratégie collective pourra éventuellement faire l'objet d'une reconnaissance par l'État. Ainsi, le ministre chargé de l'agriculture invite la filière apicole à définir rapidement une stratégie nationale collective de lutte qui soit à la hauteur des enjeux. La filière peut également solliciter la reconnaissance européenne du statut officiellement indemne de Varroa des quelques territoires concernés (exemple l'Île d'Ouessant) pour assurer leur protection. Conscient des enjeux sanitaires et économiques liés à ce parasite, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation subventionne neuf « programmes régionaux Varroa », à hauteur de 140 000 euros par an, dans le cadre du programme apicole européen (PAE). Enfin, le ministère veille à ce que les thématiques sanitaires apicoles soient intégrées dans les appels à projet de recherche intéressant la filière apicole, notamment dans le cadre du PAE et du compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural (CASDAR). Ces différentes actions, qui sont inscrites dans le plan pollinisateur en cours de finalisation, doivent contribuer à l'amélioration de l'état sanitaire du cheptel apicole français.
Auteur : M. Grégory Besson-Moreau
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 9 juin 2020
Réponse publiée le 5 octobre 2021