15ème législature

Question N° 336
de M. Didier Baichère (La République en Marche - Yvelines )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail
Ministère attributaire > Travail

Rubrique > emploi et activité

Titre > L'accompagnement des entreprises dans l'ouverture de leurs recrutements

Question publiée au JO le : 29/05/2018
Réponse publiée au JO le : 06/06/2018 page : 5367

Texte de la question

M. Didier Baichère attire l'attention de Mme la ministre du travail sur l'enjeu de l'inclusion économique par l'emploi des jeunes issus des territoires moins privilégiés. L'inclusion économique peut et doit constituer un trait d'union entre l'action que mène le Gouvernement et la majorité présidentielle en faveur des entreprises et les Françaises et les Français de tous les territoires de la République. Car la libération des énergies n'a de sens, n'a d'efficacité ni de justesse que si elle vaut pour tous les enfants de la République. Débordant et englobant le cadre de la politique de lutte contre les discriminations à l'embauche, l'inclusion économique se veut davantage systémique en ce qu'elle intègre notamment l'idée de la nécessité d'une fonction d'intermédiation entre les entreprises qui recrutent et les candidats potentiellement discriminés. Cette fonction d'intermédiation comprend en son cœur l'accompagnement des entreprises, notamment des TPE et PME, dans l'ouverture de leurs recrutements aux candidats issus des territoires moins privilégiés et dans le changement de leurs pratiques de recrutement. Car une mesure aussi pertinente et incitative que sont les emplois francs ne peut être un succès que si l'on accompagne les entreprises, notamment les TPE, PME et ETI, à identifier dans les territoires ciblés, les talents qu'elles cherchent. Une entreprise ne recrute pas pour bénéficier d'une prime, mais pour répondre à un besoin de compétence. Tous les acteurs de l'emploi soulignent l'enjeu déterminant de l'intermédiation. Pour autant, force est de constater que fait encore défaut aujourd'hui un dispositif systématique d'intermédiation capable d'articuler les acteurs généralistes de l'emploi avec les acteurs spécialisés de l'intermédiation dédiés aux territoires moins favorisés. Il se trouve que la loi égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017 contient l'article 215 qui pour la première fois parle d'inclusion économique et développe l'idée que l'État et Pôle emploi puissent déléguer aux acteurs de l'intermédiation dédiés aux territoires moins favorisés cette fonction d'accompagnement des entreprises dans l'ouverture de leurs recrutements. L'enjeu de l'inclusion économique et de la lutte contre les discriminations à l'emploi sont en lien étroit avec le projet de loi PACTE et plus particulièrement son volet sur la réforme de l'objet social de l'entreprise. Il lui demande ce que prévoit le Gouvernement en matière d'accompagnement des entreprises dans l'ouverture de leurs recrutements, et si le Gouvernement compte mettre en œuvre l'article 215 de la loi égalite et citoyenneté.

Texte de la réponse

INCLUSION ÉCONOMIQUE DES JEUNES DES TERRITOIRES LES MOINS FAVORISÉS


M. le président. La parole est à M. Didier Baichère, pour exposer sa question, n° 336, relative à l'inclusion économique des jeunes des territoires les moins favorisés.

M. Didier Baichère. Au moment où le Gouvernement intensifie le déploiement des plans d'investissement dans les compétences, je souhaite appeler l'attention de Mme la ministre du travail sur l'enjeu que représente l'inclusion économique par l'emploi des jeunes issus des territoires les moins privilégiés.

L'inclusion économique constitue un trait d'union entre, d'une part, l'action que mènent le Gouvernement et la majorité présidentielle en faveur des entreprises et, d'autre part, les Françaises et les Français. Il s'agit, comme l'a rappelé le Président de la République, de garantir des droits réels sur l'ensemble du territoire de la République. Débordant le cadre de la politique de lutte contre les discriminations à l'embauche, prenant le relais des politiques d'insertion sociale, l'inclusion économique se veut davantage systémique en ce qu'elle intègre l'idée qu'une fonction d'intermédiation est nécessaire entre les entreprises qui recrutent et les candidats prêts à l'emploi, mais potentiellement discriminés.

Ainsi, une mesure aussi pertinente et incitative que les emplois francs ne peut être un succès que si l'on accompagne les entreprises, notamment les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises, pour identifier, dans les territoires ciblés, les talents qu'elles recherchent. Vous conviendrez, en effet, qu'une entreprise ne recrute pas pour bénéficier d'une prime, mais pour répondre à un besoin aigu de compétences.

Voilà pourquoi j'ai lancé, avec la fondation Agir contre l'exclusion – FACE – et Mozaïk RH, le « plan 1 000 jeunes : les entreprises s'engagent ». Il s'agit de créer en Île-de-France, avec le soutien du préfet de région, un dispositif multi-acteurs d'intermédiation. Ce dispositif expérimental est déployé dans quatre bassins pilotes : Argenteuil, Plaine commune, Grigny et Saint-Quentin-en-Yvelines. Sa plus-value est de placer l'entreprise au cœur de la démarche, de l'aider à recruter plus vite et mieux en lui ouvrant de nouveaux viviers de candidats, et de faire durablement évoluer ses pratiques de recrutement et de non-discrimination – je pense notamment aux campagnes de testing que nous prévoyons de conduire.

Une fois n'est pas coutume, les entreprises, par l'intermédiaire de leurs représentants – MEDEF, CGPME, chambres de commerce et d'industrie, centre des jeunes dirigeants –, sont directement intégrées au pilotage territorial du dispositif, aux côtés des acteurs plus classiques de l'emploi que sont Pôle emploi, la mission locale, l'Association pour l'emploi des cadres – l'APEC – et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – la DIRECCTE.

Monsieur le secrétaire d'État, quels dispositifs prévoyez-vous d'instaurer, en particulier à destination des TPE et des PME, pour que la lutte contre les discriminations à l'embauche devienne une priorité économique autant que de responsabilité sociale des entreprises ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. J'aime l'expression « trait d'union » que vous avez employée, monsieur le député. Sur certains sujets, en effet, il faut savoir faire le lien au lieu de chercher à décider d'en haut et à appliquer systématiquement et uniformément, partout en France, des politiques dont on serait convaincu qu'elles représentent la bonne solution.

C'est particulièrement le cas en matière d'inclusion économique des personnes résidant dans les territoires les plus fragiles. Il s'agit en effet, nous le savons, d'un levier majeur de croissance autant que de cohésion sociale ; de plus, il n'existe pas un seul territoire en difficulté, reproductible à 300 exemplaires : ils sont tous différents.

Cet enjeu est inscrit à l'article 215 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, qui confie sa mise en œuvre à Pôle emploi et à l'Association pour l'emploi des cadres – l'APEC –, sous le pilotage du représentant de l'État au niveau régional.

Il nous faut, à partir du diagnostic territorial du besoin de main-d'œuvre dans les territoires, établir avec les acteurs locaux des plans de concertation permettant ensuite à Pôle emploi et à l'APEC de déployer sur l'ensemble du territoire une offre de services facilitant les recrutements par les entreprises et s'appuyant notamment sur une approche spécifique, par la compétence, des demandeurs d'emploi, qui soit également respectueuse de la diversité. C'est ainsi que nous pourrons répondre concrètement aux propositions formulées et assurer le portage nécessaire.

En outre, ces deux opérateurs ont conclu des partenariats avec certaines associations accomplissant des missions d'intermédiation, pour aider plus particulièrement les jeunes demandeurs d'emploi diplômés. Ces partenariats donnent des résultats : l'expérience est récente, mais les effets qu'elle commence à produire sont très positifs et cette formule doit, de mon point de vue et de celui de la ministre, continuer d'être utilisée. Car la mobilisation de ces associations renforce la complémentarité d'action dans l'accompagnement des entreprises et la non-discrimination.

Le « plan 1 000 jeunes » que vous avez lancé, dont vous avez cité l'exemple et que, sans interpeller à proprement parler le Gouvernement, vous mettez en avant – il est toujours utile de faire état de bonnes pratiques – illustre cet enjeu.

Il est essentiel, je le répète, de ne pas chercher un schéma unique d'intervention, mais de toujours construire, en fonction des besoins des entreprises locales et des spécificités des territoires et des publics, une réponse adaptée. Le représentant de l'État au niveau régional doit veiller au bon maillage territorial de cette offre de services, et s'appuie pour cela sur les niveaux départementaux et infra-départementaux des services de l'État.

Comme vous, je suis convaincu que les députés ont aussi cette responsabilité : prendre l'initiative, impulser, incarner, porter – voire provoquer les services de l'État dans le cas où ceux-ci se montreraient un peu trop timorés ; je sais que vous ne manquerez pas de le faire sur votre territoire et, plus généralement, pour servir d'exemple à l'ensemble des parlementaires qui siègent à vos côtés.

M. le président. La parole est à M. Didier Baichère.

M. Didier Baichère. Merci, monsieur le secrétaire d'État, d'avoir souligné la nécessité d'une expérimentation au niveau des territoires. Après quelques mois de travail avec les associations, je suis intimement convaincu que les solutions viennent de la concertation entre les acteurs sous l'égide du préfet.

J'appelle tout de même votre attention sur la nécessité d'une approche spécifique aux PME, dont les équipes sont réduites et qui n'ont pas toujours les moyens d'aller chercher les explications nécessaires à la lutte contre les discriminations. L'expérimentation de terrain permet de les rapprocher de nos projets.