15ème législature

Question N° 30693
de Mme Cécile Untermaier (Socialistes et apparentés - Saône-et-Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Nécessité d'encadrer et clarifier règles fonctionnement méthaniseurs industriels

Question publiée au JO le : 30/06/2020 page : 4493
Réponse publiée au JO le : 23/03/2021 page : 2558
Date de changement d'attribution: 07/07/2020
Date de signalement: 29/09/2020

Texte de la question

Mme Cécile Untermaier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la nécessité d'encadrer et de clarifier les règles relatives au fonctionnement des méthaniseurs. Certains d'entre eux utilisent un mélange d'effluents agricole, de déchets d'abattoir, tel que les graisses de flottaison, les matières stercoraires ou autres viscères, ainsi que d'importants volumes de matière végétale dédiés au digesteur. A titre d'exemple s'agissant des matières végétales, une limitation de l'utilisation du maïs à hauteur de 15 % du volume incorporé pour la production de biogaz est posée comme règle, mais son respect justifie des inquiétudes, tant il apparaît difficile d'en contrôler le pourcentage. Les cultures dédiées doivent être strictement encadrées, de sorte que le dispositif vertueux de la méthanisation tiré de l'économie circulaire, soit préservé. Si tel n'était pas le cas, c'est tout l'équilibre entre alimentation et énergie qui se trouverait rompu avec les effets graves que l'on connaît et l'avenir de cette filière remis en question. Par ailleurs, l'intégration et l'utilisation de déchets d'abattoir provenant d'animaux possiblement atteints de maladies infectieuses et parasitaires interroge aussi. En effet, le risque redouté est de voir convertir l'animal cliniquement malade, en porteur et excréteur dissimulé, de germes antibioresistants répandus sur les terres mises à disposition lors de la vidange du digestat. Cette inquiétude est d'autant plus forte que les zoonoses et la covid-19 rappellent à tous combien les règles sanitaires doivent être strictement respectées. Aussi, elle souhaiterait connaître, d'une part, les garanties apportées par l'État pour un fonctionnement normal et vertueux d'une installation reposant sur la seule utilisation de déchets n'ayant pas d'autres débouchés que celui offert par la méthanisation, et, d'autre part, les contraintes et contrôles permettant d'assurer la sécurité sanitaire des épandages réalisés à l'issue du processus de méthanisation des déchets, en particulier organiques.

Texte de la réponse

La méthanisation agricole contribue activement à la politique nationale de développement des énergies renouvelables, tout en assurant un complément de revenus pour les agriculteurs. La question de l'approvisionnement des installations de méthanisation a été identifiée comme fondamentale pour éviter la concurrence de la production d'énergie à partir de biomasse avec les usages alimentaires, à la fois en ce qui concerne les productions elles-mêmes, mais aussi les surfaces agricoles. Ainsi, cette question a été prise en compte dès l'élaboration de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoit à son article 112, que : « Les installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes peuvent être approvisionnées par des cultures alimentaires, dans la limite de seuils définis par décret. Les résidus de cultures associés à ces cultures alimentaires et les cultures intermédiaires à vocation énergétique sont autorisés. ». Le décret n° 2016-929 du 7 juillet 2016 pris pour l'application de cet article a été publié le 8 juillet 2016, après une concertation approfondie avec les parties prenantes. Il prévoit, pour les cultures alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale, un plafond maximal de 15 % en tonnage brut total des intrants pour l'approvisionnement des installations de méthanisation. La politique européenne évolue vers des modèles d'approvisionnement des méthaniseurs en Europe plus durables. Les pays où le biogaz est produit avec une utilisation massive de cultures énergétiques dédiées s'orientent désormais vers la valorisation de davantage de sous-produits et déchets agricoles, rejoignant ainsi le modèle français. La politique européenne encadre également le changement d'affectation des terres, c'est-à-dire les situations dans lesquelles des cultures destinées à la production d'énergie occupent des terres auparavant consacrées aux cultures alimentaires, lesquelles risquent alors d'être déplacées dans des zones non exploitées jusque-là. L'entrée en vigueur prochaine de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, dite « directive RED II », apportera un renforcement de ces orientations. Concernant la qualité des matières utilisées et le risque sanitaire que certaines peuvent faire courir à la santé publique, et pour ce qui concerne les produits d'origine animale ou d'autres produits provenant d'animaux, une réglementation harmonisée européenne précise leurs conditions d'usage y compris dans des installations de traitement de déchet type compost ou méthanisation. Ainsi l'activité de conversion de sous-produits animaux et/ou de produits dérivés en biogaz est soumise à la délivrance d'un agrément sanitaire au titre du règlement (CE) n° 1069/2009 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et abrogeant le règlement (CE) n° 1774/2002. Les exigences réglementaires à respecter sont décrites en particulier à l'annexe V du règlement (UE) 142/2011. Cette réglementation fixe des règles sanitaires en vue de prévenir et de réduire au maximum les risques que ces produits présentent pour la santé publique et la santé animale, notamment en vue de préserver la sécurité de la chaîne alimentaire, y compris lors d'usage de produit en fertilisation dans ou hors les sols (notamment en cas de valorisation agronomique des digestats). Le principe de base est qu'une usine de production de biogaz doit être équipée d'une unité de pasteurisation/hygiénisation incontournable pour les sous-produits animaux ou produits dérivés classés en catégorie 3 et pour certains en catégorie 2 (lisier, contenu du tube digestif et certains laits et œufs), définis aux articles 9 et 10 du règlement (CE) n° 1069/2009. La taille maximale des particules avant leur entrée dans l'unité est de 12 mm pour les matières de catégorie 3 uniquement afin que le traitement thermique soit efficace sur ces matières. Les C2 indiqués ci-dessus sont des matières dont la structure intrinsèque (liquide, pâteuse…) ne nécessitent pas un tel fractionnement. Cette unité doit être munie, notamment, d'installations permettant de contrôler que la température de 70 °C est atteinte dans le laps de temps d'une heure. Dans le cadre d'une telle transformation, le risque de propager des germes dont ceux porteurs de gène d'antibiorésistance est fortement minoré. L'arrêté ministériel du 9 avril 2018 fixant les dispositions techniques nationales relatives à l'utilisation de sous-produits animaux et de produits qui en sont dérivés, dans une usine de production de biogaz notamment, fixe les conditions selon lesquelles les opérateurs peuvent déroger aux dispositions européennes définies par les règlements (CE) n° 1069/2009 et (UE) n° 142/2011, pour ce qui concerne la conversion en biogaz de certains sous-produits animaux et de produits qui en sont dérivés. Dans ce cadre réglementaire, une dérogation à la pasteurisation/hygiénisation (à l'amont du digesteur anaérobie) du lisier (matière de catégorie 2, définie à l'article 9 du règlement (CE) n° 1069/2009) et de certains sous-produits animaux ou produits dérivés peut être accordée si les autorités sanitaires estiment que cet usage dans ces conditions ne présente pas de risque sanitaire. En lien avec la mutualisation des apports de lisier provenant de divers élevages, il est indiqué que les dérogations prévues par le droit européen sont limitées « à une liste fermée d'élevages connus ». Outre le lisier, le contenu du tube digestif (sans ce dernier) peut aussi faire l'objet d'une telle dérogation, sous la même réserve. Les animaux présentés à l'abattage devant être en bonne santé, il peut être considéré dans le cas général que cette condition est respectée sauf dans le cas d'un retrait total d'un animal de la consommation humaine pour un motif sanitaire transmissible par voie digestive, comme la tuberculose digestive par exemple. Dans ce dernier cas, le contenu du tube digestif devra être transformé selon les standards européens, son application directe dans les sols étant aussi interdite. L'instruction technique DGAL/SDSPA/2020-41 du 21/01/2020 vise à expliciter les éléments de dérogation nationaux portés par cet arrêté. Elle précise ainsi, qu'aucune dérogation à la pasteurisation/hygiénisation n'existe pour les matières de catégorie 3 d'abattoir, dont le tube digestif (C3) ou le tube digestif non vidé (C2 + C3). En outre, si du lisier (ou contenu du tube digestif) est utilisé sur une installation qui reçoit des matières de catégorie 3 d'abattoir ou de type viande ou poisson « cru », le lisier et les autres matières C2 ne sont plus dérogataires. L'exploitant doit alors pasteuriser/hygiéniser tous les intrants sous-produits animaux autorisés (C2 type lisier et C3). Enfin, en cas de lésion sanitaire sur le tube digestif ou d'autres parties de carcasse, une stérilisation sous pression en usine agréée de transformation est requise avant l'usage de ces matières C2 en méthanisation. Ces dispositions limitent donc le risque que des matières d'origine animale susceptibles de transmettre des maladies à l'homme ou l'animal soient utilisées in fine dans les sols, sous réserve que les filières de collecte des matières d'abattoir respectent bien lesdites dispositions et non celles applicables aux déchets. Les crises sanitaires passées et les menaces toujours présentes (charbon bactéridien, botulisme, influenza aviaire, tuberculose, risque de peste porcine africaine) imposent de prendre des mesures de précaution adaptées à ces matières animales. Le règlement relatif aux sous-produits animaux et les règles nationales ainsi établies visent ces fins. .