Question de : Mme Muriel Ressiguier
Hérault (2e circonscription) - La France insoumise

Mme Muriel Ressiguier alerte Mme la ministre de la culture sur la situation de la presse papier. Depuis plusieurs années, malgré une augmentation du nombre de lecteurs, la presse papier voit son nombre de vente baisser, au profit de la version numérique. Ainsi, entre 2017 et 2018 elle a reculé de 5,9 % quand le numérique bondissait de 25,9 %. Pendant le confinement, la presse papier a souffert d'une très forte baisse des ventes et ses revenus liés à la vente des espaces publicitaires se sont effondrés. Les annonceurs privilégient depuis plusieurs années les supports numériques pour leurs publicités, entraînant une forte diminution des recettes autrefois destinées à la presse papier. Ainsi, Presstalis, anciennement « nouvelles messageries de la presse parisiennes/NMPP », premier distributeur de la presse française, qui assure 75 % de la distribution, a été très durement impacté par la crise sanitaire. Déjà fragilisé depuis plusieurs années, son chiffre d'affaire avait baissé de 23,3 % en 2018, le groupe risque aujourd'hui de disparaître. Placé en redressement judiciaire le 15 mai 2020, ce sont 900 salariés du groupe qui sont concernés. Ainsi, 130 salariés de Presstalis et 515 salariés de ses filiales SAD et SOPROCOM mises en liquidation sans poursuite d'activité, vont perdre leur emploi. Des propositions de reprises ont pourtant été avancées, dont un plan présenté en accord avec les 3 syndicats FO/CGT/CGC et la direction. La CGT a également proposé de redistribuer les régies pour que les zones de distribution des ex-filiales de Presstalis soient confiées aux salariés licenciés pour qu'ils s'organisent en coopératives. En 2013, Mme la députée Buffet a déposé une proposition de loi visant au redressement du secteur de la presse et de sa distribution, au service du pluralisme et de l'intérêt général, dans laquelle elle proposait déjà la constitution d'une coopérative unique des messageries de distribution de la presse, qui renforce le principe coopératif issu de la loi Bichet. Sur le plan financier, la proposition de loi proposait la réaffectation des aides à la distribution et à la diffusion de la presse au service de l'intérêt général et l'établissement d'une taxe sur la publicité en ligne au service d'un financement de la presse pluraliste et citoyenne. L'État doit également agir, des solutions pérennes doivent être trouvées, notamment en préservant la loi bichet qui garantit le respect du pluralisme des idées en permettant à tout éditeur d'être diffusé partout sur le territoire. Maintes fois menacée d'abrogation depuis, elle est affaiblie en 2019 par la loi de « Modernisation de la distribution de la presse » qui organise l'ouverture du marché et la mise en concurrence des coopératives de distribution de presse en 2023. Lors de son audition en commission des affaires culturelles et de l'éducation le 10 juin 2020, le président-directeur de Presstalis a pointé du doigt cette concurrence, qui, selon lui, a contribué grandement à accroître les difficultés du groupe. Le tribunal de commerce de Paris a validé le plan de reprise de Presstalis déposé par la Coopérative de distribution des quotidiens le 1er juillet 2020 et a autorisé la création de la nouvelle structure, « France Messagerie », qui remplace désormais Presstalis. Mais celle-ci ne garde qu'une petite partie des salariés et n'emploiera plus que 269 personnes, contre un peu plus de 900 avant sa mise en redressement judiciaire. Récemment dans une tribune parue dans « Libération », le Syndicat national des journalistes alertait également sur la situation de la presse écrite : « Alors que le Gouvernement travaille sur de nouvelles pistes de soutien aux médias, le Syndicat national des journalistes (SNJ), première organisation de la profession, considère que les aides à la presse doivent être conditionnées à des exigences sociales et éthiques, et que cet argent public doit servir à renforcer l'indépendance et le pluralisme des médias, en vertu de l'article 34 de la Constitution française (...). Il est grand temps de sortir le secteur de l'information des logiques purement comptables et financières qui le mènent à sa perte ». C'est pourquoi elle lui demande quel rôle l'État envisage de jouer pour sauvegarder les emplois et assurer la diffusion pérenne et viable de tous les titres sur l'ensemble du territoire.

Réponse publiée le 10 août 2021

Jusqu'à sa liquidation judiciaire, la société Presstalis a mené des restructurations qui ont conduit à la réduction progressive de la taille de l'entreprise, puisque le nombre de ses salariés est passé de 2 500 en 2012 à 1 200 en 2017 et à 900 début 2020. Malgré cela, le résultat de Presstalis s'est fortement dégradé, principalement sous l'effet d'une baisse continue du marché. En parallèle, la crise de la Covid-19 a encore aggravé sa situation financière, entraînant une baisse des publications et des fermetures de diffuseurs. En 2020, face à une impasse de trésorerie et à l'impossibilité de mener à bien une restructuration lourde dans un cadre in bonis, des discussions, menées sous l'égide des ministères de l'économie, des finances et de la relance et de la culture, ont eu lieu sur la poursuite de l'activité. Tout au long de ces négociations, l'État s'est attaché à ce qu'un plan de reprise acceptable socialement et viable économiquement puisse voir le jour. En effet, compte-tenu du risque systémique que faisait peser une liquidation sans poursuite d'activité sur la filière, l'État a décidé d'apporter son soutien dans le cadre d'un financement pré-reprise de la structure, en plus de son soutien annuel de 27 M€. L'ouverture d'une procédure collective, initialement prévue le 26 mars 2020, au moment de l'impasse de trésorerie, a été reportée au 12 mai 2020 afin de permettre aux éditeurs de finaliser leurs discussions et de mener les négociations avec les organisations syndicales. L'État a accepté de financer cette période intercalaire en prenant en charge le paiement des échéances courantes de la société (17 M€) entre le 12 et le 24 avril. Le 12 mai 2020, afin de soutenir la trésorerie de la société et pour lui permettre de financer la période d'observation, l'État a octroyé à Presstalis un prêt via le fonds de développement économique et social, pour un montant de 35 M€ supplémentaires. Enfin, au regard de l'impasse de trésorerie dans laquelle se trouvait la société au mois d'avril, il a pris en charge le paiement des chèques de qualification dus aux diffuseurs de presse au titre du second semestre 2019, pour un montant de 16,2 M€. Ce soutien de l'État a permis de garantir la continuité de la distribution de la presse quotidienne nationale, élément essentiel de la presse d'information politique et générale. En juillet 2020, la coopérative des quotidiens a déposé une offre de reprise des actifs du niveau 1 de Presstalis ainsi que du niveau 2 pour Paris, permettant ainsi la création d'une nouvelle société, chargée d'assurer la distribution de la presse quotidienne nationale : France Messagerie. Cette offre, homologuée par le tribunal de commerce de Paris, a été accompagnée dans ses besoins de financement par l'État. Le Gouvernement s'est en effet engagé dans le financement à hauteur de 80 M€, en accordant à France Messagerie, d'une part, un prêt de 12 M€, et d'autre part, 68 M€ de subventions. Cet engagement, indispensable pour garantir les principes inscrits dans la loi Bichet, a donc permis à France Messagerie, une société aux coûts rationalisés et plus transparente dans ses tarifs, d'assurer la continuité de la distribution de la presse, sous le contrôle de l'Autorité de régulation des consommations électroniques, des postes et de la distribution de la presse, nouvel organe de régulation chargé d'assurer le contrôle de ce secteur. L'engagement a été complété par la prise en charge par l'État de 11,5 M€ correspondant aux chèques de qualification dus aux diffuseurs de presse au titre du premier semestre 2020. Les SAD et Soprocom, filiales de l'ancienne messagerie en charge de la distribution du niveau 2, ne faisaient pas partie de l'offre de reprise des éditeurs. Elles ont donc été liquidées le 15 mai 2020, entraînant le licenciement de 512 salariés. France Messagerie s'est depuis engagée dans un processus de réorganisation du niveau 2 afin de réduire ses coûts d'exploitation, en s'appuyant notamment sur des partenaires indépendants pour assurer la gestion des dépôts en régie et garantir la continuité de la distribution. Parallèlement au soutien de la messagerie, une aide exceptionnelle au bénéfice de certains diffuseurs de presse, dotée de 19 M€, a été adoptée par le Parlement en loi de finances rectificative au mois de juillet 2020 (LFR 3). Cette subvention, instituée par le décret n° 2020-1056 du 14 août 2020, est ouverte aux 10 500 diffuseurs spécialistes. Cette aide est bonifiée pour les marchands rattachés au niveau 2 de Presstalis et spécifiquement pour ceux de Lyon et Marseille, qui ont connu une interruption de la distribution de la presse. En outre, le décret n° 2020-1384 du 13 novembre 2020 a institué une aide exceptionnelle au bénéfice de certains éditeurs de presse. Cette aide, dotée d'une enveloppe de 8 M€ par la LFR 3, a permis de verser une subvention à certains titres d'information politique et générale qui étaient distribués par Presstalis et qui ont été particulièrement fragilisés par sa disparition. Enfin, dans le cadre du volet relance du plan de filière presse, les crédits de l'aide à la modernisation des diffuseurs, qui vise à soutenir les investissements de ces acteurs essentiels à la vie démocratique du pays, ont été doublés en 2021 et en 2022, passant de 6 à 12 M€ par an. La mise en œuvre de cette réforme permet ainsi de relever les taux de soutien jusqu'à 80 % pour certaines dépenses, de doubler les plafonds des aides et d'élargir les dépenses éligibles.

Données clés

Auteur : Mme Muriel Ressiguier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Presse et livres

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 14 juillet 2020
Réponse publiée le 10 août 2021

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