15ème législature

Question N° 32557
de Mme Michèle Tabarot (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question écrite
Ministère interrogé > Transformation et fonction publiques
Ministère attributaire > Transformation et fonction publiques

Rubrique > fonctionnaires et agents publics

Titre > Règles applicables aux congés dans la fonction publique

Question publiée au JO le : 29/09/2020 page : 6618
Réponse publiée au JO le : 03/05/2022 page : 3065

Texte de la question

Mme Michèle Tabarot appelle l'attention de Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques sur les modalités d'indemnisation des fonctionnaires, ou de leurs ayant-droits, pour les congés non pris du fait d'un décès ou d'une maladie qui a précédé une mise à la retraite. Elle rappelle que la législation nationale pose le principe d'un droit à des congés payés annuels pour les agents publics. Toutefois la loi prévoit également le principe d'interdiction d'indemnisation des congés annuels non pris. Or cet état du droit a été partiellement remis en cause par la législation et la jurisprudence européennes. En effet, la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 relative à certains aspects de l'aménagement du temps de travail prévoit dans son article 7 que « les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines » et que « la période minimale de congé annuel ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail ». Le droit communautaire puis la Cour de justice de l'Union européenne ont ainsi posé les principes d'un droit au report des congés annuels non pris du fait de la maladie et d'un droit à indemnisation de ces congés en cas de fin de la relation de travail, notamment suite à une mise à la retraite ou à un décès. En l'absence de transposition interne de la directive de 2003, les juridictions françaises ont assuré l'applicabilité directe de ces deux grands principes (droit au report et droit à l'indemnisation), dans la limite théorique de 20 jours et sur une période maximale de 15 mois après le terme de l'année de référence. Les modalités de calcul de l'indemnité sont également définies par voie jurisprudentielle. Un arrêt de cour administrative d'appel précise qu'en l'absence de disposition législative ou règlementaire plus favorable, l'indemnisation s'effectue en référence à la rémunération qu'aurait perçue le fonctionnaire lors des congés annuels non pris. S'appuyant sur cette jurisprudence, l'administration déconcentrée du ministère demande aux collectivités territoriales d'adopter des délibérations déterminant au niveau local les règles de report et d'indemnisation dans les cas précédemment énumérés. Cette exigence ne va pas sans poser de difficultés en l'absence de texte réglementaire de référence venant expliciter le cadre dans lequel une telle délibération doit s'inscrire, au-delà d'une jurisprudence qui peut parfois évoluer et qui définit aujourd'hui un cadre minimal. Aussi, dans un souci de plus grande lisibilité, elle souhaiterait qu'il puisse lui faire savoir si, conformément à ce qui avait pu être annoncé il y a quelques années, un texte règlementaire de transposition de la directive n° 2003/88/CE est prévu afin de préciser le cadre et le contenu des délibérations prises par les collectivités locales en ce domaine.

Texte de la réponse

Les dispositions de l article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 relative à certains aspects de l'aménagement du temps de travail prévoient en effet que les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d un congé annuel payé d au moins quatre semaines, et que cette période minimale de congé ne puisse être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. La jurisprudence européenne a précisé les modalités de report et de versement d une indemnité compensatrice des congés annuels non pris en cas de fin de relation de travail (CJUE, 6 novembre 2018, aff. C-619/16), et notamment en cas d impossibilité pour l agent de reprendre ses fonctions à l issue d un congé de longue maladie ou de longue durée (CJUE, 20 janvier 2009, aff. C-350/06 et C-520/06) de mise à la retraite pour invalidité (CJUE, 3 mai 2012, aff. C- 337/10), ou en cas de décès de l'agent (CJUE, 12 juin 2014, aff. C-118/13). Le montant de l indemnité compensatrice correspond à la rémunération que l'intéressé aurait perçue s il avait pu prendre son congé annuel (CJUE, 20 janvier 2009, précité et CJUE, 16 mars 2006, aff. C-131/04 et C-257/04). Il n est pas tenu compte des éventuelles primes et indemnités liées à l organisation du cycle de travail ainsi que des indemnités représentatives de frais (jury, mission, etc.) pour la détermination du montant de l'indemnité. Les Etats membres demeurent néanmoins libres de prévoir ou non un droit de report ou à indemnité financière des jours de congé annuel payé excédant la période minimale de quatre semaines (CJUE, 19 novembre 2019, aff. C-609/17 et C-610/17). La réglementation nationale en vigueur dans les trois versants de la fonction publique (décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'État, décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux, décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002 relatif aux congés annuels des agents des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) n'a pas évolué sur la question du droit à report ou, en fin de relation de travail, à indemnisation des congés annuels non pris. Il résulte du principe de primauté du droit européen sur les normes de droit interne (CJUE, 15 juillet 1964, aff. C-6/64), qui s impose à l ensemble des autorités nationales, que l'administration chargée d appliquer les dispositions d une directive est tenue d en assurer le plein effet en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition nationale contraire. Ainsi, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit ni le report ni le versement d une indemnité compensatrice lorsque le fonctionnaire n a pas pris ses congés annuels car l article 7 de la directive 2003/88/CE précitée est d effet direct (CJUE, 24 janvier 2012, aff. C-282/10) et s impose ainsi aux citoyens européens sans qu il ne soit nécessaire pour les Etats membres de le retranscrire dans des actes juridiques nationaux (CJUE, 5 février 1963, aff. C-26/62). Par ailleurs, le Conseil d Etat s est également inscrit dans la jurisprudence européenne en considérant que le droit au report des congés non pris s'exerce, en l'absence de dispositions nationales, dans la limite des quatre semaines prévue par l'article 7 de la directive 2003/88/CE précitée, et sur une période maximale de 15 mois après le terme de l'année de référence (CE, 26 avril 2017, n° 406009). Néanmoins, une transposition explicite des règles issues de la jurisprudence européenne par une disposition de droit interne permettrait en effet de renforcer la lisibilité des règles de report et d'indemnisation des congés non pris et de faciliter leur gestion par les agents publics et les administrations gestionnaires. Aussi, je vous confirme qu un projet de décret portant modification de la réglementation relative au report et à l'indemnisation des congés annuels non pris par les agents de la fonction publique hospitalière est actuellement en cours d'élaboration. Il est également prévu que les décrets relatifs aux congés annuels des fonctionnaires de l'Etat et des fonctionnaires territoriaux soient modifiés pour tenir compte des dispositions de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, sans toutefois que les modalités en soient précisément arrêtées à ce jour. Dans cette attente, l'administration a l'obligation d'écarter tout texte interne contraire aux dispositions de ladite directive et d autoriser le report des congés annuels non pris en raison d'un congé de maladie ou de longue durée, dans la limite de 20 jours par année civile et sur une période maximale de 15 mois, et de procéder, le cas échéant, à leur indemnisation conformément à la jurisprudence précitée.