15ème législature

Question N° 31011
de M. Dominique Potier (Socialistes et apparentés - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > santé

Titre > Effet des inégalités économiques et sociales face au coronavirus

Question publiée au JO le : 07/07/2020 page : 4693
Réponse publiée au JO le : 20/04/2021 page : 3491
Date de changement d'attribution: 07/07/2020
Date de renouvellement: 03/11/2020

Texte de la question

M. Dominique Potier attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la nécessité de documenter l'effet des inégalités sur la pandémie de covid-19. Avec la pandémie, on fait l'apprentissage tragique du lien entre la santé humaine et l'écologie. Cette prise de conscience, dont le concept « One Health » est devenu l'emblème, ne doit pas faire oublier la modernité du lien entre politique sanitaire et sociale dans une perspective de prévention des maladies chroniques et de résistance aux risques pandémiques. Déjà, des premières enquêtes montrent l'inégalité face au virus. En touchant plus durement les personnes les plus vulnérables et les plus précaires de la société, la crise sanitaire a montré, s'il en était besoin, que les inégalités sociales et économiques se traduisaient également dans l'inégal accès aux soins et à la qualité de vie. En témoigne notamment la surmortalité constatée au sein des professions les plus dévalorisées et dans certaines zones géographiques où les handicaps économiques, sociaux et sanitaires se cumulent. Ce n'est pas un hasard si le département de la Seine-Saint-Denis, à la fois le plus jeune et le plus pauvre de France, est celui qui a connu la plus forte hausse du taux de surmortalité en mars et avril 2020 (une augmentation de 130 % par rapport à l'année 2019). Il y a fort à parier que ces écarts de surmortalité se retrouvent également à sein même des métropoles du Grand Est, d'un quartier à l'autre. Deux hypothèses sont régulièrement avancées pour expliquer la surmortalité des catégories les plus démunies de la population : une surexposition au virus en amont et une plus grande vulnérabilité en cas d'infection. La première s'explique d'abord par l'occupation des professions en première ligne pendant l'épidémie (agent-hospitalier, aides-soignants, caissier, livreur, etc.) qui présentent un plus grand risque de contamination que la moyenne. La surexposition passe également par la promiscuité des espaces familiaux et collectifs pour les personnes les plus précaires, qui favorise la transmission du virus. La seconde résulte d'une articulation entre des inégalités sociales et des inégalités sanitaires : il existe une double peine pour les personnes les plus précaires qui sont aussi, en moyenne, les plus vulnérables. Cela est notamment lié à la permanence de déserts médicaux dans certaines régions qui rendent l'accès aux soins plus difficile qu'ailleurs. À cela s'ajoute chez les plus précaires une plus grande propension des facteurs de comorbidité en cas de contagion (diabète, obésité, pathologies chroniques respiratoires...). Les inégalités économiques, sociales et sanitaires semblent donc avoir aggravé le bilan de la pandémie. Au même titre que les études en cours sur l'efficacité des traitements des patients contaminés et les recherches engagées pour développer un vaccin, une étude qui documente plus précisément la sociologie des personnes atteintes de la covid-19 et des personnes qui en sont décédées serait un levier puissant pour engager une authentique politique de prévention susceptible de limiter les conséquences dramatiques d'une nouvelle pandémie. Dans une logique préventive, il lui demande donc s'il est possible de commander une telle étude afin de tirer toutes les leçons sanitaires et politiques utiles de la pandémie.

Texte de la réponse

L'épidémie de covid-19 a accentué les inégalités sociales de santé à plus d'un titre. C'est la raison pour laquelle, les services du ministère des solidarités et de la santé en partenariat avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale ont mis en place dès ce printemps une grande cohorte (EPICOV) permettant de documenter plus précisément cette question. Il s'agit de disposer de données pour suivre et modéliser la dynamique de l'épidémie et étudier son impact sur les conditions de vie des personnes, dans le temps et de façon la plus précise possible sur le territoire et dans les différents groupes sociaux. Le premier objectif de la cohorte EpiCov est d'estimer la séroprévalence (proportion de sujets ayant développé des anticorps anti-SARS Cov2) avec une bonne précision au niveau départemental et de certaines agglomérations (de plus de 600 000 habitants), ainsi que dans des populations diverses et notamment vulnérables sur le plan socio-économique souvent mal couvertes dans les enquêtes existantes, d'étudier sa distribution selon les conditions d'habitat et de densité de population, et de suivre son évolution dans le temps au fil des évolutions des stratégies de gestion de l'épidémie. Le deuxième objectif est d'étudier l'état de santé, le (non) recours aux soins, les pratiques préventives, les conditions de vie. L'étude des inégalités sociales sera l'axe central. La collecte en mai 2020, appelée le Tl de l'enquête, allie le recueil de données sur l'existence de symptômes, comorbidité, recours aux soins, conditions d'habitat et de contacts intrafamiliaux, comportements en lien avec le confinement, conditions de vie, situation professionnelle auprès de tous les individus échantillonnés et la réalisation de 12 000 auto prélèvements à domicile pour effectuer un test sérologique (présence d'anticorps) dans un sous-échantillon national et dans certains départements (les plus touchés par l'épidémie et des départements « témoins ») pour un sous-ensemble des personnes échantillonnées dans chaque département. Les résultats des tests sérologiques permettront une estimation de la séroprévalence dans ces départements en période de fin de confinement généralisé (mai). La collecte fin août 2020, appelée le T2 de l'enquête, alliera un questionnaire plus court incluant les symptômes et les conditions de vie, à des tests d'immunité réalisés cette fois à grande échelle, auprès de tous les participants qui l'auront accepté. Elle permettra une mesure de l'immunité par département et de suivre l'évolution des pratiques sociales. Des tests sérologiques sur tous les membres du ménage seront réalisés sur un sous-échantillon permettant l'analyse de la diffusion intra-foyer. L'ensemble des données ainsi collectées constitueront les Données de la Recherche. Après septembre 2020, la cohorte EpiCov pourra être sollicitée plusieurs fois pour répondre à d'autres questionnaires et participer à des nouveaux tests biologiques. Quatre vagues au total sont prévues à ce jour. Fort de ces résultats et à la lumières d'autres analyses réalisées dans l'intervale, nous pourrons envisager d'adapter les politiques de prévention dans l'objectif de mieux absorber les conséquences systémique de cette épidémie sie lle perdure et des suivantes.