15ème législature

Question N° 310
de Mme Véronique Hammerer (La République en Marche - Gironde )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > papiers d'identité

Titre > Délivrance des cartes d'identité dans les zones rurales

Question publiée au JO le : 08/05/2018
Réponse publiée au JO le : 16/05/2018 page : 3744

Texte de la question

Mme Véronique Hammerer attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les conséquences de la réforme de la délivrance des cartes d'identité. Depuis le 28 mars 2017, tous les Français qui souhaitent faire une demande de carte d'identité doivent se rendre dans une mairie équipée d'une borne spéciale destinée à relever les empreintes biométriques. Sur les 36 000 communes françaises, seules les 2 000 mairies équipées de ce dispositif sont donc autorisées à délivrer les titres d'identité. La fin de ce qui était jusqu'alors un service de grande proximité impacte fortement tant les mairies chargées de délivrer les titres, que les citoyens qui voient un service s'éloigner de leur domicile et les délais de délivrance augmenter. Sur la 11e circonscription de la Gironde, ce sont seulement 5 communes sur 87 qui sont équipées d'une borne, soit 6 % d'entre elles. Les maires font remonter à Mme la députée leurs difficultés quotidiennes et signalent une surcharge de travail pour les agents car l'indemnisation des communes n'est pas à la hauteur des coûts et besoins engendrés par le dispositif. Pour les habitants du territoire, cette nouvelle organisation engendre des contraintes de mobilité, des délais d'obtention rallongés et des difficultés liées à l'obligation de pré-remplir son dossier en ligne dans un secteur où les personnes âgées sont surreprésentées et où la couverture numérique n'est pas optimale. Aussi, elle l'interroge sur les solutions que le Gouvernement entend mettre en place pour répondre aux difficultés quotidiennes qui persistent un an après la mise en œuvre de la réforme, afin que la délivrance des cartes d'identité redevienne un service public de proximité et efficace.

Texte de la réponse

DÉLIVRANCE DES CARTES D'IDENTITÉ DANS LES ZONES RURALES


M. le président. La parole est à Mme Véronique Hammerer, pour exposer sa question, n°  310, relative à la délivrance des cartes d'identité dans les zones rurales.

Mme Véronique Hammerer. Madame la ministre, depuis le 1er mars 2017, la délivrance des cartes nationales d'identité ne s'effectue plus automatiquement dans la mairie du lieu de résidence, mais dans une mairie dotée d'un dispositif permettant de recueillir les empreintes des usagers. Les cartes d'identités, comme les passeports, sont en effet dorénavant biométriques. Ce dispositif novateur implique de prendre rendez-vous sur la plateforme internet dédiée avant de pouvoir déposer ses documents en personne à la mairie, ce qui donne lieu à un second rendez-vous, toujours en personne, en vue de récupérer la carte d'identité. Ce système censé simplifier la délivrance des cartes nationales d'identité me semble la compliquer.

Qu'est-ce qu'un délai raisonnable pour obtenir sa pièce d'identité ? Avant ce système, nous nous rendions dans notre mairie avec les papiers nécessaires, et nous obtenions la carte dans les trois semaines qui suivaient. Aujourd'hui, dans certaines mairies, le délai d'attente pour le premier rendez-vous peut atteindre jusqu'à trois mois, et une fois la demande déposée, il faudra patienter encore entre trois semaines et un mois pour récupérer la pièce d'identité.

Qu'est-ce qu'une distance à parcourir raisonnable pour obtenir sa pièce d'identité ? Le nombre restreint de mairies équipées de borne biométrique oblige les citoyens ne vivant pas dans des villes importantes à parcourir parfois jusqu'à 100 kilomètres afin de refaire leurs papiers. Dans les zones rurales, on pourrait presque parler de désertification en matière de bornes biométriques. Doit-on aussi obliger les personnes âgées, souvent isolées, à accomplir un si long périple pour obtenir leur pièce d'identité ? Je ne parle même pas du manque d'accès à internet.

Si, côté face, les citoyens sont mécontents, côté pile, les fonctionnaires territoriaux et les personnels de mairie sont au bord de l'explosion en raison de l'afflux des demandes. Devant les délais annoncés, les citoyens font jouer la concurrence entre les mairies et multiplient donc les coups de téléphone dans les différentes communes. La situation restera sans solution tant que le nombre d'appareils permettant la prise des empreintes digitales ne sera pas doublé, voire triplé, surtout dans les territoires ruraux.

Madame la ministre, que faire ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la députée, la réforme des cartes nationales d'identité se déploie depuis 2015. Le ministère de l'intérieur a engagé une refonte sans précédent des modalités d'instruction de ces titres, avec un triple objectif : simplifier les démarches des usagers, sécuriser la procédure – c'est très important –, et renforcer la lutte contre la fraude. Le recours à la biométrie, que vous avez évoqué, nous permet déjà de constater une forte baisse de la fraude.

Pour produire pleinement ses effets, cette dématérialisation impose une limitation du nombre de communes équipées en dispositifs de recueil. Je rappelle que cette mission ne constitue pas une mission nouvelle que l'État aurait transférée au bloc communal. C'est une mission exercée par les maires depuis des décennies en leur qualité d'agent de l'État. Je ne méconnais cependant pas les craintes qui sont celles des maires, et les échanges avec l'Association des maires de France ont permis d'aboutir à des engagements fermes du Gouvernement en ce qui concerne notamment les modalités financières de la réforme.

C'est ainsi que l'État a décidé de renforcer son accompagnement financier en faveur des communes équipées d'un dispositif de recueil. La multiplication par deux – de 18 à 40 millions d'euros – de la dotation pour les titres sécurisés en 2018 a notamment permis de revaloriser son montant forfaitaire, porté à 8 580 euros par équipement, et à 12 130 euros lorsque l'activité du dispositif atteint 1 875 titres par an. Je rappelle que cette dotation n'est versée qu'au titre de l'accueil des usagers extérieurs à la commune, car les communes bénéficient de dotations de l'État pour le service rendu à leur propre population. Vous avez dit que certains usagers devaient parcourir jusqu'à 100 kilomètres, mais il leur est possible de se rendre dans n'importe quelle mairie. Ils ne sont pas obligés de se rendre à un endroit spécifique pour demander une carte d'identité.

Pour tirer pleinement profit de cette réforme, les mairies doivent, bien sûr, ajuster leur organisation. Un guide recensant de bonnes pratiques susceptibles de contribuer à la réduction des délais est d'ailleurs à la disposition des communes. De leur côté, les services de l'État s'efforcent, eux aussi, de réduire les délais d'instruction et de fabrication des titres, notamment grâce à la dématérialisation, avec l'objectif de parvenir à un délai global – je dis bien global – de deux à trois semaines au maximum à compter de l'enregistrement de la demande dans l'application.

Enfin, j'encourage fortement les usagers à effectuer la pré-demande en ligne, car cela permet d'éviter les oublis de justificatifs et facilite le travail des personnels d'accueil des mairies. Je rappelle également que dans les maisons de services au public qui ont été ouvertes dans l'ensemble des territoires, en particulier dans les territoires ruraux, il y a souvent un poste informatique où les usagers, notamment les plus âgés d'entre eux, peuvent être aidés dans leurs demandes par des jeunes effectuant leur service civique.

L'ensemble de ces dispositions traduit l'engagement du Gouvernement à garantir un service de proximité, de qualité et moderne, à l'heure de l'informatique.