Indépendance des juridictions européennes
Question de :
M. José Evrard
Pas-de-Calais (3e circonscription) - Non inscrit
M. José Evrard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice à propos des organismes européens de justice dont le mode de fonctionnement et certaines décisions surprennent les justiciables. La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), institution du Conseil de l'Europe, créée en 1959, a pour mission d'assurer la défense des droits et libertés des personnes sur les territoires des 47 pays signataires de la Convention européenne des droits de l'homme. Les 47 juges composant la Cour, soumis au devoir d'indépendance et d'impartialité, sont réputés pour leur moralité et leur compétence. Or une organisation non-gouvernementale, le Centre européen pour le droit et la justice (CEDJ), révèle, dans un rapport sur des juges de la Cour, que certains de ceux-ci ne correspondent pas tout à fait aux critères énoncés. En effet, 30 juges, ayant siégé entre 2009 et 2019, s'avèrent être liés à différents niveaux à l'Open Society Foundations, c'est-à-dire au réseau de fondations appartenant au milliardaire George Soros. Connu en France pour ses opérations contre la monnaie, M. George Soros, qui a bâti une immense fortune grâce à la spéculation contre les monnaies nationales, n'est pas le mieux placé ni pour « consolider l'état de droit et la démocratie en Europe » ni pour œuvrer à la promotion des droits de l'homme comme le veut la Cour dans ses finalités. La société ouverte que promeut George Soros est celle des nations ayant perdu leur originalité, diluées dans un monde sans frontière peuplé d'individus interchangeables et sans épaisseur. Plus grave, le CEDJ constate que dans 185 affaires, l'Open Society, ou l'une de ses affiliées, s'est trouvée impliquée dans la procédure, ce qui « met en cause l'indépendance de la Cour et l'impartialité des juges » et, pour le moins, sème un doute quant à la validité des décisions de la Cour. Ainsi en est-il de plusieurs affaires mentionnées dans le rapport. L'Autriche, la Grèce et l'Italie sont forcées de légaliser les unions homosexuelles ; la Pologne est sommée de favoriser le droit à l'avortement ; la France est contrainte d'autoriser le changement de sexe dans un texte ; la Hongrie doit abolir la prison à vie ; la Russie est sanctionnée pour avoir condamné des activistes féministes ; l'Autriche doit légaliser l'adoption par les couples homosexuels ; l'application de la charia en Grèce est validée. Ainsi de l'extérieur, et grâce à l'instrument de la jurisprudence, sont imposés aux peuples des changements de leur législation qu'ils n'avaient pas eux-mêmes souhaité mettre en œuvre. Cette présence en grand nombre « d'agents des Open Society Foundations » est-elle due au hasard ou est-ce le résultat d'une stratégie élaborée, bénéficiant forcément de complicité dans la place ? Aussi n'est-il pas illégitime de se demander si d'autres organismes internationaux analogues à la Cour européenne des droits de l'homme ne font pas l'objet d'entrisme, de conquête, de la part des Open Society Foundations. La Cour de justice européenne, institution de l'Union européenne, pourrait-elle se trouver dans une position aussi délicate que la CEDH ? Certaines décisions de la Cour de justice européenne laissent en effet perplexe. Ainsi celle relative à l'interdiction faite à deux États, la Belgique et la Tchéquie, d'expulser des criminels au motif qu'en tant que réfugiés ils bénéficient d'une protection de demandeur d'asile, apparaît surprenante. Il est ainsi confirmé que le statut de réfugié protège contre l'expulsion même en cas de crimes graves (à supposer qu'il existe des crimes légers). « Le retrait ou le refus d'asile n'affecte pas le droit à la protection en vertu de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et des droits fondamentaux de l'UE » a déclaré la Cour de justice européenne à Luxembourg. Il lui demande quelle fut la position de la France devant le scandale de la Cour européenne des droits de l'homme, si une réflexion analogue s'est engagée à propos de la Cour de justice européenne et quels enseignements ont été retenus pour le futur de ces juridictions.
Réponse publiée le 1er septembre 2020
L'indépendance et l'impartialité des juges de la Cour européenne des droits de l'Homme (la Cour) constituent des exigences fortes dont le respect est tout d'abord assuré par la sélection et l'élection de ces juges permettant ainsi de désigner, comme l'exige la Convention européenne des droits de l'Homme (la Convention) dans son article 21, des personnalités jouissant « de la plus haute considération morale » et réunissant « les conditions requises pour l'exercice de hautes fonctions judiciaires ou être des jurisconsultes possédant une compétence notoire ». Selon l'article 22 de la Convention, il appartient à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), composée de délégations des parlements nationaux (324 membres et pour la France, douze députés et six sénateurs), d'élire en formation plénière pour chaque Etat membre un candidat sur une liste de trois noms présentée par l'Etat. Les Gouvernements nationaux procèdent donc à la sélection de leurs trois candidats à l'issue d'une procédure rigoureuse et transparente respectant les lignes directrices relatives à la sélection des candidats pour le poste de juge à la Cour établies par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe le 28 mars 2012. En France, un comité de sélection ad hoc chargé d'examiner l'ensemble des candidatures a été créé en janvier 2019 pour se conformer à ces lignes directrices. Il est composé de hautes personnalités issues des mondes judiciaire, universitaire et administratif, ayant toutes une compétence spécifique en matière de droits de l'Homme. Pour procéder à la sélection de l'actuel juge français à la Cour, entré en fonction en juin 2020, et après une large diffusion du poste, le comité ad hoc a reçu dix-huit candidatures. Neuf candidats ont été auditionnés, les entretiens ayant été menés selon un schéma unique visant à s'assurer de leur motivation, de leur expérience, de leur compétence et à vérifier leur capacité linguistique. A l'issue de ces entretiens, le Comité a sélectionné quatre candidats, dont il a transmis les noms au Gouvernement, lequel a ensuite choisi trois d'entre eux. Depuis 2010, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a mis en place, avec le soutien unanime de tous les Etats membres, un panel consultatif d'experts chargé de formuler un avis sur l'adéquation des candidats que les Etats entendent proposer. L'Etat est cependant libre de modifier ou non sa liste en fonction de cet avis. C'est ensuite que l'APCE, en formation d'abord restreinte, composée de 20 membres (désignés à partir des propositions des groupes politiques de l'APCE), évalue les aptitudes et les connaissances des candidats, examine chaque candidature, auditionne les candidats et, le cas échant, demande à l'Etat de soumettre une nouvelle liste si celle-ci n'est pas jugée satisfaisante. A l'issue de cette procédure en formation restreinte, l'APCE, réunit en session plénière, procède à l'élection des candidats, à bulletin secret, sur la base des recommandations de la formation restreinte et en connaissance des activités exercées auparavant par chacun d'eux ; le curriculum vitae de tous les candidats est disponible et publié sur le site du Conseil de l'Europe. Il le reste d'ailleurs pendant toute la durée du mandat des juges. Des garanties existent également pour prévenir toute incompatibilité qui surviendrait pendant le mandat des juges. A la suite de son élection, un juge ne peut exercer aucune activité qui serait incompatible avec l'exercice de sa fonction. L'article 21 § 3 de la Convention est à cet égard sans ambiguïté : « Pendant la durée de leur mandat, les juges ne peuvent exercer aucune activité incompatible avec les exigences d'indépendance, d'impartialité ou de disponibilité requise par une activité exercée à plein temps ; toute question soulevée en application de ce paragraphe est tranchée par la Cour ». Dans son règlement (article 28), la Cour a d'ailleurs prévu des règles précises pour prévenir de telles incompatibilités qui pourraient être liées par exemple à l'existence d'un lien personnel ou professionnel avec l'une des parties, à la connaissance antérieure de l'affaire, à l'expression d'une opinion publique faisant objectivement douter de son impartialité. Enfin, le seul fait qu'un juge ait pu, à un moment donné de sa carrière professionnelle, travailler pour une organisation non gouvernementale (ONG) ne saurait entrainer en soi un défaut d'indépendance ou d'impartialité dans ses fonctions ultérieures de juges à la Cour. Bien au contraire, des interactions avec des ONG spécialisées dans les droits de l'Homme, des universités et universitaires travaillant dans ce domaine et, de façon générale, avec la société civile, sont souvent un gage de connaissance de cette matière particulière et de la spécificité du contentieux européen des droits de l'Homme.
Auteur : M. José Evrard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 16 juin 2020
Réponse publiée le 1er septembre 2020