Annexion de la valée du Jourdain
Question de :
Mme Laurence Dumont
Calvados (2e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 1er juillet 2020
ANNEXION DE LA VALLÉE DU JOURDAIN
M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence Dumont. Monsieur le Premier ministre, Benyamin Netanyahou et Benny Gantz ont signé le 20 avril un accord de gouvernement d'urgence nationale. Celui-ci prévoit l'annexion de la vallée du Jourdain, le grenier à blé de la Cisjordanie, qui représente 30 % des territoires palestiniens.
Cette décision prise avec l'aval de l'administration américaine est inacceptable, dangereuse et illégale. Elle nie le droit international et bafoue les droits des Palestiniens. À son annonce, des intellectuels, des associations, des citoyens du monde entier ont exprimé leur révolte. La communauté internationale, moins les États-Unis, dénonce cette négation de l'État de Palestine et évoque les risques qu'elle fait courir à la paix dans la région. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a eu des mots forts, ainsi que notre représentant à l'Organisation des Nations unies. Le secrétaire général de l'ONU, la Ligue arabe, mais aussi de nombreux pays européens et l'Union européenne elle-même, se sont élevés contre ce plan et menacent Israël de mesures en retour. Mais les mots ne suffisent plus : il faut des actes.
Nous avons été 120 parlementaires de toutes sensibilités à signer un courrier au Président de la République, demandant une réponse forte de la France et de l'Europe. Nous y appelons à des sanctions immédiates en cas d'annexion…
M. Fabien Roussel. Bravo !
Mme Laurence Dumont. …et à la reconnaissance conjointe de l'État de Palestine par les vingt-sept membres de l'Union européenne. À défaut, la France doit pouvoir le reconnaître de manière unilatérale.
M. Fabien Roussel. Tout à fait !
Mme Laurence Dumont. Concrètement, par quelles actions la France et l'Europe comptent-elles empêcher, dès demain, l'exécution du plan Gantz-Netanyahou-Trump et sauver la solution à deux États, c'est-à-dire l'État de Palestine ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Meyer Habib. Trop tard ! C'est plié !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État chargée des affaires européennes. Le 17 mai, le parlement israélien a investi un nouveau gouvernement, dirigé par Benyamin Netanyahou puis par Benny Gantz à partir de 2021. Nous entendons travailler avec ce gouvernement dans un esprit d'amitié et de coopération, comme cela a toujours été le cas. Nous sommes engagés aux côtés d'Israël en matière de sécurité régionale, ainsi que dans tous les domaines qui font la richesse de nos relations.
Néanmoins, nous sommes très attentifs aux décisions israéliennes concernant les territoires palestiniens. Vous l'avez dit, l'accord de coalition autorise, à compter de demain, l'annexion d'une partie de la Cisjordanie.
M. Meyer Habib. La Judée, ce n'est pas palestinien !
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État . Or, depuis son investiture, le Premier ministre Netanyahou n'a cessé d'affirmer sa détermination à s'engager dans cette voie au plus vite.
M. Meyer Habib. Il va le faire demain ! (Sourires.)
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État . Je le redis ici solennellement, au nom du Gouvernement et du Président de la République : quel que soit son périmètre, cette décision constitue une violation grave du droit international. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes LaREM, MODEM et SOC.) Sa mise à exécution contribuerait à attiser les tensions et compromettrait gravement la solution à deux États, la seule qui puisse garantir une paix et une stabilité durables dans la région. Elle irait donc à l'encontre de l'intérêt des Israéliens comme de celui des Palestiniens.
M. Meyer Habib. Cela fait trente ans que la solution à deux États échoue !
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État . La priorité de la France, en lien avec nos partenaires européens et arabes, est bien sûr d'éviter qu'une telle situation se produise. Nous mobilisons les membres de l'Union européenne, nous appelons le gouvernement israélien à s'abstenir de toute mesure unilatérale, en particulier d'une annexion. Notre message est clair : nous pourrions faire beaucoup avec Israël si nous coopérions, mais nous ne reconnaîtrons aucune modification des frontières établies en juin 1967 qui ne serait pas agréée par les deux parties. Compte tenu de sa gravité, une décision d'annexion ne pourrait rester sans réponse. (Mme Nadia Essayan applaudit.)
M. Meyer Habib. Concrètement, qu'est-ce que cela veut dire ?
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État . Jean-Yves Le Drian l'a dit : « Si les Israéliens décidaient d’aller de l’avant dans le processus d’annexion, nous serions contraints d’y opposer des mesures affectant les relations de l’Union européenne et de ses États membres avec Israël ». Notre position est connue : le droit international pour cadre, pour méthode la négociation, pour objectif deux États viables dans la paix et la sécurité, au sein de frontières sûres et reconnues, celles de 1967, ayant l'un et l'autre Jérusalem pour capitale. Tels sont les principes que nous observons avec vigilance, avec détermination, en amis des Israéliens et des Palestiniens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe MODEM.)
Auteur : Mme Laurence Dumont
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Affaires européennes
Ministère répondant : Affaires européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er juillet 2020