Question au Gouvernement n° 3018 :
Application du dispositif de chômage partiel

15e Législature

Question de : M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - UDI et Indépendants

Question posée en séance, et publiée le 27 mai 2020


APPLICATION DU DISPOSITIF DE CHÔMAGE PARTIEL

M. le président. Nous poursuivons avec des questions portant sur des thèmes économiques. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Lundi prochain, les modalités d'indemnisation du chômage partiel changeront, avec notamment la participation des entreprises à son financement, en raison de la reprise de l'activité qui est un peu plus perceptible.

Mais surtout, la semaine prochaine, la rentrée des classes sera généralisée puisqu'elle concernera des collégiens mais aussi des enfants qui ne sont pas venus les deux premières semaines en école maternelle et en école élémentaire, et dont le nombre augmente car leurs parents, salariés, doivent retourner au travail, comme leur employeur les y invite, pour sauver leur entreprise. Or, dans beaucoup d'écoles, dans des villages comme dans des grandes villes, la capacité scolaire est atteinte assez rapidement et tout le monde ne pourra pas être accueilli.

Ma question porte sur le fait qu'il y a, parmi les parents, trois catégories : ceux qui choisiront ne pas renvoyer leur enfant à l'école. C'est leur responsabilité, leur choix et j'imagine qu'ils n'auront alors pas droit, sinon au chômage partiel en tout cas à une allocation de garde d'enfant. La deuxième catégorie est formée par ceux dont les enfants retourneront à l'école et qui pourront donc aller travailler. Eux sortiront naturellement du dispositif du chômage partiel puisqu'ils exerceront leur métier. La troisième catégorie, qui suscite chez moi de l'inquiétude, est composée de ceux dont les enfants seront accueillis à l'école en alternance, une semaine sur deux ou un jour sur deux.

Je souhaiterais que vous puissiez rassurer ces centaines de milliers de parents, salariés, qui risquent de se trouver en difficulté, notamment pour faire valoir leurs droits, parce qu'il est difficile de déclarer un jour sur deux, une semaine sur deux, d'autant plus qu'il n'est pas toujours possible de connaître ce calendrier à l'avance. Monsieur le Premier ministre, beaucoup de Français attendent de savoir ce qui est prévu, à partir de la semaine prochaine, dans le cas où ils voudraient scolariser leurs enfants mais où les communes, départements ou régions ne seraient pas en mesure de le faire.

M. Pierre Cordier. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je réponds bien volontiers à votre question qui est très importante parce que de nombreux Français se la posent. Elle se situe au croisement de deux sujets : d'un côté, les mesures économiques prises pour préserver le pouvoir d'achat et le maintien du contrat de travail entre le salarié et l'entreprise alors même que nous étions soumis à une situation hors norme, chacun étant confiné et la reprise étant très lente ; de l'autre, les mesures sanitaires et pédagogiques permettant la reprise de l'école, certes dans des conditions particulières, avec prudence et de manière progressive, différenciée, vous le savez, en fonction des territoires – dans les zones dites rouges, les collèges n'ont pas rouvert alors que dans les zones dites vertes, les élèves de sixième et de cinquième sont retournés en classe.

Notre préoccupation est d'abord de respecter très strictement l'ensemble des consignes sanitaires qui seront données par les autorités compétentes pour que le retour en classe des enfants, des enseignants, de l'ensemble de la communauté pédagogique se déroule sans problème. Nous ne voulons prendre aucun risque, nous sommes prudents – il y a quelques instants, un député assis juste derrière vous nous reprochait même d'être trop prudent.

M. Pierre Cordier et M. Raphaël Schellenberger . Il a été élu avec votre majorité !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Je n'ai nullement l'espoir de convaincre la totalité de la population française que nous agissons au bon rythme : certains nous jugeront toujours trop prudents, d'autres pas assez, c'est ainsi.

La tâche n'est pas simple : dans certains établissements le virus circule et, comme on le sait, certains bâtiments se prêtent moins bien que d'autres à la reprise des cours. Notre objectif est le suivant : si les indicateurs restent bien orientés – je le dis, encore une fois, avec prudence, je m'exprimerai à ce sujet jeudi après-midi, une fois que la décision sera prise –, nous pourrons faire en sorte que les règles sanitaires puissent être adaptées à ces nouvelles conditions pour organiser une ouverture un peu plus large des établissements scolaires, toujours avec prudence. Cela permettra, je l'espère, d'accueillir plus d'élèves et de faire revenir plus de professeurs. Sachez que 50 % des enseignants sont revenus assurer leur cours physiquement, face aux élèves. Évidemment, si on veut que ces derniers soient plus nombreux, il faut que davantage de professeurs reviennent. Tout cela doit se dérouler dans d'excellentes conditions.

Si tel était le cas – j'insiste sur le conditionnel –, le nombre de parents qui appartiendraient à la troisième catégorie que vous avez définie se réduirait mécaniquement à partir du 2 juin. Ceux qui souhaiteraient que leur enfant soit accueilli à l'école mais à qui cette possibilité ne serait pas accordée, pour des raisons de capacité ou pour des raisons liées à un contexte particulier, pourront continuer à bénéficier du dispositif du chômage partiel – et ces parents uniquement, sous réserve qu'ils puissent fournir une attestation établissant que leur enfant ne peut être accueilli. Cela répond exactement au problème que vous avez soulevé.

Cette question comporte aussi un volet pratique, plus délicat car il dépend beaucoup des communautés pédagogiques : comment va se dérouler cette reprise des cours ? Il est vrai que si les élèves sont accueillis chaque jour selon un principe d'alternance, il sera très délicat pour les parents, surtout si les enfants sont très jeunes, de s'organiser vis-à-vis de leur employeur. Cela peut devenir un vrai casse-tête. Certains y arriveront mais cela ne sera pas le cas de tout le monde.

Il faut donc que nous puissions engager le débat avec les communautés pédagogiques, avec les directeurs d'école, avec les enseignants, afin de prendre en considération cette contrainte, qui est réelle et audible. Toute personne raisonnable peut parfaitement comprendre que le redémarrage de l'ensemble du système productif est un objectif sensé. Car c'est l'intérêt collectif, c'est l'intérêt du pays. On peut probablement, avec de la bonne foi et de la bonne volonté, parvenir à un échange fructueux qui résoudra ce problème. Tel est notre pari. Cela n'a rien à voir avec une règle nationale que nous édicterions, en revanche cela à tout à voir avec la capacité des acteurs locaux, des directeurs d'école, des maires et des professeurs, de s'entendre et de trouver la bonne solution. Je fais le pari de cette confiance.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je vous remercie pour votre réponse. Deux remarques : d'une part, pour favoriser le dialogue entre salariés et employeurs, il serait bon qu'une directive nationale encadre la scolarisation une semaine sur deux ; d'autre part, si vous comptez annoncer jeudi l'élargissement de la capacité d'accueil scolaire, laissez aux communes et aux départements une semaine pour s'adapter. C'est déjà assez compliqué comme ça, on ne peut pas le faire à la dernière minute !

Données clés

Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 mai 2020

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