Question de : M. Nicolas Meizonnet
Gard (2e circonscription) - Non inscrit

M. Nicolas Meizonnet interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la politique pénale qu'il entend promouvoir. Le Figaro du 28 octobre 2020 rapporte que, lors de la visioconférence de la semaine du 19 octobre 2020 avec la magistrature, M. le garde des sceaux a demandé d'user davantage des peines alternatives à la prison, d'éviter le tout-carcéral. Pourtant, nombre de condamnations sont dérisoires relativement à la gravité des crimes, les sursis sont légion, près de 13 % des condamnés à de la prison ferme ne sont pas enfermés. Les magistrats ont rappelé la réalité d'une délinquance du quotidien « dure et violente » qui nécessite une « mise à l'écart de la société ». Les Français le ressentent bien. Un sondage IFOP de septembre 2020 l'a montré. Ils estiment pour 73 % que la justice n'est « globalement pas assez sévère ». 90 % des personnes interrogées se disent favorables au droit d'appel des victimes en matière pénale et à l'obligation pour les condamnés de purger au moins les trois quarts de leur peine de prison. 89 % se disent favorables à la perpétuité réelle pour les crimes les plus graves et 72 % soutiennent la construction de 30 000 places de prison supplémentaires. 74 % estiment que les peines prononcées devraient être « plus sévères », 90 % qu'elles devraient « davantage tenir compte des condamnations précédentes du coupable » et 91 % qu'elles devraient « davantage tenir compte du dommage subi par la victime ». Il lui demande donc s'il envisage de cesser l'angélisme et de faire appliquer la loi pénale dans toute sa rigueur pour protéger les Français des criminels, quels qu'ils soient, et de rendre véritablement justice.

Réponse publiée le 29 décembre 2020

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a procédé à une refonte d'ampleur du droit des peines, applicable depuis le 24 mars 2020. Par circulaire du 25 mars 2019, la garde des Sceaux, ministre de la Justice, avait alors exposé les grandes orientations mises en œuvre par les dispositions nouvelles de cette loi : mieux sanctionner les infractions, mieux protéger la société et mieux réinsérer. La réforme vise d'abord à sortir du « systématisme » de la peine d'emprisonnement lorsqu'il ne s'agit pas de la sanction la plus adaptée à la nature de l'infraction, à sa gravité, à son auteur et à la situation dans laquelle il se trouve. L'incarcération n'est pas toujours la plus efficace pour prévenir la récidive, ce que l'opinion publique doit aussi entendre. C'est la raison pour laquelle elle n'est plus aujourd'hui qu'une peine parmi une grande diversité d'autres. Prononcer une peine adaptée à l'acte de délinquance commis et à la personnalité de l'auteur est en effet un enjeu majeur de la lutte contre la récidive. Hormis pour les faits d'une extrême gravité, en particulier les faits criminels, les peines alternatives à l'emprisonnement doivent ainsi être privilégiées, comme la détention à domicile sous surveillance électronique, le travail d'intérêt général, les stages, les interdictions de séjour ou de contact, la sanction-réparation ou encore les confiscations. Toutes ces peines sont de véritables sanctions, elles ne sont pas synonymes de laxisme, et elles ont un volet pédagogique facteur de prévention de la récidive. Elles participent à ce que souhaitent les acteurs judiciaires et les citoyens : que la personne condamnée comprenne sa faute en exécutant sa peine, en répare les conséquences, et ne commette plus d'infraction. Par ailleurs, les emprisonnements de courte durée se révèlent souvent inutiles, désocialisants et facteurs de récidive. Aussi, le seuil d'aménagement des peines d'emprisonnement prévu par l'article 723-15 du code de procédure pénale est désormais abaissé de deux à un an. Le tribunal correctionnel a désormais l'obligation, lors du prononcé de la peine d'emprisonnement, de statuer sur ses conditions d'exécution. Ce n'est que s'il est dans l'impossibilité de le faire qu'il pourra saisir le juge de l'application des peines aux fins de statuer sur l'aménagement de la peine. Au-delà d'un an, les peines d'emprisonnement seront exécutées sans possibilité d'aménagement avant l'incarcération. Lorsque, compte tenu de la gravité des faits reprochés et de la personnalité du condamné, des peines d'emprisonnement fermes sont prononcées, le ministère de la justice veille avec une attention particulière à l'exécution rapide et effective de ces peines, gages d'une réponse pénale efficace et crédible pour les victimes et les délinquants. Cet impératif est régulièrement rappelé aux parquets, dernièrement encore à l'occasion de la diffusion de la circulaire de politique pénale générale du 1er octobre 2020. Par ailleurs, afin d'éviter les « sorties sèches » de détention, facteur important de récidive, la loi du 23 mars 2019 a modifié les dispositions relatives à la libération sous contrainte afin qu'elle soit plus facilement et plus fréquemment prononcée. Ce dispositif permet une libération anticipée des condamnés à des peines d'emprisonnement n'excédant pas cinq ans ayant purgé au moins les 2/3 de leur peine, sous condition d'un suivi en milieu ouvert dans le cadre d'une mesure de libération conditionnelle, de semi-liberté ou de placement extérieur. En permettant un retour progressif, accompagné et surveillé à la liberté, ces mesures contribuent également à la prévention de la récidive, en facilitant la réinsertion des condamnés et en protégeant d'autant la société, autant de préoccupations majeures guidant l'action du ministère de la justice. Enfin, une réinsertion réussie après l'incarcération implique qu'un travail en amont de la libération ait pu être réalisé, au sein même des établissements pénitentiaires. La surpopulation carcérale nuisant de manière évidente à cet objectif, un vaste programme de construction immobilière et de diversification des structures de prise en charge a été mis en place, afin de permettre l'exécution des peines privatives libertés dans des conditions satisfaisantes pour les victimes, les condamnés et la société.

Données clés

Auteur : M. Nicolas Meizonnet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 3 novembre 2020
Réponse publiée le 29 décembre 2020

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