Politique des pouvoirs publics en matière d'ouvrages hydrauliques
Question de :
M. Yannick Favennec-Bécot
Mayenne (3e circonscription) - Non inscrit
M. Yannick Favennec-Bécot attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur les conséquences de plusieurs textes publiés au cours de l'été 2020 concernant le patrimoine hydraulique français. Le décret du 30 juin 2020 a fait de la destruction des sites et de leurs milieux une simple formalité sans enquête publique et sans étude d'impact. Les deux plus grosses agences de l'eau en termes de linéaire (Seine-Normandie, Loire-Bretagne) ont produit un projet de SDAGE 2022-2027 qui renforce la prime à la casse des moulins, étangs, plans d'eau et enfin le décret du 18 août 2020 a entériné que les moulins, étangs, plans d'eau et leurs riverains sont exclus des comités de bassin de ces agences de l'eau, donc qu'ils n'ont tout simplement aucun moyen de plaider leur cause quand on prend la décision de les détruire. La destruction des moulins, étangs, lacs, plans d'eau et canaux pose de nombreux problèmes dans les territoires : assecs plus sévères, crues plus violentes, baisse des nappes, des réserves d'eau potable, des réserves de sécurité incendie, suppression d'un potentiel hydro-électrique pourtant facile à relancer, élimination de plans d'eau et zones humides avec leurs écosystèmes inféodés, déséquilibre et déclin de la biodiversité acquise dans les milieux lentiques, et enfin destruction du cadre de vie et du paysage appréciés des riverains. Ces textes, qui conduisent à mettre en œuvre une écologie punitive, vont à l'encontre du plan pour une politique apaisée de continuité écologique proposé, en 2018, par le Gouvernement. C'est pourquoi il lui demande ses intentions pour mettre en place une écologie inclusive, réaliste et pragmatique consistant à protéger des rivières sauvages quand elles existent encore, mais aussi à accepter les rivières aménagées par l'Homme pour ses besoins et à proposer des améliorations de ces aménagements. Il lui demande également si elle entend engager son administration à reconnaître et respecter les ouvrages hydrauliques existants, à encourager leur équipement hydro-électrique et à proposer des solutions de gestion écologique qui ne passent plus par la priorisation de la destruction des sites et de leurs écosystèmes.
Réponse publiée le 19 janvier 2021
Face au double défi de l'effondrement de la biodiversité et d'un maintien de la qualité de l'eau, la restauration de la continuité écologique est une politique importante pour l'atteinte du bon état des cours d'eau et pour respecter nos engagements à préserver la biodiversité d'eau douce. Cette dernière est en effet particulièrement menacée, d'après les derniers chiffres de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) datant de 2019, 28 % des crustacés et 39 % des poissons sont menacés, quand 19 % des poissons présentent un risque de disparition. L'importance de cette politique de restauration de la continuité écologique des cours d'eau a été réaffirmée en France par les Assises de l'eau en juin 2019 et le plan biodiversité qui prévoit de restaurer la continuité sur 50 000 km de cours d'eau d'ici à 2030. La stratégie biodiversité 2020 de la Commission européenne en fait également un enjeu majeur, elle inclut un objectif de restauration de 25 000 km de cours d'eau d'ici 2030. La mise en œuvre de cette politique sur le terrain est toutefois délicate car elle doit être conciliée avec le déploiement des énergies renouvelables dont fait partie l'hydroélectricité, la préservation du patrimoine culturel et historique, ou encore le maintien d'activités sportives en eaux vives participant au développement de nos territoires. C'est pourquoi le ministère de la Transition écologique est engagé, depuis quelques années, dans un travail de conciliation des différents enjeux avec les acteurs concernés afin de mettre en œuvre cette politique dans un climat apaisé. S'agissant en particulier de la dimension patrimoniale, des travaux en commun avec le ministère de la Culture et les représentants des propriétaires de moulins ont permis de progresser vers une meilleure prise en compte de la valeur historique et paysagère des ouvrages hydrauliques, mais n'ont pas encore été pleinement déployés localement. Par ailleurs, des difficultés persistent, par exemple en terme de financement de certaines solutions techniques d'intervention sur les ouvrages, points sur lesquels le ministère continue de travailler. Répondant aux objectifs du Gouvernement de simplification administrative, et demandée par les collectivités gestionnaires des cours d'eau et milieux humides, la rubrique 3.3.5.0 relative aux travaux de restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques exclusivement soumise à déclaration au titre de la loi sur l'eau, créée par le décret no 2020-828 du 30 juin 2020, vise principalement à faciliter la réalisation de travaux qui vont dans le sens d'un meilleur fonctionnement des écosystèmes naturels et de l'atteinte des objectifs de la directive cadre sur l'eau. Cette simplification ne met pas en péril le patrimoine et ne remet pas en cause le droit de propriété des riverains (droit à valeur constitutionnelle, qui n'est en rien modifié par les textes précités et demeure préservé par les mêmes dispositions qu'auparavant). La procédure de déclaration comporte une analyse d'incidences adaptée à l'ampleur des interventions envisagées. Les dispositions légales qui prévoient une consultation du public, en application de l'article 7 de la charte de l'environnement, restent par ailleurs applicables. En cas de nécessité (ce qui n'est généralement pas le cas des travaux soumis au régime de déclaration), le public peut donc bien toujours être consulté en application des articles L. 123-19 et suivants du code de l'environnement. A ce jour, la politique de restauration de la continuité écologique a permis d'identifier les cours d'eau sur lesquels il était important d'intervenir (11 % des cours d'eau), et sur ces cours d'eau, de procéder à des interventions sur environ 5 000 ouvrages. Dans la grande majorité des cas, la solution technique trouvée a consisté à aménager l'ouvrage (mise en place d'une passe à poisson, d'une rivière de contournement, abaissement du seuil…), sans qu'il n'y ait suppression du barrage ou du seuil.
Auteur : M. Yannick Favennec-Bécot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Cours d'eau, étangs et lacs
Ministère interrogé : Transition écologique
Ministère répondant : Transition écologique
Dates :
Question publiée le 22 septembre 2020
Réponse publiée le 19 janvier 2021