15ème législature

Question N° 33112
de M. Bruno Bilde (Non inscrit - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances et relance
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > entreprises

Titre > Possibilité offerte aux dirigeants faillis d'acquérir leur entreprise

Question publiée au JO le : 20/10/2020 page : 7172
Réponse publiée au JO le : 09/03/2021 page : 2081
Date de changement d'attribution: 03/11/2020

Texte de la question

M. Bruno Bilde interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la possibilité offerte aux dirigeants faillis d'acquérir en nom propre leur propre entreprise placée en liquidation judiciaire. Auparavant, une telle mesure n'était possible qu'après validation par le ministère de la justice et restait exceptionnelle. Depuis l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l'épidémie de covid-19, sous prétexte de la situation sanitaire, le Gouvernement a considérablement assoupli cette possibilité, changeant ainsi un paradigme majeur du droit des entreprises en difficulté. Le risque est que le dirigeant ou les actionnaires peu scrupuleux d'une entreprise soient tentés, en cas de difficultés préexistantes, de déposer le bilan et de racheter l'entreprise à moindres frais après avoir licencié des salariés et effacé leurs dettes auprès des fournisseurs ou de l'État et des organismes sociaux. Des récents cas de liquidation rachat d'entreprises emblématiques de la région de M. le député font peser le soupçon d'effets d'aubaine au détriment des salariés et des créanciers. Les conséquences prévisibles sont la perte de confiance de la population envers le monde de l'entreprise et une atteinte dangereuse à la moralité des affaires. Alors que dans le cadre du plan de relance, certains entrepreneurs bénéficient d'allocations publiques massives, il n'est pas acceptable de mettre en place des dispositifs permettant aux dirigeants indélicats de réaliser des opérations moralement condamnables. Il lui demande s'il envisage de bien vouloir réécrire cette ordonnance du 20 mai 2020.

Texte de la réponse

La possibilité pour un dirigeant d'une société en procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire de solliciter le rachat en plan de cession de ladite société fait l'objet de dispositions spécifiques prévues par le livre VI du code de commerce. L'article L. 642-3 de ce code prévoit d'abord que ni le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure, ne sont admis directement ou par personne interposée, à présenter une offre. Le même article dispose que, à l'exception des contrôleurs ou du débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, le tribunal sur requête du ministère public peut autoriser la cession à l'une des personnes visées au premier alinéa par un jugement spécialement motivé, après avoir demandé l'avis des contrôleurs. L'article L. 642-3 du code de commerce applicable en liquidation judiciaire l'est également en redressement judiciaire par renvoi de l'article L. 631-22.  L'article 7 de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 a temporairement permis que d'autres acteurs de la procédure collective puissent également demander au tribunal de déroger au principe d'interdiction de la cession de l'entreprise en procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire à son dirigeant.Cette ordonnance a ainsi permis que la requête puisse être présentée par le débiteur ou l'administrateur judiciaire, et non plus exclusivement par le ministère public comme le prévoit l'article L. 642-3 du code de commerce. La durée d'application de cette mesure dérogatoire a cependant été limitée dans le temps puisqu'elle n'a été applicable que jusqu'au 31 décembre 2020 et n'a pas été prolongée. La dérogation prévue par l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 a en outre été encadrée. Conformément au droit commun, le jugement arrêtant cette cession devait être spécialement motivé et rendu après avis des contrôleurs. Le ministère public devait être présent à l'audience. A défaut, le jugement pouvait être frappé de nullité. Le procureur pouvait également interjeter appel du jugement par un recours suspensif. Cet assouplissement a été prévu pour faire face à un risque de raréfaction des offres de reprise concernant les entreprises en difficulté lorsque la cession d'entreprise était la seule solution pour préserver, autant que possible, l'activité et les emplois liés. Ce risque était particulièrement prégnant compte tenu du choc provoqué, sur un plan économique, par la pandémie en fragilisant les potentiels repreneurs. Cette dérogation a permis de sauver des entreprises viables dans un contexte économique difficile. Les décisions rendues par les juridictions l'ont été en pleine connaissance de ce contexte exceptionnel et des intérêts en jeu. Il n'est toutefois pas envisagé de reconduire ce dispositif dérogatoire.