Rubrique > Gouvernement
Titre > Sur la négation de l'ensauvagement et de la souffrance réelle des Français
M. Bruno Bilde interroge M. le Premier ministre sur les graves déclarations de M. Éric Dupond-Moretti formulées lors de la matinale d'Europe 1, mardi 1er septembre 2020. En effet, interrogé par Sonia Mabrouk sur le diagnostic réalisé et tweeté avec frénésie par le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin en matière de développement de la violence extrême dans le pays, le ministre de la justice a répondu qu'il ne souscrivait pas à l'emploi du terme d'ensauvagement : - « L'ensauvagement est un mot qui développe le sentiment d'insécurité. » - « Pire que l'insécurité, il y a le sentiment d'insécurité. » - « Le sentiment d'insécurité, c'est de l'ordre du fantasme. » Recyclant les rengaines préhistoriques de la gauche jospinienne la plus sourde et la plus aveugle, Éric Dupond-Moretti ose affirmer en substance que ce sont les constats, les définitions et la sémantique qui sont responsables des meurtres, des agressions, des violences gratuites, des lynchages et des actes de barbarie qui ont émaillé ces derniers mois. Pas un mot n'est sorti de sa bouche pour condamner la voyoucratie et les délinquants. Dans un rôle de professeur qu'il affectionne tant, le garde de Sceaux en vient même à refuser aux Français le droit d'exprimer leur peur de l'insécurité galopante qui est devenue leur deuxième motif de préoccupation après la santé, selon plusieurs études d'opinion. Contrairement aux leçons méprisantes du locataire de la place Vendôme, il n'existe pas de sentiment d'insécurité mais une avalanche réelle et factuelle de drames. Il n'existe pas de sentiment d'insécurité mais une succession réelle et factuelle de récidives encouragées par le laxisme judiciaire. Il n'existe pas de sentiment d'ensauvagement mais une banalisation réelle et factuelle de la violence de plus en plus sauvage qui gangrène le quotidien de millions de Français. Balayant les souffrances des victimes, le ministre de la justice a aussi déclaré : « la France, c'est pas un coupe-gorge ». Monsieur le Premier ministre ira-t-il dire à la famille de Philippe Monguillot, lynché dans son bus à Bayonne, que la France n'est pas un coupe-gorge ? Ira-t-il dire à la famille de la gendarme Mélanie Lemée, fauchée par un chauffard multirécidiviste, que la France n'est pas un coupe-gorge ? Ira-t-il dire à la famille d'Axelle Dorier, renversée et traînée sur 800 mètres à Lyon, que la France n'est pas un coupe-gorge ? Ira-t-il dire à la famille d'Augustin, tabassé à Lyon, que la France n'est pas un coupe-gorge ? À la suite des réactions suscitées par le drame de la mort de Céleste, 15 ans, tué par un violeur multirécidiviste à Nantes, Éric Dupond-Moretti a intimé l'ordre à l'opposition de se taire. Il serait bon que M. le Premier minsitre rappelle à son néophyte que l'on est toujours en démocratie et que, dans ce système qu'il n'est pas censé ignorer à l'aune de sa longue carrière d'avocat, la liberté d'expression est sacrée et l'opposition se doit d'être respectée. Peut-être prépare-t-il en catimini un projet de loi pour interdire le Rassemblement National, comme il le demandait en 2015 ? Après un drame comme celui de Nantes, le rôle d'un responsable politique digne de ce nom, a fortiori quand il tient les rênes du pouvoir, c'est de tout faire pour que cela ne se reproduise pas. Alors que le ministre de l'intérieur a confirmé qu'il avait constaté des actes de sauvagerie, M. le Premier ministre est désormais écartelé par le « et en même temps » sémantique. Par conséquent, deux discours antagonistes traversent son gouvernement : l'un de Gérald Darmanin, prônant une fermeté 2.0 de façade, l'autre d'Éric Dupond-Moretti, imbibé de laxisme et teinté par la culture de l'excuse. Ce double discours est un nouveau signe de l'impuissance de l'État et renforce le sentiment d'impunité de ceux qui s'attaquent aux citoyens et aux lois de la République. Comment pourraient-ils craindre le « premier flic de France » si le tristement célèbre « Acquitator » s'engage à ce qu'ils n'entrent jamais en prison ? Avant de tenter de rétablir la sécurité dans le pays, il lui demande s'il va commencer par mettre de l'ordre dans son gouvernement.