15ème législature

Question N° 31784
de M. Christophe Blanchet (La République en Marche - Calvados )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > étrangers

Titre > Position du Gouvernement sur la loi du 31 décembre 2012

Question publiée au JO le : 11/08/2020 page : 5380
Réponse publiée au JO le : 06/04/2021 page : 3064
Date de changement d'attribution: 09/02/2021
Date de renouvellement: 12/01/2021

Texte de la question

M. Christophe Blanchet interroge M. le ministre de l'intérieur quant à la loi du 31 décembre 2012 supprimant les dispositions de la rédaction antérieure qui spécifiait en son article L. 621-1 du Ceseda que tout étranger qui séjournait en France sans respecter les conditions légales fixées par la loi, ou qui s'était maintenu sur le territoire français au-delà de la durée autorisée par son visa, pouvait encourir une peine d'emprisonnement d'un an et une amende de 3 750 euros. Il lui demande si le Gouvernement entend maintenir dans la légalité les personnes en situation irrégulière sur le territoire français, s'il entend revenir à la rédaction antérieure à la présente loi du 31 décembre 2012 ou si d'autres réflexions sont actuellement menées sur le sujet.

Texte de la réponse

En abrogeant l'article L. 621-1a du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées a supprimé le délit de séjour irrégulier qui coexistait avec la procédure administrative de retour sans ordonnancement de mise en œuvre.  Cette dépénalisation a constitué une réponse aux obligations de conformité à la directive européenne n° 2008/115/CE, dite directive retour, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans les arrêts EL Dridi du 26 avril 2011 et Achughbabian du 6 décembre 2011, selon des principes par ailleurs rappelés dans l'ordre interne, par la Cour de cassation. La dépénalisation opérée par la loi est clairement circonscrite : l'interprétation faite par la CJUE ne pose pas un principe de prohibition de la loi pénale. Elle dégage strictement l'exigence de priorité d'application de la procédure de retour et s'oppose à l'infliction d'une peine telle que l'emprisonnement qui aurait pour effet d'entraver le prononcé d'une décision de retour qui n'a pas encore été appliquée ou de retarder la mise en œuvre d'une procédure de retour engagée. Dans ces situations, la sanction pénale d'emprisonnement entravant de facto l'effectivité de l'éloignement affecte l'effet utile de la directive. Ainsi, si les limites posées à la pénalisation résultant de nos obligations européennes s'opposent à un retour au texte antérieur à la loi de 2012, elles ne se traduisent nullement dans la législation en vigueur par le « maintien dans la légalité » des étrangers qui ne respectent pas les obligations qui leur incombent en matière d'entrée et de séjour sur le territoire français. Elles ne font que refléter simplement les principes de priorité d'application des procédures de retour et de diligences dans leur mise en œuvre sur le recours à la loi pénale. La loi en vigueur tire les conséquences de cette interprétation nuancée et ouvre en l'occurrence d'importantes possibilités d'application de la loi pénale dans le CESEDA. En conformité avec le code frontières Schengen, l'article L. 621-2 du CESEDA sanctionne aussi (un an d'emprisonnement et 3 750 € d'amende) les ressortissants de pays tiers qui ont méconnu les règles relatives au franchissement de la frontière extérieure. Ces dispositions peuvent être mises en œuvre chaque fois qu'est constatée une telle méconnaissance de ces règles et notamment, en cas de prononcé d'une décision de refus d'entrée. La peine principale peut être assortie, dans ces cas, d'une peine d'interdiction du territoire qui, de trois ans au plus, emporte de plein droit reconduite du condamné à la frontière. La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a par ailleurs significativement renforcé le cadre pénal applicable en cas de refus de coopérer ou d'obstruction à l'exécution des mesures d'éloignement. La sanction prévue par l'article L. 611-3 du CESEDA du refus d'un étranger de se soumettre au relevé d'empreintes (un an d'emprisonnement et 3 750 € d'amende) peut être assortie d'une interdiction du territoire français de trois ans, renforçant l'effet dissuasif sur des comportements constitutifs de l'un des obstacles récurrents au prononcé de décisions de retour. Les articles L. 624-1 et L. 624-1-1 permettent de sanctionner efficacement (par trois ans d'emprisonnement) la méconnaissance des décisions d'éloignement ou les comportements d'obstruction. Ces peines sont applicables lorsque l'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement s'est maintenu sur le territoire français après avoir été placé sous assignation à résidence ou en rétention. Elles sont également applicables lorsque l'étranger a tenté de se soustraire ou s'est soustrait à une mesure de surveillance ainsi qu'à la mise en œuvre d'une décision de refus d'entrée ou d'éloignement, à une mesure de placement en zone d'attente ou en rétention administrative ou lorsqu'effectivement éloigné, l'étranger a de nouveau pénétré sur le territoire français. Dans tous ces cas, le juge pénal peut assortir la sanction d'une peine d'interdiction du territoire d'une durée n'excédant pas trois ans. Depuis l'intervention de la loi du 10 septembre 2018 précitée, l'article L. 624-3 permet de recourir aux mêmes sanctions lorsqu'un ressortissant étranger faisant l'objet d'un arrêté de transfert « Dublin » s'est soustrait ou a tenté de se soustraire à l'exécution de ce dernier, la peine complémentaire d'interdiction du territoire étant également applicable. Le Gouvernement défend fermement dans le cadre européen, en lien avec le domaine du retour, le caractère très nuancé de l'interprétation qui en est faite par la CJUE, ainsi que l'effet utile du recours à la pénalisation dans certaines circonstances. C'est cette approche qui a notamment été défendue dans le cadre des travaux engagés relatifs à l'éventuelle refonte de la directive retour. Quelles que soient les formes que pourront revêtir l'évolution des normes européennes sur le retour, le Gouvernement attachera de l'importance à ce que le droit européen soit plus précis et plus ouvert sur les possibilités de pénalisation, relais utiles de l'action administrative.