15ème législature

Question N° 3324
de Mme Claudia Rouaux (Socialistes et apparentés - Ille-et-Vilaine )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Méthanisation

Question publiée au JO le : 23/09/2020
Réponse publiée au JO le : 23/09/2020 page : 6306

Texte de la question

Texte de la réponse

MÉTHANISATION


M. le président. La parole est à Mme Claudia Rouaux.

Mme Claudia Rouaux. J'associe à ma question mes collègues Jean-Louis Bricout et Dominique Potier.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, la méthanisation agricole avait à l'origine une double vertu sociale et écologique. Force est de constater aujourd'hui que son développement s'accompagne de dérives qui sont une source d'inquiétude pour de nombreux élus ruraux et représentants du monde agricole, notamment en Bretagne : accaparement de terres pour produire du maïs à vocation énergétique, disparition de productions agricoles, notamment laitières, insuffisamment rémunératrices, spéculation foncière, inflation du prix des cultures fourragères pour l'élevage, transmission de ces unités de biogaz valorisées à plusieurs millions d'euros, mauvais bilan carbone induit par la transformation de prairies en cultures de maïs, sans oublier les nuisances liées au transport des intrants, l'approvisionnement étant parfois à plus de cinquante kilomètres des méthaniseurs.

La France doit tirer les leçons des dérives du système allemand, qui a bâti une industrie fondée sur de grosses unités et des cultures dédiées à la méthanisation agricole. Le coût budgétaire pour l'État et le contribuable, lié aux subventions et au tarif de rachat de l'énergie, ne doit pas permettre de spéculer sur notre modèle agricole fondé sur les exploitations familiales.

La crise sanitaire que nous traversons nous rappelle que la souveraineté alimentaire est une exigence : la terre doit nourrir les hommes. Face à ce constat, il convient d'activer des leviers : abaisser le seuil des 15 % d'intrants issus de cultures végétales ; établir des schémas régionaux de méthanisation favorisant la micro-méthanisation, source de compléments de revenus pour les agriculteurs, et les méthanisations en lien avec les industries agro-alimentaires ; créer un véritable dispositif de contrôle par les services de l'État et réorienter la politique agricole commune, car il est anormal que des hectares de maïs destinés à la méthanisation bénéficient d'aides.

Pouvez-vous nous indiquer les mesures concrètes que le Gouvernement compte prendre pour mettre fin à ces dérives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Paul Molac applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Vous l'avez dit, et je ne cesse de le répéter : le principal objectif de mon action vise la souveraineté et l'indépendance agro-alimentaires de notre pays. Or cette souveraineté et cette indépendance, qui ont fait l'objet d'échanges réguliers entre votre collègue Dominique Potier, dont vous avez cité le nom, et moi-même, passent par la maîtrise du sol, qui est une question essentielle. Des travaux transpartisans ont du reste été menés sur ce sujet, réunissant M. Potier et Anne-Laurence Petel pour la majorité.

Oui, il faut prévoir des garde-fous en matière de méthanisation. Serait-il normal que, demain, le maïs ne soit plus cultivé qu'en vue de la méthanisation ? La question peut être légitimement posée, qui plus est dans des secteurs où des enjeux existent en matière d'eau et d'irrigation. Barbara Pompili et moi-même évoquons souvent le sujet.

Une autre question se pose : celle des tarifs, qui est débattue en ce moment même. Elle résulte d'un aspect positif des choses : en effet, le développement dans notre pays de la méthanisation sert d'alternative à certaines émissions des gaz à effet de serre et représente un complément de revenus très important pour les agriculteurs, tout en favorisant l'économie circulaire et les circuits courts. Il faut identifier et maîtriser les dérives éventuelles et, en même temps, accompagner cette filière qui, à mes yeux, doit l'être. Parce que je la défends, je ne voudrais pas que des dérives viennent jeter l'opprobre sur la méthanisation.

Dans son rapport parlementaire « L'agriculture face au défi de la production d'énergie », Jean-Luc Fugit propose des pistes pour développer la méthanisation tout en en limitant les dérives. Ce sera l'occasion d'ouvrir de beaux débats dans l'hémicycle. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)