15ème législature

Question N° 3322
de Mme Emmanuelle Anthoine (Les Républicains - Drôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > Aide bilatérale consacrée par la France au secteur de l'éducation

Question publiée au JO le : 28/11/2017 page : 5818
Réponse publiée au JO le : 02/01/2018 page : 85

Texte de la question

Mme Emmanuelle Anthoine appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'aide bilatérale consacrée par la France au secteur de l'éducation dans le cadre de son aide publique au développement (APD). Selon les chiffres déclarés par la France au comité pour l'aide au développement de l'OCDE au titre de l'APD pour l'année 2015, qui sont les derniers chiffres disponibles, la France a consacré pour cette année 926 millions d'euros (167 millions dollars) d'aide bilatérale à l'éducation dans les pays en développement. Sur ce total, 72 % sont dirigés vers l'enseignement supérieur, dont la quasi-totalité vers les bourses et frais d'écolages versés pour l'accueil d'étudiants étrangers en France, des fonds qui ne contribuent pas au développement des systèmes éducatifs des pays. L'appui aux systèmes d'éducation de base (primaire et secondaire) dans les pays en développement ne représente que 15 % de l'aide bilatérale à l'éducation, et 2,5 % de l'APD totale. En termes d'allocation géographique, les 17 pays désignés comme prioritaires pour l'aide au développement française par le comité interministériel pour la coopération internationale et le développement en 2016 ne sont bénéficiaires que de 18,5 % de l'aide bilatérale consacrée par la France à l'éducation. Afin que l'aide bilatérale à l'éducation puisse répondre aux besoins éducatifs les plus fondamentaux et urgents, elle lui demande quelle est la justification d'une telle priorité accordée aux frais d'écolage par rapport à l'éducation de base, et quelles mesures sont aujourd'hui envisagées pour permettre un rééquilibrage des allocations sous-sectorielles de l'aide à l'éducation et une véritable priorisation des pays les plus pauvres.

Texte de la réponse

La méthode de comptabilisation de l'OCDE ne donne pas une image juste de l'effort de la France en faveur de l'éducation de base. Si l'on applique la définition de l'" éducation de base +" du Partenariat mondial pour l'éducation (PME) qui intègre le primaire, le premier niveau du secondaire, la formation des enseignants et l'aide budgétaire, la part de l'aide à l'éducation allouée par la France à l'éducation de base atteint 23 % de son aide sectorielle. En 2015, la France a consacré 1,183 milliards d'euros à l'éducation (en bilatéral et en multilatéral), soit environ 15 % de son aide totale. La part de l'éducation de base représente 23 % de l'aide sectorielle. En 2015, 79 % de l'aide totale de la France à l'éducation a transité par le canal bilatéral et à 96,7 % sous forme de dons, hors contrats de désendettement-développement. La France a fait le choix d'appuyer des initiatives structurantes à dimension régionale pour améliorer la qualité de l'éducation de base, renforcer les capacités des systèmes éducatifs et lutter contre l'exclusion de l'éducation. La nouvelle Stratégie éducation, formation professionnelle, insertion 2017-2021 vise également à lutter contre les inégalités, réduire les vulnérabilités, soutenir le développement d'opportunités économiques dans les territoires et accompagner les transitions. L'Agence française de développement a actualisé en 2016 sa stratégie Education-Formation-Emploi arrivée à échéance fin 2015. Ces nouvelles orientations stratégiques reposent sur le bilan et les enseignements du Cadre d'intervention sectoriel (CIS) précédent et intègrent l'apport des objectifs de développement durable. Un des trois grands axes du CIS 2016-2020 est le soutien à l'éducation de base, en particulier sur le collège, pour construire les compétences fondamentales à l'autonomie, avec une double priorité : équité et qualité. L'AFD appuie donc les plans nationaux des pays bénéficiaires, notamment des PMA selon les priorités suivantes : • l'universalisation de l'accès à l'enseignement par le soutien à la demande éducative des familles, par le déploiement d'une offre de formation attractive pour les populations rurales et urbaines pauvres et par la diversification des parcours à l'issue de l'éducation de base ; • l'amélioration des enseignements-apprentissage avec une attention particulière sur les premiers apprentissages et la maîtrise des langues, sur les compétences fondamentales cognitives et non cognitives, les formations des enseignants et des chefs d'établissements ainsi que sur le pilotage du système éducatif vers la qualité. Les efforts de la France afin de financer davantage l'éducation de base via les organisations multilatérales doivent également être pris en considération. Au niveau multilatéral, l'aide de la France consacrée à l'éducation s'est élevée à 183 millions d'euros en 2015, dont 116 millions d'euros pour l'éducation de base. En 2017, malgré les contraintes budgétaires, la France a maintenu sa contribution au Partenariat mondial pour l'éducation (PME), seul fonds multilatéral dédié entièrement au financement de l'éducation de base, à un niveau identique à celui de 2016, soit 8 millions d'euros, et continue de financer deux postes d'experts techniques mis à disposition du PME. Depuis 2002, la moitié des financements du PME (2,3 milliards de dollars) a bénéficié aux pays francophones dont 1,7 milliards de dollars pour les 17 pays prioritaires de la politique française de développement. Le PME tiendra en février 2018 sa conférence de financement pour la période 2018-2020. Le Président de la République est fortement engagé dans cette démarche et co-présidera cette conférence avec Macky Sall, Président du Sénégal. L'objectif de cette conférence est de lever 3,1 milliards de dollars pour le triennum 2018-2020. La France, au regard de son rôle se devra de montrer l'exemple et d'encourager les bailleurs à augmenter leurs contributions triennales au PME, en annonçant une hausse substantielle de sa propre contribution. Ainsi, l'éducation de base est plus que jamais une priorité de l'aide française et à travers le PME, les pays prioritaires de la France bénéficient d'un soutien structurant. Par exemple, dans les pays du G5 Sahel, plus de 250 millions de dollars sont engagés par le PME (période 2013-2017) et contribuent au développement et à la stabilisation de ces pays, y compris à travers un mécanisme de financement accéléré pour les pays fragiles/en crise. Selon le niveau de reconstitution des ressources pour 2018-2020, ces pays prioritaires pourraient bénéficier d'allocations allant de 719 millions de dollars (dont 249 millions de dollars pour les pays du G5S) à 1,35 milliards de dollars (dont 502 millions de dollars pour les pays du G5S). Au niveau international, les critères établis par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE établissent l'éligibilité des bourses et écolages dans la comptabilisation de l'APD. Il est en effet estimé que la formation tout au long de la vie, et donc post-baccalauréat, contribue à accroître le capital humain d'un pays et donc son développement. Le développement des programmes de bourses en direction des étudiants des pays en développement constitue par ailleurs l'une des cibles de l'Objectif de développement durable pour l'éducation (ODD no 4) récemment adopté lors de la dernière Assemblée générale des Nations unies. Le décalage entre l'allocation à l'éducation de base et celle vers le supérieur résulte de considérations comptables et non stratégiques. Cette situation est en effet principalement imputable aux écolages qui, étant donné les caractéristiques du système éducatif français, engendrent des montants importants. Afin de s'assurer que les bourses et écolages contribuent au développement de ses pays partenaires, la France ne comptabilise dans son APD que les frais relatifs aux étudiants ayant passé leur baccalauréat dans leur pays d'origine avant de venir effectuer leurs études supérieures en France, ce qui garantit a priori davantage qu'ils retournent dans leur pays à la fin de leurs études et contribuent ainsi au développement local.