Formation au métier de travailleur saisonnier agricole
Question de :
Mme Monica Michel-Brassart
Bouches-du-Rhône (16e circonscription) - La République en Marche
Mme Monica Michel-Brassart interroge Mme la ministre du travail sur la question des travailleurs saisonniers agricoles afin de satisfaire aux besoins de main-d'œuvre du secteur notamment chez les maraîchers et arboriculteurs. Le nombre de travailleurs nécessaire à ce secteur est estimé à 100 000 à compter du mois de juin 2020 pour assurer les récoltes. Si la reprise progressive du travail et la réouverture des frontières aux travailleurs saisonniers européens permet à court terme d'alléger ce besoin de main-d'œuvre, il faut travailler à moyen terme à la valorisation de ces métiers localement pour inciter les citoyens à davantage s'intéresser à cette filière pour y travailler. Cette revalorisation revêt un double aspect à la fois d'attractivité (salariale, mais également de sensibilisation auprès des demandeurs d'emplois) et d'apprentissage. Dès lors, elle lui demande quelles sont les actions menées par son ministère pour favoriser l'attractivité sous toutes ses formes et la formation au métier de travailleur saisonnier agricole.
Réponse publiée le 1er septembre 2020
Le recours à la main d'œuvre saisonnière occupe une place importante dans le secteur de la production agricole par rapport à d'autres secteurs d'activité. Au cours de la crise sanitaire, la mobilisation des saisonniers agricoles a permis d'assurer le fonctionnement normal des circuits alimentaires, assurant ainsi le maintien de la chaîne d'approvisionnement de la population. Ces emplois sont apparus comme essentiels, et nombreux sont les concitoyens, demandeurs d'emploi, étudiants et salariés en chômage partiel qui ont répondu à l'appel du ministère chargé de l'agriculture le 24 mars 2020 pour compenser l'absence de saisonniers étrangers. Plus d'un mois après, ils étaient, selon l'entreprise à l'origine du projet, près de 304 000 à s'être inscrits sur la plateforme de mise en relation des employeurs et candidats, « Desbraspourtonassiette ». Si certains d'entre eux n'ont pas été jusqu'au bout de la démarche, ils seraient près de 275 000 à avoir renseigné complètement leur profil sur le site. Dès le 2 avril, à travers la plateforme portée par Pôle emploi https://mobilisationemploi.gouv.fr/, le Gouvernement s'est également pleinement mobilisé pour soutenir les entreprises des secteurs prioritaires à la Nation, et en particulier le secteur agricole. L'association nationale pour l'emploi et la formation en agriculture (ANEFA), la fédération nationale d'agriculture biologique et la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, en sont partenaires. Le Gouvernement a également permis que les candidats puissent cumuler une activité partielle, ou leur allocation chômage pour les demandeurs d'emploi, avec un contrat de travail avec une entreprise du secteur agricole ou de l'agroalimentaire. Enfin, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a souhaité aider les saisonniers agricoles à faire face à leurs frais d'hébergement temporaire. Il a activement soutenu la proposition d'Action Logement, concertée avec les partenaires sociaux du monde agricole, à travers la mobilisation d'une enveloppe de 6 millions d'euros (€). Ouvert le 30 juin 2020, le dispositif d'aide financière a un effet rétroactif à compter du 1er avril 2020. D'un montant de 150 € par mois, renouvelable dans la limite de 600 €, l'aide est applicable aux logements du parc locatif privé, intermédiaire ou social, aux structures d'hébergement collectif (hors CROUS), aux hébergements en chambre d'hôte, gîte, chez l'habitant ou en camping. Les trois grands secteurs qui recrutent le plus de saisonniers sont effectivement l'arboriculture, le maraîchage ainsi que la viticulture. Les principales compétences recherchées concernent le palissage, la récolte des fruits et légumes, l'épamprage des vignes, la préparation des sols et les plantations. Ces travaux requièrent dans certains cas une technicité particulière. Il est certain que l'attractivité de ces emplois dépend de nombreux facteurs parmi lesquels la rémunération, le logement, la proximité, les possibilités d'évolution professionnelle et l'image des métiers. Depuis plusieurs années, les démarches se multiplient et se structurent associant les partenaires sociaux de la production agricole, l'État, la mutualité sociale agricole, les collectivités territoriales, les acteurs de l'emploi, de la formation, de l'insertion, des territoires, pour attirer, professionnaliser, mieux intégrer les saisonniers agricoles et les fidéliser. Créé par les partenaires sociaux en 1992, l'ANEFA développe, aux côtés des fédérations professionnelles, et dans le cadre d'une convention de partenariat signée avec Pôle emploi en février 2019, une communication spécifique sur les emplois de saisonniers, que ce soit à travers son site www.anefa.org/emplois-saisonniers ou sa campagne « #OSE devenir saisonnier ! » très présente sur les réseaux sociaux. Elle organise des journées pour les employeurs et met à la disposition de l'ensemble des acteurs une large palette d'outils : guides d'accueil, nationaux et départementaux, fiches de suivi salariés sur la saison… Accessible en version française, anglaise, espagnole, polonaise et arabe, le guide d'accueil des travailleurs saisonniers 2020 de l'ANEFA décline l'ensemble des thématiques utiles : quand et comment rechercher un emploi saisonnier, les moins de 18 ans, le contrat de travail saisonnier, la durée du travail, les premiers pas dans l'entreprise, les bulletins de paie, la santé au travail, les contacts utiles, les travaux saisonniers. À travers sa campagne de communication « l'Aventure du Vivant », et la mise en place d'un site dédié laventureduvivant.fr, l'enseignement agricole est également partie prenante à ce vaste mouvement de promotion et de valorisation des métiers de l'agriculture dans toute leur diversité. En matière de formation, l'enjeu est de qualifier les saisonniers et d'améliorer leur employabilité, mais aussi de les fidéliser en réduisant le turn-over. L'ANEFA et les ADEFA mettent à disposition des catalogues de formations. À titre d'exemple, l'ADEFA de la Dordogne a conçu une « mallette du Saisonnier » répertoriant l'ensemble des formations accessibles dans le département. Celles-ci sont assurées par les centres de formation d'apprentis agricoles, les lycées agricoles, les maisons familiales et rurales, avec le concours de l'organisme de compétences (OPCO) dédié au secteur agricole (OCAPIAT), de l'ANEFA, de Pôle emploi ou des fédérations professionnelles. Conjointement avec Pôle emploi, les ANEFA/ADEFA proposent spécifiquement des programmes d'action de formation préalable au recrutement pour les demandeurs d'emploi : après entretien préalable et deux journées d'immersion chez un producteur tuteur, un stage de formation rémunéré d'un mois, alternant théorie et pratique est réalisé au sein d'une exploitation. Des producteurs volontaires, aidés par un formateur, inculquent aux candidats les bases du métier. Le programme AFPR (action de formation préalable au contrat) débouche sur un premier contrat de six mois à douze mois maximum. À titre d'exemple, les serristes de Côtes-d'Armor font appel à ce programme depuis une quinzaine d'années. Dans le contexte de la crise sanitaire, la commission paritaire nationale de l'emploi de la production agricole a demandé à OCAPIAT de construire des modules de formation en ligne pour former les saisonniers agricoles de la saison du printemps/été 2020. Ces modules sont accessibles via la plateforme collaborative de formation en ligne https://campnum.com/ conçue avec le concours du fonds social européen (FSE). Cette plateforme s'adresse aux étudiants, apprentis, demandeurs d'emploi, salariés désireux de se former ou acquérir des certifications professionnelles liées notamment aux métiers de l'agriculture. Elle s'adresse également aux entreprises, notamment pour le management de plans de compétences, aux organismes de formation, aux centres de formation d'apprentis, aux branches professionnelles. Elle offre d'ores-et-déjà un large éventail de formations en ligne, parmi lesquelles un grand nombre concernent les métiers de saisonniers agricoles. Ainsi, avec le soutien de la mutualité sociale agricole, OCAPIAT a mis en accès libre, dès le mois de mai, de courtes vidéos qui constituent le début d'une collection de quinze modules pédagogiques (cinq transverses et dix spécifiques fruits et légumes). Ces derniers forment aux bons gestes professionnels et aux pratiques d'hygiène et de sécurité au travail. Ils doivent aider à faciliter la transmission des gestes de base auprès des équipes de saisonniers. Par ailleurs, OCAPIAT Auvergne-Rhône-Alpes diffuse un kit saisonnier https://www.ocapiat.fr/la-saison-cest-maintenant/ « pour limiter les risques, une intégration rapide, professionnaliser et pérenniser le travail de saisonnier » (information, accompagnement et formation en distanciel et en présentiel). Sur les territoires, des démarches partenariales sont encouragées et accompagnées par l'État pour intégrer les saisonniers agricoles, les fidéliser et leur offrir des déroulements de carrière. L'emploi saisonnier est présenté comme une opportunité pour acquérir une première expérience en agriculture susceptible de conduire vers un emploi permanent. C'est le cas notamment dans le Maine-et-Loire, avec le dispositif « Saisons en Anjou ». Porté par un collectif d'une quarantaine de partenaires qui ont su formaliser une charte de l'emploi saisonnier et fidéliser dans ce cadre la main d'œuvre locale, « Saisons en Anjou » s'inscrit désormais dans le dispositif ELIORESO http://www.elioroso.com, nouveau dispositif de recrutement mutualisé entre les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification Pays-de-la-Loire, le groupement d'employeurs départemental 49 et le service de remplacement 49, pour pallier les difficultés de recrutement et assurer aux salariés des perspectives de carrière. La démarche inclusive des maraîchers nantais https://www.maraichersnantais.fr mérite d'être également soulignée. Engagée en 2005 dans le cadre du plan local d'insertion par l'économie, cette démarche portée par la fédération du groupement des maraîchers nantais de Loire-Atlantique (1 000 permanents, 10 000 saisonniers), le préfet de département et Nantes Métropole a consisté dans un premier temps à former les exploitants à la gestion des ressources humaines, développer les formations sur les postes les plus déficitaires et pérenniser l'emploi saisonnier par la création du groupement d'employeurs Loire et Sèvre, puis dans un second temps à déployer une véritable gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) auprès des entreprises. En 2018, 1 137 personnes ont ainsi pu être formées ou bénéficier d'un accompagnement GPEC spécifique. Enfin, près d'une vingtaine de conseils départementaux, en lien avec les caisses d'allocation familiale, gestionnaires du dispositif, offrent aux bénéficiaires du revenu de solidarité active la possibilité de cumuler, à titre dérogatoire, leur allocation avec un ou des contrats saisonniers (dans la limite d'un nombre d'heures travaillées, variable selon les départements). Expérimentées il y a dix ans, ces initiatives se sont multipliées ces dernières années et dernièrement dans le contexte de la pénurie de main d'œuvre saisonnière liée au contexte de la crise sanitaire. Après des phases d'expérimentation, certains conseils départementaux entendent les généraliser dans le contexte post-crise.
Auteur : Mme Monica Michel-Brassart
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Travail
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 16 juin 2020
Réponse publiée le 1er septembre 2020