Question au Gouvernement n° 3187 :
Politique du Gouvernement pour l'outre-mer

15e Législature

Question de : M. Moetai Brotherson
Polynésie Française (3e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

Question posée en séance, et publiée le 9 juillet 2020


POLITIQUE DU GOUVERNEMENT POUR L'OUTRE-MER

M. le président. La parole est à M. Moetai Brotherson.

M. Moetai Brotherson. On peut être dans l'opposition et souhaiter malgré tout la bienvenue et bon courage au nouveau Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

« Rien ne sera plus jamais comme avant » : on l'a entendu, ce slogan, au niveau local comme au niveau national. Avant la crise du covid-19, 15 % des Polynésiens étaient considérés comme chômeurs, soit 16 200 personnes, auxquelles l'honnêteté intellectuelle commande d'ajouter les 23 200 individus que les statistiques ne classent pas, étonnamment, comme étant en recherche d'emploi. La réalité pré-covid était donc déjà supérieure à 40 % de sans-emploi.

Avec la fermeture des frontières et l'arrêt des dessertes aériennes régulières, sur décision de l'État mais aussi des principales sources de touristes comme les États-Unis, 22 % du PIB polynésien est en danger de disparaître. D'ici la fin de l'année, 15 000 chômeurs de plus sont attendus, dont 11 000 dans le seul secteur du tourisme.

Prérogatives de l'État, facteurs exogènes internationaux, limites du statut… La crise a également rappelé de manière douloureuse une réalité post-coloniale qui s'applique à tous les outre-mer : la dépendance de nos économies de comptoir et la perte de notre souveraineté alimentaire. Ainsi, 88 % de ce qui est consommé en Polynésie, où pourtant tout pousse, est importé. Allons-nous attendre le jour où les cargos ne viendront plus à cause d'une nouvelle crise sanitaire, politique ou économique, pour nous saisir de cette réalité ?

Monsieur le ministre, la Polynésie attend, au-delà des ping-pongs statutaires, de savoir si l'État assumera ses responsabilités outre-mer, non pas pour retrouver la situation antérieure, mais pour construire le fameux monde d'après. Les solutions existent. Elles ont pour nom permaculture, apiculture, circuits courts, aquaponie, jardins partagés, pêche responsable, énergies propres et renouvelables… mais certainement pas une énième version bétonnée et tropicalisée du plan Marshall !

Ma question est simple : êtes-vous prêt à lancer, avec les responsables locaux, un véritable plan de transformation des outre-mer vers plus de résilience et moins de dépendance ? Ou, pour reprendre Pierre Rabhi, un plan colibri, où chacun aura un rôle à jouer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Je vous remercie, monsieur le député Brotherson, pour vos félicitations républicaines. Trois priorités se dégagent de vos propos et s'inscrivent dans la continuité de l'action de la ministre Annick Girardin. La première, singulièrement en Polynésie française, est la stabilité institutionnelle : l'axe entre l'État, le pays et les communes – qu'il faut saluer ici pour le rôle très opérationnel qu'elles ont joué dans la gestion de la crise – a permis la réussite de la période de confinement et des mesures de mise en protection des populations. Il faut le souligner : en Polynésie française, la situation a été maîtrisée grâce à la stabilité institutionnelle.

La deuxième priorité, ce sont les mesures d'urgence pour la protection de l'emploi et les mesures sociales ; sans les citer toutes ici, je rappellerai que nous agissons pour le secteur bancaire ou encore en accordant au pays des avances de trésorerie – je sais que votre collègue députée Maina Sage a déposé des amendements à ce sujet. Nous accompagnons aussi le secteur économique, notamment les deux compagnies aériennes qui connaissent des difficultés importantes, au sujet desquelles l'État va se mobiliser.

La troisième priorité consiste bien sûr à imaginer une relance tenant compte des spécificités des différents territoires d'outre-mer. À cet égard, je partage la préoccupation exprimée par votre question : un plan décidé à Paris, de façon autoritaire ou à l'aveugle, ne pourra pas fonctionner. Nous devrons donc, sous l'autorité du Premier ministre, décliner le plan de relance de façon spécifique pour les différents territoires d'outre-mer.

À la suite des propos tenus par la ministre Pompili, j'ajouterai qu'il est évident que la transition écologique doit représenter une part fondamentale de la relance, d'autant plus qu'elle constitue l'un des éléments de l'identité et de l'attractivité touristique de la Polynésie française. Autre enjeu : la santé. Vous attendez la signature d'une convention santé avec le ministère des solidarités et de la santé, à laquelle nous allons nous atteler. Nous nous attacherons enfin, bien sûr, à traiter l'ensemble des sujets liés à l'éloignement, notamment celui de l'autosuffisance. Vous avez évoqué les questions alimentaires mais celle de l'énergie est aussi importante, notamment dans un certain nombre d'atolls. Quoi qu'il en soit, nous serons aux côtés des élus de la Polynésie française pour y travailler. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : M. Moetai Brotherson

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Outre-mer

Ministère répondant : Outre-mer

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juillet 2020

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