Décision du Gouvernement de faire appel pour continuer à tout prix Europacity
Question de :
Mme Mathilde Panot
Val-de-Marne (10e circonscription) - La France insoumise
Mme Mathilde Panot interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la décision du Gouvernement de faire appel à la décision du tribunal administratif de Cergy-Pointoise d'annuler l'arrêté du préfet du Val-d'Oise autorisant la construction du projet Europacity. La décision du tribunal de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du préfet du Val-d'Oise se basait sur l'insuffisance de l'étude d'impact mise à disposition du public dans le cadre de l'enquête publique. Le tribunal a notamment rappelé « que l'étude était insuffisante s'agissant de l'incidence du projet sur la qualité de l'air, compte tenu notamment des émissions de CO2 induites par les déplacements de touristes, eu égard à la création d'EuropaCity » et a souligné « l'importance de l'impact potentiel de ce projet sur l'environnement, compte tenu notamment de la suppression de 280 hectares de terres agricoles ». La décision de faire appel est incompréhensible. 9,4 % du territoire français est déjà artificialisé. Et ce phénomène s'accélère avec une bétonisation des terres qui représente l'équivalent d'un département tous les 7 ans et qui concerne principalement les terres agricoles selon le commissariat général au développement durable. Cette décision est d'autant plus incompréhensible que la France a émis 3,6 % de plus de gaz à effet de serre que ce qui était prévu en 2016, du fait surtout des secteurs du transport et du bâtiment. La Commission européenne a d'ailleurs renvoyé la France devant la Cour de justice de l'Union européenne jeudi 17 mai 2018 pour « dépassement des valeurs limites de qualité de l'air fixées et manquement à l'obligation de prendre des mesures appropriées pour écourter le plus possible les périodes de dépassement ». Enfin, cette décision va à l'encontre du programme présidentiel puisque le point numéro 5 du programme environnemental du Président de la République prévoyait d'accompagner les transitions en mettant fin à l'artificialisation des terres. Mais elle va aussi à l'encontre des déclarations de M. le ministre qui indiquait que le projet Europacity n'était pas compatible avec les objectifs du plan climat. Elle lui demande donc les raisons de cette décision de faire appel contraire à toute politique écologique cohérente. Elle l'appelle à mettre un terme à ce gigantesque projet commercial inutile et couteux pour laisser aux terres de Gonesse la chance unique de rester un bien commun pour le maraîchage de proximité et la permaculture.
Réponse en séance, et publiée le 6 juin 2018
PROJET EUROPACITY
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour exposer sa question, n° 333, relative au projet EuropaCity.
Mme Mathilde Panot. Ma question s'adresse à M. le ministre de la transition écologique et solidaire. Le 6 juillet 2017, alors que Nicolas Hulot présentait son plan national de lutte contre le changement climatique, une question lui avait été posée : « L'urbanisation des 300 hectares du triangle de Gonesse, avec notamment le projet de centre de shopping et de loisirs EuropaCity, est-elle compatible avec l'objectif de neutralité carbone ? » M. Hulot avait répondu très clairement : « La réponse est non. Cette gourmandise que nous avons à consommer des terres agricoles et à artificialiser les sols en général est incompatible avec nos objectifs. »
Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec lui ! Ce gigantesque centre commercial est un projet archaïque qui ne correspond en rien aux enjeux de notre époque. En témoigne la décision prise le 6 mars dernier par le tribunal administratif de Cergy, qui a annulé l'arrêté préfectoral concernant EuropaCity en raison de l'insuffisance de l'étude d'impact, notamment sur le plan environnemental. Votre gouvernement a pourtant décidé de faire appel de cette décision afin que ce projet continue à tout prix, malgré l'opposition de nombreux citoyens. Alors que 9,4 % du territoire français est déjà artificialisé, cette décision est inacceptable, d'autant que ce phénomène s'accélère : c'est l'équivalent d'un département qui est bétonnisé tous les sept ans, principalement au détriment des terres agricoles.
Cette décision est d'autant plus incompréhensible que la France a émis 3,6 % de plus de gaz à effet de serre que ce qui était prévu en 2016, et a été pour cela renvoyée par la Commission européenne devant la Cour de justice de l'Union européenne le 17 mai dernier. Enfin, cette décision est un mensonge aux Français, puisque le cinquième objectif fixé par le programme du candidat Emmanuel Macron pour l'environnement prévoyait d'accompagner les transitions en mettant fin à l'artificialisation des terres.
Un autre projet a été présenté par le groupement CARMA – Coopération pour une ambition rurale et métropolitaine agricole, qui correspond à un autre idéal de société : maraîchage, éducation, formation à l'agriculture biologique, tri des déchets, recherche… Madame la ministre, pourquoi votre gouvernement a-t-il fait appel de cette décision de bon sens du tribunal administratif ? Mettrez-vous un terme à ce gigantesque projet commercial inutile et coûteux pour laisser aux terres fertiles de Gonesse la chance unique de rester un bien commun pour le maraîchage de proximité et la permaculture ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports. Madame la députée, comme vous l'avez rappelé, un arrêté préfectoral de 2016 a constitué la première étape de procédure de la zone d'aménagement concerté du triangle de Gonesse, entre Roissy et Le Bourget. Cette décision a été prise au terme d'une phase d'études et de concertations préalables réglementaires, et après le débat public organisé sur le projet EuropaCity.
Le 6 mars 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a repris certaines observations formulées par l'autorité environnementale et a annulé cet arrêté, estimant l'étude d'impact insuffisante. Vous interpellez M. Nicolas Hulot sur la décision du Gouvernement de faire appel de cette annulation et lui en demandez les raisons.
Il faut bien distinguer la décision de créer une ZAC – zone d'aménagement concerté – et la décision de la développer. Une fois la ZAC créée, les projets peuvent faire l'objet d'études, de débats, notamment pour vérifier leur conformité aux exigences environnementales. Entre ces deux étapes de la procédure, les études se poursuivent et le projet se précise. Le dossier de création reste prévisionnel et son approbation ne fait pas obstacle à la recherche d'évolutions et améliorations du projet. De plus, l'évaluation environnementale contenue dans l'étude d'impact définie par le code de l'environnement doit permettre de décrire et d'apprécier de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier, les incidences d'un projet.
En l'espèce, le Gouvernement considère que l'étude d'impact produite par l'aménageur public est proportionnée et adaptée au stade de la création de la ZAC. C'est pourquoi nous avons fait appel de la décision du tribunal administratif. Nous souhaitons, d'une façon plus générale, que les actes de création de ZAC ne soient pas fragilisés par des exigences dépassant le cadre réglementaire ou par des appréciations portant sur des éléments qui ne peuvent être connus à ce stade d'un projet. Sur le plan juridique, nous insistons sur ces points sans nous prononcer au fond sur le contenu de la ZAC, c'est-à-dire sur le projet EuropaCity.
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot. Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse, bien qu'elle ne soit absolument pas satisfaisante ! Je le répète, Nicolas Hulot a dit lui-même en conférence de presse qu'il fallait arrêter d'artificialiser les terres agricoles. Vous, vous me répondez : créons la ZAC, et nous verrons ensuite si des petits aménagements sont possibles. J'insiste : ces terres peuvent servir à du maraîchage, afin de contribuer à l'approvisionnement alimentaire de Paris – puisque nous savons que les grandes villes n'ont que trois jours d'autonomie alimentaire.
C'est un enjeu d'ampleur nationale. Je me suis rendue l'autre jour près d'Annemasse, où il y a un projet de ZAC dit « Borly II » : là aussi, il est question de grignoter des terres agricoles. Je le répète : nous savons que l'artificialisation des terres s'accélère, principalement au détriment des terres agricoles. Or nous avons besoin de ces terres pour la transition agricole que nous appelons de nos vœux. Je considère donc que la réponse que vous m'apportez au nom de M. Hulot n'est pas à la hauteur des propos qu'il a tenus lors de la conférence de presse à laquelle j'ai fait référence, ni du programme d'Emmanuel Macron, ni a fortiori des enjeux du changement climatique.
Auteur : Mme Mathilde Panot
Type de question : Question orale
Rubrique : Aménagement du territoire
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transition écologique et solidaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 mai 2018