15ème législature

Question N° 31868
de M. Lionel Causse (La République en Marche - Landes )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > commerce extérieur

Titre > Rejet du CETA par le Parlement chypriote

Question publiée au JO le : 18/08/2020 page : 5536
Réponse publiée au JO le : 29/06/2021 page : 5199
Date de signalement: 20/10/2020

Texte de la question

M. Lionel Causse interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et ses États membres d'une part, et le Canada, d'autre part, et son accord de partenariat stratégique qui ont été présenté en conseil des ministres le 3 juillet 2019. Le projet de loi a été adopté par l'Assemblée nationale le 23 juillet 2019 dans le cadre d'une procédure accélérée. La nature du texte a suscité des débats de fond au sein du Parlement et l'analyse du scrutin révèle l'absence de consensus autour de cet accord qui s'avère pourtant majeur pour la politique économique et commerciale française. Cet accord s'applique de manière provisoire depuis 3 ans dans l'attente de la ratification par les États membres. Or, le Parlement chypriote a rejeté la ratification du CETA ce vendredi 31 juillet 2020. L'une des raisons expliquant ce vote se trouve dans la volonté de Chypre de protéger ses produits locaux tels que le fromage halloumi. L'absence de consensus en France et le vote chypriote révèle la nécessité d'élaborer une politique commerciale et alimentaire plus protectrice que ce que propose le CETA. Ce rejet a un impact immédiat sur l'ensemble des États européens : la déclaration n° 20 du Conseil de l'Union européenne, adoptée en parallèle de l'adoption de la décision par le même Conseil de signer le CETA, précise que si un État membre de l'Union rejette le CETA et que l'État membre en question le notifie au Conseil, « l'application provisoire devra être et sera dénoncée ». Ainsi, il interpelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la nécessité de définir rapidement une nouvelle politique commerciale et l'interroge sur les modalités d'application de cette déclaration du Conseil de l'Union européenne en France, pays qui applique cet accord de manière provisoire depuis plusieurs années.

Texte de la réponse

La France et l'Union européenne (UE) soutiennent le développement d'échanges internationaux justes et durables, tout en se dotant d'instruments robustes pour assurer les conditions d'une concurrence équitable avec les pays tiers. La communication de la Commission européenne du 18 février dernier sur le réexamen de la politique commerciale européenne met l'accent sur ces sujets, que la France a particulièrement portés au cours des consultations menées en amont de la publication de cette communication. L'accord économique et commercial global (AECG ou CETA en anglais) est un accord de compétence mixte comportant à la fois des stipulations relevant de la compétence de l'UE (90 % de l'accord) et des stipulations relevant de la compétence des États membres. Après l'approbation du CETA par le Parlement européen en séance plénière et l'adoption par le Conseil, les stipulations relevant de la compétence de l'UE ont pu entrer provisoirement en vigueur, conformément au Traité sur le fonctionnement de l'UE. Cette procédure a été jugée conforme à notre Constitution par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 31 juillet 2017. Cette entrée en vigueur provisoire s'est avérée bénéfique, puisqu'elle permet à nos entreprises de bénéficier dès à présent des opportunités offertes par le CETA. Trois ans après l'entrée en vigueur provisoire du CETA, son premier bilan est aujourd'hui très positif. Sur le plan économique, entre 2016 et 2019, nos échanges de biens avec le Canada ont augmenté de près d'un milliard d'euros, avec une hausse de 24% de nos exportations, et une balance commerciale positive pour la France d'un montant record de près de 650 millions d'euros en 2019. Notre premier poste d'exportations, le secteur agricole, bénéficie, grâce au CETA, d'importantes baisses de droits de douanes canadiens et de la protection de certaines de nos indications géographiques. Nos exportations dans ce domaine se sont élevées à 770 millions d'euros l'année dernière, en légère progression par rapport à 2019, malgré la crise sanitaire. À titre d'exemple, nos exportations de vins s'élevaient l'année dernière à 391 millions d'euros, soit une hausse de +18% par rapport à 2016. Nos exportations de fromages s'élevaient, quant à elles, à 62 millions d'euros, soit une hausse de plus de 77 % comparé aux exportations de 2016. Le Gouvernement s'est également engagé à suivre précisément l'impact de l'accord sur nos filières agricoles sensibles, à savoir celles des viandes de bœuf, de porc et de volaille, ainsi que de l'éthanol et du sucre. Un dispositif de suivi spécifique a été mis en place sous la forme d'un comité interministériel de suivi de l'impact du CETA sur les filières agricoles sensibles, qui publie de manière régulière des rapports de suivi. Le dernier rapport du comité de suivi, publié en septembre 2020, note que les flux d'importations françaises en provenance du Canada pour ces produits agricoles sont très limités, voire nuls, et que le CETA n'a donc pas eu d'effet sur ces filières, à ce stade. Pour la viande de bœuf par exemple, le dernier rapport montre que les importations en France en 2019 ont totalisé 104 tonnes, dont seulement 45 profitant des réductions tarifaires du CETA. C'est un chiffre extrêmement faible par rapport à la production française (1,45 million de tonnes) et par rapport à nos importations totales (0,03% des 369 000 tonnes importées en 2019). Cela est notamment dû au fait que ne sont acceptées sur le marché européen que les viandes répondant strictement aux normes européennes, par exemple s'agissant de l'usage d'hormones, qui est interdit par la réglementation agricole européenne. Nous restons malgré tout vigilants, et un 4e rapport est en cours de préparation, avec les chiffres de 2020. Les préoccupations sanitaires sont au centre de l'attention de la France qui reste pleinement mobilisée. Le CETA ne remet aucunement en cause le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit être conforme à ses normes et standards à l'importation. C'est le cas, notamment, en ce qui concerne l'interdiction de l'usage de facteurs de croissance pour la production de viande. La France est, par ailleurs, très attentive à la qualité des systèmes de contrôle canadien et européen. Si le dernier audit de contrôle de la Commission européenne, réalisé au Canada en 2019, a mis en avant des marges de progression dans le système canadien de traçabilité de la viande bovine, il est important de préciser que les problématiques soulevées par l'audit n'ont à ce stade pas donné lieu à une violation de nos standards sanitaires à l'importation. Aucune non-conformité majeure n'a été relevée pour les importations européennes en provenance du Canada au cours des années passées, par ailleurs très faibles, y compris depuis l'entrée en vigueur provisoire de l'accord. En réaction au résultat de cet audit, les autorités canadiennes ont immédiatement indiqué avoir pris ou être sur le point de prendre des mesures correctives. Depuis, un travail technique a lieu entre la Commission européenne et le Canada pour assurer que le plan de mise en conformité canadien est effectivement conforme aux exigences européennes, et qu'il est correctement mis en œuvre. La France suit avec une très grande attention ce dossier. Le ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, et le ministre de l'agriculture ont fait part à la Commission européenne de leur vigilance et de leurs attentes sur ce dossier et ont notamment demandé la réalisation prochaine d'un nouvel audit. La France est à la pointe du combat pour une meilleure prise en compte du développement durable et pour davantage de réciprocité dans la politique commerciale de l'UE. Le CETA bénéficie aujourd'hui à nos entreprises, à nos exportateurs, et à nos consommateurs : il n'a pas d'impact négatif tant sur le plan sanitaire que sur celui de l'environnement. Dans la perspective de la Présidence française de l'Union européenne, un accent particulier sera mis sur la durabilité des échanges (initiative de lutte contre la déforestation importée, mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, législation sur le devoir de vigilance notamment), ainsi que sur la lutte contre les pratiques déloyales et abusives (instruments de lutte contre les pratiques coercitives et contre les effets des subventions étrangères, instrument de réciprocité dans les marchés publics notamment). L'objectif de la France est de mettre la politique commerciale au service d'une Europe plus forte dans le monde et d'un multilatéralisme fondé sur des règles pour relever le défi visant à encourager des échanges internationaux plus durables et plus équitables. La France restera engagée sur ces sujets essentiels.