Question au Gouvernement n° 3265 :
Protection de l'enfance

15e Législature

Question de : Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 29 juillet 2020


PROTECTION DE L'ENFANCE

M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Les enfants sont les principales victimes des violences sexuelles. Chaque année, 130 000 filles et 35 000 garçons subissent viols et tentatives de viols. Une fille sur cinq et un garçon sur treize en sont victimes. On sait que 81 % de l’ensemble des violences sexuelles débutent avant l'âge de 18 ans, 51 % avant 11 ans, 21 % avant 6 ans. Or ni la société ni les institutions ne sont à la hauteur face à ces crimes.

Pour plus de deux tiers des victimes, le fait d’avoir parlé n’a entraîné aucune conséquence. Leur prise en charge médico-psychologique est notoirement insuffisante, tout comme la protection judiciaire et les suites données à ces crimes.

Gabriel Matzneff, mis en cause par Vanessa Springora, qui a subi ses abus à l’âge de 14 ans, a sévi pendant des décennies en toute impunité, au vu et au su dudit beau monde. Non seulement cela, mais il a été encensé et célébré pour avoir écrit des livres où il glorifiait ses crimes. En 2013, il a ainsi reçu le prix Renaudot essai, qu’il considère comme une récompense pour l'ensemble de son œuvre dont je nous épargnerai la lecture de certains passages.

En 2019, il a fallu plusieurs semaines pour que, sous la pression d’associations, le parquet se saisisse du dossier du pédocriminel Jeffrey Epstein, dont les ramifications françaises sont pourtant connues depuis plusieurs années.

Le silence et l’impunité sont les meilleures armes des prédateurs. Il faut y mettre un terme.

Monsieur le ministre de la justice, daignerez-vous répondre, cette fois, à la question que je vous ai posée la semaine dernière lors de votre audition en commission des lois, concernant la politique que vous comptez mener et les moyens que vous comptez employer pour assurer que justice soit rendue aux victimes de ces crimes ? Êtes-vous prêt à envisager de soutenir la proposition que nous avons déposée concernant la présomption simple de non-consentement qui, en renversant la charge de la preuve en faveur des enfants victimes de violences sexuelles, constituerait un progrès notable du droit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. La justice n'est jamais aussi grande que lorsqu'elle se préoccupe du sort des tout-petits. Et les enfants sont les tout-petits. Que ce soit au travers des différentes législations, y compris celle que vous appelez de vos vœux, ou de la future loi sur la bioéthique, les tout-petits méritent toute notre attention.

Une députée du groupe LR. Il y a des progrès à faire !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Cela étant, il existe déjà plusieurs dispositions qui ne demandent qu'à être appliquées, des textes qui répriment les comportements des pédocriminels ou des pédophiles et qui prévoient un suivi socio-judiciaire à leur sortie de prison. Il existe aussi, que vous le vouliez ou non, des mesures qui protègent les enfants, et c'est heureux.

Vous proposez ni plus ni moins qu'un renversement de la charge de la preuve. Une telle idée a déjà fleuri dans quelques esprits, mais elle est impossible à appliquer. En revanche, il est possible d'être très attentif au recueil de la parole de l'enfant. Je pourrais vous en parler longuement car j'ai beaucoup travaillé, après l'affaire d'Outreau, sur la manière dont il convenait de recueillir la parole des enfants. Il faut qu'interviennent des magistrats, des policiers, des gendarmes extrêmement compétents, spécialement formés à cette tâche, tant il est vrai que celle-ci est éminemment complexe et délicate.

Sachez que, contrairement à ce que vous pouvez dire, notre justice ne laisse pas filer ceux pour lesquels il est avéré qu'une preuve de leur culpabilité a été recueillie dans un processus judiciaire qui, permettez-moi de vous le dire respectueusement, madame, nous honore. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.)

M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Il ne s'agit pas de moi, il s'agit des milliers et des milliers de victimes qui témoignent régulièrement sur les réseaux sociaux (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM) des faillites et des défaillances de la justice. Il est question de la parole des enfants devenus adultes qui n'ont que ces réseaux pour s'exprimer…

M. le président. Merci, madame la députée.

Données clés

Auteur : Mme Danièle Obono

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enfants

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 juillet 2020

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