15ème législature

Question N° 32165
de M. Bruno Bilde (Non inscrit - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > Gouvernement

Titre > Sur la négation de l'ensauvagement et de la souffrance réelle des Français

Question publiée au JO le : 15/09/2020 page : 6178
Réponse publiée au JO le : 21/09/2021 page : 6979

Texte de la question

M. Bruno Bilde interroge M. le Premier ministre sur les graves déclarations de M. Éric Dupond-Moretti formulées lors de la matinale d'Europe 1, mardi 1er septembre 2020. En effet, interrogé par Sonia Mabrouk sur le diagnostic réalisé et tweeté avec frénésie par le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin en matière de développement de la violence extrême dans le pays, le ministre de la justice a répondu qu'il ne souscrivait pas à l'emploi du terme d'ensauvagement : - « L'ensauvagement est un mot qui développe le sentiment d'insécurité. » - « Pire que l'insécurité, il y a le sentiment d'insécurité. » - « Le sentiment d'insécurité, c'est de l'ordre du fantasme. » Recyclant les rengaines préhistoriques de la gauche jospinienne la plus sourde et la plus aveugle, Éric Dupond-Moretti ose affirmer en substance que ce sont les constats, les définitions et la sémantique qui sont responsables des meurtres, des agressions, des violences gratuites, des lynchages et des actes de barbarie qui ont émaillé ces derniers mois. Pas un mot n'est sorti de sa bouche pour condamner la voyoucratie et les délinquants. Dans un rôle de professeur qu'il affectionne tant, le garde de Sceaux en vient même à refuser aux Français le droit d'exprimer leur peur de l'insécurité galopante qui est devenue leur deuxième motif de préoccupation après la santé, selon plusieurs études d'opinion. Contrairement aux leçons méprisantes du locataire de la place Vendôme, il n'existe pas de sentiment d'insécurité mais une avalanche réelle et factuelle de drames. Il n'existe pas de sentiment d'insécurité mais une succession réelle et factuelle de récidives encouragées par le laxisme judiciaire. Il n'existe pas de sentiment d'ensauvagement mais une banalisation réelle et factuelle de la violence de plus en plus sauvage qui gangrène le quotidien de millions de Français. Balayant les souffrances des victimes, le ministre de la justice a aussi déclaré : « la France, c'est pas un coupe-gorge ». Monsieur le Premier ministre ira-t-il dire à la famille de Philippe Monguillot, lynché dans son bus à Bayonne, que la France n'est pas un coupe-gorge ? Ira-t-il dire à la famille de la gendarme Mélanie Lemée, fauchée par un chauffard multirécidiviste, que la France n'est pas un coupe-gorge ? Ira-t-il dire à la famille d'Axelle Dorier, renversée et traînée sur 800 mètres à Lyon, que la France n'est pas un coupe-gorge ? Ira-t-il dire à la famille d'Augustin, tabassé à Lyon, que la France n'est pas un coupe-gorge ? À la suite des réactions suscitées par le drame de la mort de Céleste, 15 ans, tué par un violeur multirécidiviste à Nantes, Éric Dupond-Moretti a intimé l'ordre à l'opposition de se taire. Il serait bon que M. le Premier minsitre rappelle à son néophyte que l'on est toujours en démocratie et que, dans ce système qu'il n'est pas censé ignorer à l'aune de sa longue carrière d'avocat, la liberté d'expression est sacrée et l'opposition se doit d'être respectée. Peut-être prépare-t-il en catimini un projet de loi pour interdire le Rassemblement National, comme il le demandait en 2015 ? Après un drame comme celui de Nantes, le rôle d'un responsable politique digne de ce nom, a fortiori quand il tient les rênes du pouvoir, c'est de tout faire pour que cela ne se reproduise pas. Alors que le ministre de l'intérieur a confirmé qu'il avait constaté des actes de sauvagerie, M. le Premier ministre est désormais écartelé par le « et en même temps » sémantique. Par conséquent, deux discours antagonistes traversent son gouvernement : l'un de Gérald Darmanin, prônant une fermeté 2.0 de façade, l'autre d'Éric Dupond-Moretti, imbibé de laxisme et teinté par la culture de l'excuse. Ce double discours est un nouveau signe de l'impuissance de l'État et renforce le sentiment d'impunité de ceux qui s'attaquent aux citoyens et aux lois de la République. Comment pourraient-ils craindre le « premier flic de France » si le tristement célèbre « Acquitator » s'engage à ce qu'ils n'entrent jamais en prison ? Avant de tenter de rétablir la sécurité dans le pays, il lui demande s'il va commencer par mettre de l'ordre dans son gouvernement.

Texte de la réponse

Le Gouvernement a fait de la sécurité l'une de ses politiques prioritaires dans tous les territoires de la République. Le garde des Sceaux, ministre de la justice, et le ministre de l'Intérieur sont en première ligne et y travaillent au quotidien, en lien avec les élus. L'ensemble des forces de sécurité intérieure et des personnels judiciaires sont mobilisés, et l'ont été sans relâche, malgré la crise sanitaire traversée par le pays. L'action du Gouvernement est résolument et concrètement engagée pour assurer une plus grande sécurité aux Français. Qu'il s'agisse de la lutte contre le terrorisme (renfort des effectifs de la direction générale de la sécurité intérieure, création du Parquet national anti-terroriste), de la lutte contre le trafic de stupéfiants (plan interministériel, création de l'Office antistupéfiants, de l'amende forfaitaire délictuelle pour usage de stupéfiants dont plus de 86 000 ont été dressées par les policiers et les gendarmes depuis le 1er septembre 2020), de la lutte contre les bandes, de la lutte contre les violences conjugales, du renforcement de la sanction de la petite délinquance du quotidien avec la réforme de la justice de proximité, de la signature de contrats de sécurité intégrée avec les collectivités, … le Gouvernement agit avec détermination et efficacité. Ce volontarisme et les engagements tenus se traduisent par des moyens nouveaux : entre 2017 et 2021, le budget du ministère de l'Intérieur a augmenté de plus de 2,5 milliards d'euros, y compris grâce au plan de relance et, pour 2022, il augmentera encore de près d'un milliard. Surtout, 10 000 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes auront été créés entre 2017 et 2022. Pour améliorer la réponse pénale, enjeu majeur dans la lutte commune contre la délinquance et la criminalité, le budget de la Justice a augmenté de 8 % en 2021 afin que celle-ci ait les moyens d'agir plus efficacement et cette augmentation de 8 % sera du reste renouvelée en 2022. Par ailleurs, près de 2 000 recrutements ont été effectués pour la justice de proximité et l'engagement de construire 15 000 nouvelles places de prison a été tenu. Plusieurs textes portés ou soutenus par le Gouvernement ont déjà été adoptés par le Parlement, comme le projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, ou le projet de loi réformant le code de la justice pénale des mineurs. Le Parlement sera saisi dès le mois de septembre 2021 du projet de loi « responsabilité pénale et sécurité intérieure », co-porté par les ministres de l'Intérieur et de la Justice, qui permettra entre autres de renforcer le contrôle de la circulation des armes, de créer une réserve de la police nationale ou encore de renforcer notre action grâce à la captation d'images, dans un cadre juridique respectueux du droit au respect de la vie privée. Le Gouvernement sera au rendez-vous d'une action forte et déterminée pour la sécurité des Français, comme il l'a été depuis le début du quinquennat.