Question écrite n° 31104 :
Critères de sélection de la plate-forme « Parcoursup »

15e Législature

Question de : M. Fabrice Brun
Ardèche (3e circonscription) - Les Républicains

M. Fabrice Brun attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur les critères de sélection de la plate-forme « Parcoursup ». En 2020, cette procédure d'affectation des futurs étudiants a concerné 658 000 lycéens. Dès les premiers résultats connus, les plaintes se sont multipliées, rappelant les nombreux ratés qu'avaient déjà connus ce dispositif en 2019. Les améliorations promises par le Gouvernement ne sont manifestement pas au rendez-vous. Concrètement, si les lycéens des métropoles ont globalement été satisfaits de la prise en compte de leurs vœux, les lycéens des départements ruraux, enclavés ou périphériques, éloignés des grands centres universitaires, ont le sentiment que leurs souhaits sont traités de manière différente. Parcoursup avait pourtant été mis en place pour permettre un système plus juste. Or, dans certaines universités, la sélection passe encore par une forme de tirage au sort sans doute plus technologique, mais tout aussi injuste. Celles-ci, incapables de traiter correctement et individuellement les dossiers, ont mis en place des algorithmes pour classer et évaluer les candidats. Une interrogation se fait jour quant à ces algorithmes qui semblent contenir des variables géographiques qui pénaliseraient de fait ces lycéens. À l'appui de cette interrogation légitime, il convient de souligner que, dans son rapport de février 2020, la Cour des comptes a souligné le manque de transparence, l'aspect uniforme des dossiers et l'automatisation croissante du système. Il résulte du système actuel que non seulement les motivations des élèves ne sont pas prises en compte, mais que de surcroît le système opèrerait une sélection géographique. En définitive, les lycéens et leurs parents ont le sentiment légitime que les performances de Parcoursup ne sont pas meilleures que celles de l'ancien système admission post-bac (APB), voire sont en retrait. C'est pourquoi il lui demande de faire toute la transparence sur ces algorithmes et de lui indiquer les mesures envisagées par le Gouvernement pour mettre fin aux dysfonctionnements de Parcoursup.

Réponse publiée le 13 octobre 2020

Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) ne partage pas l'appréciation négative portée sur la plateforme Parcoursup compte tenu des éléments suivants. En premier lieu, il convient de rappeler que l'objectif de transparence a été au cœur de la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE) et des principes de fonctionnement de la plateforme Parcoursup. Avec la loi ORE, la plateforme Parcoursup exige de chacune des formations de porter à la connaissance de tous les candidats potentiels, dès l'ouverture de la plateforme, d'une part les attendus de la formation, qui peuvent être nationaux et/ou locaux, et d'autre part, les critères généraux d'examen des vœux qui seront utilisés par les commissions d'examen des vœux, au sein de chaque formation. Ladite loi ORE garantit à tout candidat la possibilité de télécharger, pour chacun de ses vœux pour lesquels il n'a pas été admis, la notification de la décision affichée dans son dossier Parcoursup et la possibilité de demander au responsable de toute formation concernée la communication des critères et modalités d'examen de sa candidature ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise à son égard. La formalisation des attendus par les établissements d'enseignement supérieur de même que ce nouveau droit à l'information manifestent la volonté, inscrite au cœur de la loi ORE, de rompre radicalement avec les pratiques antérieures à la mise en œuvre de la plateforme Parcoursup, qui ne garantissaient ni transparence sur les attendus des formations et l'algorithme d'affectation, ni droit pour chaque candidat de pouvoir connaître les motifs des décisions prises. Les informations communiquées aujourd'hui sont, de fait, sans commune mesure avec celles, très limitées, qui étaient fournies aux candidats dans le cadre de la mise en œuvre du traitement APB. Tous les établissements d'enseignement examinent donc les dossiers des candidats et la pratique du tirage au sort est totalement exclue. Pour procéder à cet examen, une commission d'examen des vœux, composée de professionnels et dont la composition est arrêtée par le chef d'établissement, a pour mission de définir concrètement les modalités et critères d'examen dans le cadre des critères généraux publiés. L'examen des dossiers prend en compte les caractéristiques de la formation, l'appréciation portée sur les acquis de la formation antérieure du candidat, les compétences développées par les candidats. Ces éléments sont annoncés dans la fiche de présentation de la formation visée dès l'ouverture de la plateforme. Les principes de non-discrimination, d'égalité de traitement, d'équité et de transparence, qui guident la procédure nationale de préinscription Parcoursup, sont explicitement rappelés aux établissements dans la « Charte de la procédure nationale de préinscription Parcoursup » approuvée par tous les établissements de la plateforme et dans la note de cadrage relative aux critères généraux d'examen des vœux (publiée en ligne), laquelle rappelle que sont proscrites les distinctions fondées sur des critères tels que l'origine géographique. La référence au lycée d'origine ne saurait conduire à des discriminations et demeure utile à certains établissements qui souhaitent précisément prendre en compte les élèves des établissements inscrits dans des démarches de type « cordées de la réussite ». Il faut d'ailleurs rappeler qu'aucun cas de discrimination fondé sur l'origine géographique n'a été relevé ni par le Défenseur des droits ni par la Cour des comptes. Les données 2019 de l'affectation sur Parcoursup illustrent au surplus un accroissement des propositions d'admission et des acceptations dans des territoires identifiés comme pouvant être particulièrement concernés par des pratiques discriminatoires : en Seine-Saint-Denis, le nombre de candidats du département ayant fait des vœux a été en hausse (+ 15,3 % par rapport à 2018), tout comme le nombre des propositions d'admission reçues (+ 10,8 % par rapport à 2018), et le nombre des propositions acceptées (+ 13,8 % par rapport à 2018). À titre d'illustration, la décision du MESRI de ne faire qu'une zone en région Île-de-France a eu pour effet d'accroitre la mobilité des jeunes en Île-de-France : + 6,7 % des lycéens de l'académie de Créteil ont reçu une proposition d'admission à Paris et + 11,6 % l'ont acceptée. En second lieu, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2020-834 QPC du 3 avril 2020, l'examen des dossiers sur Parcoursup n'est pas entièrement automatisé. En cas de recours à un traitement algorithmique, celui-ci permet seulement, à partir des données quantitatives et qualitatives figurant dans les dossiers, de calculer les moyennes des notes récupérées ou attribuées aux candidats, afin d'aider la commission d'examen des vœux dans ses travaux, et non se substituer à elle. Il s'agit d'effectuer une première analyse des candidatures et d'apporter une aide à la décision qui est celle des membres de la commission d'examen des vœux puis du chef d'établissement. La loi ORE, entièrement validée par le Conseil constitutionnel, permet à ces commissions d'examen de ne pas révéler la totalité des documents, et y compris des éventuels traitements algorithmiques, qui lui servent à examiner les candidatures. Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision susmentionnée, la protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques constitue un motif d'intérêt général, qui vise à assurer l'indépendance de ces équipes pédagogiques et l'autorité de leurs décisions. Pour autant, afin de favoriser l'information des tiers, le Conseil constitutionnel a également jugé qu'il était nécessaire qu'à l'issue de la procédure nationale de préinscription et dans le respect de la vie privée des candidats, chaque établissement puisse, le cas échéant sous la forme d'un rapport, assurer la publicité des critères en fonction desquels les candidatures ont été examinées en précisant, le cas échéant, dans quelle mesure des traitements algorithmiques ont été utilisés pour procéder à cet examen. Dans le prolongement de l'esprit de la loi ORE et des initiatives prises pour renforcer la transparence de la procédure d'accès à l'enseignement supérieur, le MESRI a mis en œuvre les mesures pour accompagner l'ensemble des formations de manière à ce que ce rapport puisse être établi dès cette année par chacune des formations à l'issue de la procédure 2020. Une note de cadrage sur le « rapport public d'examen des vœux » a été établi et rendue publique. Par une décision du 15 juillet 2020, le Conseil d'État a jugé que ces rapports répondent aux exigences de transparence posées par le Conseil constitutionnel. Le Conseil d'État rappelle que la décision du Conseil constitutionnel du 3 avril 2020 n'impose pas, en revanche, la publication ou la communication aux tiers des traitements algorithmiques eux-mêmes et des codes sources correspondants. Pour conclure sur ce point, il est à noter que dans le rapport d'information sur l'évaluation de l'accès à l'enseignement supérieur du 22 juillet 2020, les rapporteurs du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale estime que « après avoir entendu les différentes parties prenantes, les rapporteurs considèrent que les avancées récentes favorisant une plus grande transparence sur le fonctionnement des CEV (décret n° 2019-231 du 26 mars 2019 sur les critères généraux et rapport ex post imposé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel d'avril 2020), permettent d'atteindre un équilibre satisfaisant. Aller plus loin et exiger la publication ex ante d'un barème constitué de l'intégralité des critères d'examen des candidatures, détaillés et pondérés, risquerait de conduire à un traitement totalement informatisé des dossiers, ce qui doit être absolument évité ». En dernier lieu, s'agissant de la performance de la plateforme Parcoursup, il est inexact d'avancer que'elle serait égale sinon en retrait par rapport à APB. Dans un contexte d'augmentation de 10 % du nombre de candidats, entre 2017 et 2019, le nombre de candidats acceptant une proposition d'admission est passé de 556 545 à 606 864, soit + 9 %. Plus de 9 lycéens sur 10 ont trouvé une formation (91,2 % des lycéens) dont une grande majorité avant le baccalauréat : au 19 juillet 2019, 89 % des candidats avaient reçu une ou plusieurs propositions contre 83 % en 2018 à la même période. Plus de lycéens acceptent des propositions et plus rapidement : 44 790 candidats en plus ont reçu une ou plusieurs propositions d'admission, soit + 6,1 % par rapport à 2018 (23 590 candidats) et ils sont plus nombreux à en avoir accepté une soit + 4 % par rapport à 2018. Avec Parcoursup, le service apporté aux lycéens prévoit expressément, dans toutes les académies, un accompagnement des lycéens sans proposition d'admission. En 2018 et 2019, chacun des lycéens qui le souhaitait a été accompagné pour trouver une proposition et en 2019, seuls 1 175 d'entre eux n'ont pas trouvé de solution à la rentrée. Ils étaient plus de 3 000 en 2017 sans compter ceux qui ayant accepté une proposition de manière un peu contrainte via APB finissaient par ne jamais s'inscrire et par renoncer à leur projet d'études supérieures. On pourra d'ailleurs relever que dans son rapport 2019, publié en juillet 2020, la médiatrice de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur indique que « tous les services en ligne de nos ministères pourraient s'inspirer du design de la plateforme d'orientation Parcoursup ». La médiatrice constate que « depuis la publication de la loi ORE en 2018, ayant conduit au remplacement de la plateforme APB par la plateforme Parcoursup, le nombre de saisines du médiateur relatives aux admissions post-bac est en baisse et revient au niveau des années 2015 et 2016 ». Elle indique également qu'il est passé « de plus de 300 saisines en 2017 à 150 saisines en 2019 », Parcoursup représentant 19 % des saisines de la médiatrice en 2019 tous sujets confondus. « Ce constat est corroboré par la direction des affaires juridiques qui constatait, dès 2018, une diminution sensible de la part des recours contentieux relatifs à l'inscription en première année universitaire », ajoute la médiatrice pour qui « l'adaptabilité de la plateforme Parcoursup et la réactivité des équipes ont très certainement joué un rôle important dans cette évolution ».

Données clés

Auteur : M. Fabrice Brun

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enseignement supérieur

Ministère interrogé : Enseignement supérieur, recherche et innovation

Ministère répondant : Enseignement supérieur, recherche et innovation

Dates :
Question publiée le 14 juillet 2020
Réponse publiée le 13 octobre 2020

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