15ème législature

Question N° 311
de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas (La République en Marche - Tarn )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > L'utilisation des produits phytosanitaires

Question publiée au JO le : 08/05/2018
Réponse publiée au JO le : 16/05/2018 page : 3768

Texte de la question

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'utilisation des produits phytosanitaires. Force est de constater que les viticulteurs sont conscients de la nécessité de diminuer les produits phytosanitaires. La prise de conscience est là. Dans son département du Tarn, plus particulièrement dans sa circonscription à Gaillac, ils sont précurseurs : depuis 10 ans un groupe nommé « ECOPHYTO », composé d'une dizaine de vignerons, travaille activement à ce sujet. Les analyses et les statistiques, fortes d'un recul suffisant et que l'on peut donc prendre particulièrement en considération, montrent bien que la diminution des indices de fréquence de traitement (IFT) est possible. Pour preuve, en 2016, la moyenne d'IFT du groupe ECOPHYTO évoqué est inférieure à 32 % par rapport au reste du vignoble. Il est donc possible de collectivement réussir. Cependant, tout n'est pas réglé, loin de là et ce malgré les avancées. À l'occasion d'une récente réunion avec ce groupe de travail, Mme la députée a pu mieux appréhender les difficultés qu'ils restent à franchir pour parvenir à l'objectif ambitieux d'arrêter l'utilisation du glyphosate d'ici 3 ans. Des moyens financiers et humains seront plus que nécessaires pour atteindre cet objectif, la difficulté aujourd'hui concerne notamment le désherbage sous le rang. En tout état de cause, il faudrait commencer par faire en sorte que ceux qui pratiquent encore un désherbage total de la surface, réduisent la dose de pulvérisation à ce qui peut déjà se pratiquer à savoir le recours à 1,5 litres par hectare. Aussi, elle lui demande de préciser quelles seront les incitations voire les mesures contraignantes qui seront prises afin d'y parvenir.

Texte de la réponse

PRODUITS PHYTOSANITAIRES


M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, pour exposer sa question, n°  311, relative aux produits phytosanitaires.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, force est de constater que les viticulteurs sont conscients de la nécessité de réduire l'utilisation des produits phytosanitaires. Dans mon département du Tarn, en particulier à Gaillac, ils sont précurseurs. Depuis dix ans déjà, un groupe « écophyto » travaille activement à ce sujet : il est composé d'une dizaine de vignerons indépendants ou coopérateurs, en bio ou en agriculture raisonnée, et est animé par un conseiller de la chambre d'agriculture. Leurs travaux montrent bien que la diminution des indices de fréquence de traitement – IFT – est possible. Pour preuve, en 2016, la moyenne d'IFT du groupe était inférieure de 32 % à celle du reste du vignoble. Ils visent encore des objectifs de baisse pour les cinq années à venir.

Cependant, malgré les avancées, tout n'est pas réglé, loin de là. À l'occasion d'une récente réunion avec ce groupe de travail, j'ai pu appréhender les difficultés qu'il reste à franchir pour parvenir à l'objectif ambitieux de l'arrêt de l'utilisation du glyphosate d'ici trois ans. Cet objectif doit être impérativement atteint, sans laisser un seul agriculteur au bord de la route. Des moyens financiers et humains seront plus que nécessaires pour y parvenir.

La difficulté à laquelle se heurtent les viticulteurs concerne notamment le désherbage sous le rang. Monsieur le ministre, il faudrait commencer par s'assurer que ceux qui pratiquent encore un désherbage total de la surface réduisent la dose de pulvérisation à ce qui peut déjà se pratiquer, à savoir un, voire un litre et demi par hectare. Il y a des solutions, mais c'est surtout le rapport entre le temps de travail et la rentabilité, l'efficacité et l'impact sur l'environnement qu'il faut prendre en compte. La quantité de carbone émise par un tracteur est-elle plus nocive que l'impact du glyphosate ? Non, bien sûr. Mais qu'en est-il sur le long terme, sachant que le passage avec un pulvérisateur confiné réduit la couverture de la surface traitée, ce qui induit plus d'émission de carbone ? Il faut donc faire attention aux alternatives proposées.

Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles incitations, voire quelles mesures contraignantes seront prises afin d'y parvenir ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la députée, vous m'interrogez sur la réduction de l'utilisation du glyphosate en vigne, à partir de l'exemple que vous avez observé sur le terrain, à Gaillac, dans un réseau de fermes Dephy. Connaissant bien ces sujets, vous savez que beaucoup d'efforts ont déjà été entrepris par les viticulteurs pour réduire, voire supprimer l'usage des herbicides. Entre 2006 et 2013, les parcelles désherbées exclusivement de manière mécanique sont en effet passées de 10 à 18 %. En 2013 toujours, 55 % des surfaces étaient enherbées sur l'inter-rang, alors que cette pratique était largement minoritaire au début des années 2000.

Le désherbage mécanique est possible et se développe mais sa généralisation, vous le savez, est freinée par deux obstacles : d'une part le surcoût qu'il génère puisqu'il impose plusieurs passages, qui peut s'élever à plusieurs centaines d'euros par hectare, et d'autre part la possibilité technique, physique même, de passer les engins dans des conditions sûres pour les opérateurs – je pense notamment aux vignes à fortes pentes, pour lesquelles le rapport de l'INRA, publié fin 2017, montre l'absence de solution. Nous y travaillons dans le cadre du projet de loi EGA – états généraux de l'alimentation – dont nous débattrons la semaine prochaine.

Sous l'impulsion du ministère de l'agriculture, dans le cadre du réseau Dephy auquel adhère le collectif d'agriculteurs que vous avez mentionné, des expérimentations sont réalisées pour supprimer le désherbage chimique sur le rang, notamment en testant des espèces de couverture non ou peu concurrentielles.

Afin de sortir d'ici trois ans, conformément au souhait du Président de la République, de la dépendance d'une partie de l'agriculture française au glyphosate, la recherche d'alternatives et leur mise à disposition est une priorité du plan d'action gouvernemental publié le 25 avril dernier. Cela passera par l'établissement d'une feuille de route qui identifie des priorités spécifiques de recherche et développement ; une priorisation des actions financées par le plan Ecophyto et le CASDAR – compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural » – sur cette thématique ; une capitalisation et une diffusion accrue des solutions identifiées et contextualisées ; et un meilleur ciblage des aides publiques, notamment à destination des matériels de substitution – dont le désherbage mécanique fait partie – dans le cadre du grand plan d'investissement.

Tels sont, madame la députée, les éléments que je pouvais vous apporter en réponse à votre interrogation parfaitement légitime.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Merci, monsieur le ministre. Je ne doute pas de toutes les actions qui sont menées pour atteindre cet objectif, que je soutiens et défends sur mon territoire. Les viticulteurs sont tout aussi conscients de cette nécessité et sont favorables à cette évolution. Toutefois, pour revenir à ceux qui continuent à utiliser de manière abusive les produits phytosanitaires, ne peut-on envisager, avant les échéances que vous avez indiquées, une réglementation qui permettrait au moins de limiter ces substances à un litre ou à un litre et demi par hectare ? C'est la demande des viticulteurs qui accomplissent des efforts, alors que d'autres n'en font pas du tout, ce qui ne permet pas d'avancer. Une réduction de l'usage de ces produits, avant d'arriver à leur disparition, pourrait être une manière de montrer que le ministre salue les efforts des viticulteurs qui, aujourd'hui, se mettent déjà dans le rang.