15ème législature

Question N° 3074
de M. Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > lieux de privation de liberté

Titre > Privatisation dans les prisons

Question publiée au JO le : 21/11/2017 page : 5680
Réponse publiée au JO le : 06/03/2018 page : 1956
Date de signalement: 20/02/2018

Texte de la question

M. Jean-Luc Mélenchon attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la privatisation des prisons françaises. La privatisation des établissements pénitentiaires, entamée il y a maintenant plus de 30 ans, semble s'accélérer et concerne désormais une multitude de secteurs allant de la gestion des repas à la construction des maisons d'arrêt. Ces privatisations entraînent souvent des difficultés. Par exemple la privatisation des cantines à la prison des Baumettes à Marseille, a entraîné de nombreuses problématiques pour le personnel surveillant. Le nombre de prisons faisant appel à des sociétés privées ne cesse d'augmenter et le panel des actions confiées s'élargit lui aussi puisqu'il est désormais possible de déléguer à une entreprise l'organisation des visites ou encore la formation professionnelle. L'entrée dans la course des partenariats public-privé depuis 2008 pour la construction des prisons engage l'État à régler un loyer pendant 25 ans aux entreprises qui se retrouvent alors propriétaires des centres pénitenciers. Le montant de ses loyers versés par l'État approche les 6 milliards d'euros par an, une somme considérable sur laquelle il souhaite attirer son attention. Outre le coût astronomique, qui pourrait d'ailleurs être utilisé pour améliorer les conditions de détention ou encore entretenir des bâtiments vétustes, cette privatisation galopante nous inquiète puisqu'elle permet et entretient une concurrence entre les entreprises qui se positionnent sur ce marché. Au vue de l'accentuation de la privatisation des prisons il s'interroge sur plusieurs points. Il se demande si elle dispose d'un rapport quant à la pertinence de cette privatisation, avec chiffres et analyses à l'appui. Il semble que la meilleure garantie de fonctionnement pour une prison soit la gestion publique. Il voudrait savoir si le Gouvernement souhaite privilégier ce mode de gestion ou continuer dans la voie de la privatisation.

Texte de la réponse

Un établissement est dit « en gestion déléguée » lorsque les fonctions principales de service d'exploitation entretien, maintenance et services à la personne (restauration des personnes détenues et du personnel, cantine, hôtellerie, transport et accueil des familles) font l'objet d'un contrat d'externalisation, soit par le biais d'un contrat de partenariat ou assimilé, soit par le biais d'un marché public multitechnique multiservice.    Partenariats public-privé (PPP) L'Etat a passé plusieurs contrats PPP afin de construire des établissements pénitentiaires. La date d'échéance de ces contrats est indiquée dans le tableau suivant : 

Contrat

Etablissements

Capacité/ places

Prise de

possession

Contrat AOT-LOA1 « Lot n°1 »

- conclu le 23/02/2006

- titulaire : OPTIMEP 4

- fin du contrat : 2037

CP Roanne

599

Janvier 2009

MA Lyon-Corbas

688

Mai 2009

CP Béziers

809

Novembre 2009

CP Nancy Maxéville

692

Juin 2009

Contrat AOT-LOA « Lot n°2 »

- conclu le 12/10/2006

- titulaire : THEMIS

- fin du contrat : 2037

MA Le Mans

401

Septembre 2009

CP Le Havre

690

Décembre 2009

CP Poitiers-Vivonne

633

Juin 2009

Contrat de partenariat « Lot n°3 »

- conclu le 28/02/2008

- titulaire : THEIA

- fin du contrat : 2038

CP Lille-Annœullin

686

Juin 2011

CP Sud-Francilien

796

Février 2011

QMA Nantes

570

Décembre 2011

Contrat de partenariat « Lot A »

- conclu le 21/12/2012

- titulaire : HELIOS A

- fin du contrat : 2040

CP Valence

472

Juin 2015

CP Riom

568

Octobre 2015

Contrat de partenariat « Lot B »

- conclu le 21/12/2012

- titulaire : HELIOS B

- fin du contrat : 2040

CP Beauvais

600

Juin 2015

Contrat de partenariat « MAPLS2 »

- conclu le 13/11/2014

- titulaire : QUARTIER SANTE

- fin du contrat : 2043

MA Paris-la Santé

808

2ème trimestre 2018

(1) : autorisation d'occupation temporaire-location avec option d'achat

(2) : maison d'arrêt de Paris-La Santé 
Le dernier établissement prévu en PPP est la maison d'arrêt Paris-La Santé, dont la prise de possession est prévue pour mi-2018. A compter de cette date, le coût annuel prévisionnel de l'ensemble des six PPP sera d'environ 219 millions d'euros. Il couvre le remboursement des dépenses de conception-construction et de financement des ouvrages, mais également le paiement des prestations d'entretien-maintenance et le cas échéant de services aux personnes.  Le retour d'expérience de la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) a conduit le ministère de la justice à décider de ne pas avoir recours aux PPP pour la construction du futur programme immobilier 15 000 places.  Concernant les PPP déjà signés, l'Etat dispose d'un droit de résiliation anticipée des contrats pour motif d'intérêt général. Toutefois, sa mise en œuvre est encadrée contractuellement et suppose de prendre en considération l'ensemble des conséquences. En cas de sortie complète des contrats, l'Etat devrait verser des indemnités aux titulaires des PPP, estimées à environ 1,1 milliard d'euros sur la base des calculs réalisés lors de la signature des contrats. Ce montant correspond pour environ 120 millions d'euros aux indemnités et aux compensations du manque à gagner des titulaires et pour environ un milliard d'euros au paiement du montant restant dû des coûts de conception-construction des établissements, les coûts de rupture des contrats de financement compris. La résiliation des PPP aurait également des conséquences opérationnelles potentiellement importantes pour les établissements concernés, qui hébergent plus de 10 % de la population pénale : maintenance limitée pendant la phase de résiliation, risque de retard dans le traitement de défauts de réalisation en cas de conflit avec les titulaires sur leur prise en charge, période de montée en charge d'un nouveau gestionnaire délégué, etc.  Par conséquent, la DAP a préféré engager un processus de renégociation des PPP en cours d'exécution, afin d'une part d'améliorer le caractère opérationnel de ces contrats et d'autre part de réduire leurs coûts dans le cadre notamment d'un refinancement, pour deux lots.    Marchés de gestion déléguée (MGD) La loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire a consacré un mode de gestion spécifique des établissements pénitentiaires en permettant à l'État de confier les services concourant au fonctionnement courant des établissements pénitentiaires à des opérateurs privés, à l'exception des fonctions de direction, de greffe et de surveillance. L'externalisation des services d'exploitation, entretien, maintenance et des services à la personne est notamment réalisée dans le cadre de marchés publics multiservice multitechnique, dits « marchés de gestion déléguée ».  Depuis 30 ans, les marchés de gestion déléguée ont fortement évolué avec notamment la mise en place d'un modèle performanciel, comprenant plus d'une centaine d'indicateurs mesurables et quantifiables. La DAP a dans ce cadre développé un outil informatique de suivi, d'information et de signalements afin de contrôler au mieux la bonne exécution de ses contrats.  Une évaluation de l'exécution des contrats est systématiquement conduite afin d'apprécier le mode de fonctionnement le plus adapté, donnant lieu régulièrement à des évolutions de périmètre. La DAP se garde de toute approche dogmatique, et a ainsi récemment décidé de mettre en place un mode de gestion publique sur le nouveau centre de détention de Tatutu de Papeari, ou de renoncer au mode de gestion déléguée pour le fonctionnement des services à la personne (notamment restauration, cantine, buanderie, transport, …) sur la maison centrale d'Arles. De la même manière, la DAP a récemment choisi d'exclure du périmètre de la gestion déléguée la fourniture des fluides ou le paiement des personnes détenues au service général.  Ce questionnement permanent de l'administration pénitentiaire sur le mode de fonctionnement optimal de ses établissements a permis d'aboutir, à périmètre équivalent, à une réduction d'environ 10 % du montant de ces marchés. Cette économie a permis de confier aux titulaires de ces marchés, depuis 2016, le « niveau 5 de maintenance », c'est-à-dire les travaux de gros entretien ou de renouvellement d'équipements ou d'ouvrages, particulièrement complexes et coûteux, pourtant absolument nécessaire au maintien en condition opérationnelle des établissements.  Au final, les différentes études comparatives entre les modes de fonctionnement en gestion déléguée et en gestion publique se heurtent aux différences de moyens et d'objectifs entre ces deux modes de gestion et ne permettent pas de conclure à la supériorité de l'un ou l'autre.