Rubrique > réfugiés et apatrides
Titre > Moyen de paiement pour les bénéficiaires de l'allocation pour demandeur d'asile
M. Hubert Wulfranc interroge M. le ministre de l'intérieur sur les facultés de paiement ouvertes aux bénéficiaires de l'allocation pour demandeur d'asile accordée aux réfugiés le temps de l'examen de leur dossier de demande. Les dispositions du décret n° 2018-1359 du 28 décembre 2018 codifiées à l'article D. 744-33 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoient la possibilité de verser l'ADA par alimentation d'une carte de paiement ou d'une carte de retrait. Le directeur général de l'Office français de l'immigration et de I'intégration (OFII) a fait le choix du passage d'une carte de retrait à une carte exclusivement dédiée au paiement à compter du 5 septembre 2019. La gestion de cette carte de paiement a été confiée à la société « Up » dans le cadre d'un marché public. Cette nouvelle carte génère aujourd'hui de nombreuses difficultés quotidiennes pour les allocataires de cette aide. Alors que la précédente carte permettait de réaliser des retraits d'espèces au distributeur automatique de billets, cette fonctionnalité a été supprimée dans le cadre du dernier appel d'offre réalisé par l'Agence des services de paiements de l'État pour le compte de l'OFII. Plusieurs associations, qui estiment que le passage d'une carte de retrait à une carte de paiement entraîne une dégradation des conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ont saisi le Défenseur des droits pour l'alerter sur les difficultés occasionnées par ce nouveau dispositif, tant à l'égard des demandeurs d'asile que des gestionnaires de structures d'hébergement. Dans le même sens, des réclamations de demandeurs d'asile ont également été adressées au Défenseur des droits. Concrètement, il est bien souvent impossible de régler de petites dépenses courantes avec cette carte de paiement, du fait d'un montant minimum d'achat imposé par les commerçants ou pour des raisons techniques liées à l'incompatibilité des terminaux de paiement. D'autres commerçants refusent les paiements effectués avec cette carte du fait du taux de commission particulièrement élevé facturé aux commerçants par la société prestataire Up (3 % du montant contre 0,25 à 0,35 % pour une carte bancaire classique). À défaut de pouvoir retirer des espèces aux distributeurs automatiques de billets, les titulaires de la carte de paiement de l'ADA sont invités à se tourner vers les commerçants qui pratiquent le cash back, à savoir la remise d'espèces contre un paiement par carte dans le cadre d'un achat. Cette pratique, légale, reste peu usitée en France du fait des réticences de nombreux commerçants et induit nécessairement l'achat d'un article ou parfois, le prélèvement d'une commission par le commerçant. En recherche de liquidités pour régler certaines dépenses, certains allocataires de l'ADA n'ont parfois d'autres solutions que de pratiquer le cash back informel avec d'autres personnes qui peuvent profiter de la situation pour prélever une commission totalement illégale à un taux usuraire. Ne pouvant généralement pas bénéficier d'un compte bancaire classique, les demandeurs d'asile logés par des bailleurs privés n'ont d'autre choix que de régler leurs loyers en espèces à leurs propriétaires, ceux-ci disposant rarement d'un terminal de paiement. L'obligation de réaliser exclusivement les achats dans les commerces dotés de terminaux de paiement électronique et au-dessus d'un certain montant limite fortement, quand elle ne l'interdit pas, l'accès de ces personnes aux nombreux commerces de proximité dépourvus d'un terminal comme les épiceries sociales et solidaires, les marchés, les brocantes, les friperies ou les laveries, tout comme des dépenses de la vie quotidienne exigeant des espèces (titre de transport à l'unité, sorties scolaires). De même, la détention de cette carte génère des coûts pour son titulaire. Ainsi, déclarer un incident de fonctionnement, consulter un solde ou faire une opposition en cas de perte ou de vol sont autant d'actions qui nécessitent l'utilisation d'un numéro de téléphone payant. L'ensemble de ces contraintes compliquent inutilement les conditions de vie déjà particulièrement précaires des personnes allocataires de l'ADA au regard de la modestie des sommes en jeu (200 euros par mois pour une personne seule, un peu plus de 500 euros pour une famille de 4 personnes). Dans sa décision n° 2020-147 du 10 juillet 2020, « le Défenseur des droits recommande au ministre de l'intérieur de modifier les dispositions du décret n° 2018-1359 du 28 décembre 2018 codifiées à l'article D. 744-33 du CESEDA qui prévoient la possibilité de versement de l'ADA par alimentation d'une carte de retrait ou de paiement en vue de la mise en place d'un système mieux adapté à la situation des demandeurs d'asile à savoir une carte mixte ou la possibilité de versement sur le compte bancaire du demandeur s'il en détient un ou en espèces à défaut. » Aussi, il lui demande si le ministère de l'intérieur entend apporter une suite favorable à cette recommandation du Défenseur des droits qui appuie les demandes formulées dans ce sens par de nombreuses associations humanitaires.