15ème législature

Question N° 332
de M. Ugo Bernalicis (La France insoumise - Nord )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Action et comptes publics (M. le SE auprès du ministre)
Ministère attributaire > Action et comptes publics (M. le SE auprès du ministre)

Rubrique > services publics

Titre > AP2022, le service public en danger : privatisation et abandon des missions

Question publiée au JO le : 29/05/2018
Réponse publiée au JO le : 06/06/2018 page : 5361

Texte de la question

M. Ugo Bernalicis interroge M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de l'action et des comptes publics, sur la réforme « action publique 2022 ». En octobre 2017, le Gouvernement a chargé un groupe de 34 personnalités, dit de haut niveau, afin d'imaginer la future réforme de l'État, des collectivités locales et de la sécurité sociale. Le nom du collectif est le « Comité action publique 2022 » ou « Cap22 ». L'exécutif a fixé trois objectifs à ces « experts » : « Passer d'une culture de contrôle à une culture de confiance dans les services publics », « Offrir un environnement de travail modernisé aux fonctionnaires » et, bien sûr, « Accompagner la baisse des dépenses publiques ». Les premières pistes ont été présentées mercredi 16 mai 2018 lors d'une réunion à Matignon, dans l'attente du rapport définitif, dont la publication est prévue, selon l'exécutif, fin mai, début juin 2018. Il souhaite interroger le Gouvernement sur les principes guidant l' « action publique 2022 » : la légitimité du groupe de pilotage, les démarches de consultations et les pistes à ce jour dévoilées.

Texte de la réponse

RÉFORME "ACTION PUBLIQUE 2022"


M. le président. La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour exposer sa question, n°  332, relative à la réforme "Action publique 2022".

M. Ugo Bernalicis. Madame la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, depuis trop longtemps, sous couvert de simplification et de rationalisation du système, les gouvernements libéraux dévalorisent les services publics et les fonctionnaires. C'est un fait.

Personne n'est dupe et depuis trop longtemps, on cherche à la fois à décourager le recrutement de fonctionnaires et à en contraindre le travail : j'en veux pour preuve la permanence du gel du point d'indice comme la hausse de la contribution sociale généralisée, la CSG, qui a pour eux, rappelons-le, un impact plus négatif que pour les salariés du privé.

En octobre dernier, votre gouvernement a chargé un groupe de trente-quatre personnalités, dit « de haut niveau », d'imaginer la future réforme de l'État, des collectivités locales et de la sécurité sociale. Ce groupe est dénommé « comité Action publique 2022 », ou « CAP 22 ».

Je m'interroge tout d'abord sur la philosophie qui a guidé le Gouvernement pour la désignation des membres de ce groupe. Sa présidence n'est pas anodine : M. Ross McInnes est un pur produit du privé, issu des rangs du groupe Thales et désormais président du conseil d'administration de Safran ; Mme Véronique Bédague-Hamilius est secrétaire générale de Nexity et fut auparavant économiste au Fonds monétaire international et l'ancienne directrice de cabinet du Premier ministre Manuel Valls ; M. Frédéric Mion, haut fonctionnaire français, est directeur de Sciences Po Paris et ex-secrétaire général de Canal Plus. Au sein de ce groupe, ce sont les experts qui parlent aux experts : pléthore d'énarques, de membres de corps d'inspection, de polytechniciens, de diplômés d'HEC – évidemment, pour parler de fonction publique ! –, un membre du groupe Rothschild, ou encore Laurent Bigorgne, directeur de l'institut Montaigne, qui, comme chacun le sait, est un grand amoureux des fonctionnaires. Un groupe de choc pour démanteler la fonction publique !

Je note de grands absents : les fonctionnaires et la démocratie. En effet, avec un seul représentant, issu de la CFDT, les syndicats sont presque inexistants, il n'y a aucun représentant des fonctionnaires du milieu de cordée ou des derniers de cordée, qui sont pourtant au plus près des réalités, ni aucun représentant des citoyens. Vous avez fait le choix de faire prévaloir des personnalités issues des entreprises privées – peut-être par dogmatisme ? Nous voyons là une volonté de privatisation qui se fait sentir dès le début du programme Action publique 2022.

Venons-en au fond. Vous prétendez avoir effectué une consultation, mais moins de 10 000 agents de la fonction publique y ont répondu, sur les 5,5 millions de personnes travaillant dans la fonction publique qui auraient pu le faire.

Les fonctionnaires sont attachés à leurs services publics et à leurs conditions de travail. Pourtant, la qualité du service se dégrade. À qui la faute ? C'est aux politiques d'austérité successives, qui n'ont eu de cesse de réduire les moyens budgétaires et humains des services publics ; c'est aussi aux campagnes de dénigrement contre les fonctionnaires.

Voici quelques questions précises. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous assurer que le numérique ne conduira pas à fermer des accueils physiques du public, lesquels sont déjà en sous-nombre sur le territoire. Vous souhaitez diminuer le nombre de fonctionnaires de 120 000, toutes fonctions publiques confondues, et en même temps vous souhaitez développer le recours aux contractuels : est-ce une stratégie de remplacement progressif des agents publics par des agents privés ? Quand vous parlez d'augmenter la part de contractuels, s'agit-il de personnes embauchées sous contrat à durée indéterminée ? Comment comptez-vous associer les citoyens, usagers du service public, à vos réformes ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le député, en l'absence de mon collègue chargé de la fonction publique, je vous transmets ses éléments de réponse.

Vous vous intéressez au programme Action publique 2022. CAP 22 est un comité indépendant d'une quarantaine de membres, mêlant économistes, personnalités issues du secteur privé et public et élus. L'objectif de cette composition était d'éviter un double écueil : celui d'un regard complètement externe à l'administration, déconnecté des problématiques publiques ; et celui du regard exclusif de l'administration sur elle-même.

Le groupe a été chargé de mener une réflexion approfondie sur les missions et les dépenses de vingt et une politiques publiques prioritaires, en prenant en considération le périmètre de l'ensemble des administrations publiques. Les modalités de travail ont reposé sur des réflexions en groupe, sur de nombreuses auditions de personnalités qualifiées, sur des contributions écrites et sur des ateliers, qui ont permis d'expérimenter rapidement certaines des solutions proposées. Les membres du comité ont en outre travaillé en étroite collaboration avec les ministères, par itérations régulières. Une consultation a été ouverte, y compris aux fonctionnaires.

Cette démarche répond donc à une volonté de consultation et de concertation, passant par un recueil extrêmement large d'idées. C'est un marqueur fort de l'originalité de la démarche Action publique 2022.

Au-delà de la vision thématique, une vision transversale a été apportée par les trois présidents.

Le comité n'a pas encore rendu son rapport. Si celui-ci comportera plusieurs propositions de réformes sectorielles, il présentera d'abord une vision pour l'action publique de demain. Contrairement à ce que vous semblez craindre, son objet n'est pas de pousser à un retrait généralisé de l'État, ni de dévaloriser les services publics et les fonctionnaires. C'est le cœur de l'action publique qui sera valorisé, autour des valeurs de responsabilisation et de confiance que le Gouvernement défend, et aussi en construisant un nouveau contrat social, en inscrivant l'orientation vers les résultats au centre de l'action publique ou encore en capitalisant sur les opportunités offertes par le numérique. Il s'agit, in fine, d'ancrer la dynamique de transformation dans la durée, et de le faire dans le cadre d'un dialogue avec les fonctionnaires et les usagers.

M. le président. La parole est à M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Je voudrais profiter des quelques secondes qui me restent pour dire combien je suis déçu par cette réponse. J'entends bien qu'on concerte, qu'on discute, qu'on dialogue, mais, concrètement, les contractuels auxquels vous proposez de recourir seront-ils recrutés sous contrat à durée indéterminée ou sous contrat à durée déterminée ? Va-t-on supprimer 120 000 postes de fonctionnaire toutes fonctions publiques confondues ? Qu'en sera-t-il de l'accueil physique des usagers ? Je reste malheureusement sur ma faim.