Question écrite n° 33947 :
Stockage massif d'heures supplémentaires dans le fonction publique

15e Législature

Question de : M. Stéphane Testé
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - La République en Marche

M. Stéphane Testé attire l'attention de Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques sur le stockage massif d'heures supplémentaires dans certaines administrations de la fonction publique. D'après un récent rapport de la Cour des comptes, dans la police nationale, les agents ont stocké pas moins de 23 millions d'heures supplémentaires au 31 décembre 2018. Valorisé au coût horaire de 12,47 euros, ce stock représente une charge financière de 286,9 millions d'euros pour l'État. Les agents ont en outre stocké 18,5 millions d'heures supplémentaires dans l'hôpital public et 6,2 millions dans la fonction publique territoriale. Pour la Cour des comptes, si les heures supplémentaires sont « l'outil idéal pour faire face à des pics d'activité », elles peuvent en revanche très vite devenir problématiques en cas d'abus et entraîner un risque humain, opérationnel et financier. Elle préconise donc un suivi et un pilotage précis des heures supplémentaires permettant de cibler les secteurs à risque. Il souhaite donc connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour remédier à ces dysfonctionnements.

Réponse publiée le 3 mai 2022

Pour remédier à l'accumulation des heures supplémentaires dans la fonction publique, le Gouvernement sensibilise régulièrement les administrations en leur rappelant, d'une part, que les heures supplémentaires doivent être limitées et réalisées à la demande du chef de service, et, d'autre part, la nécessité d'une consommation rapide des repos octroyés en compensation des heures ainsi réalisées. La réglementation en vigueur (décrets n° 2000-815 du 25 août 2000 modifié relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'État et dans la magistrature, n° 2001-623 du 12 juillet 2001 modifié pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale et n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) limite en effet la durée hebdomadaire de travail (quarante-huit heures en moyenne par semaine heures supplémentaires comprises, ou quarante-quatre heures en moyenne par semaine sur une période de douze semaines consécutives) et pose le principe d'une compensation en temps des heures supplémentaires. La directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail pose également le principe d'une compensation en temps, heure pour heure, des heures supplémentaires. La compensation de ces heures par une compensation horaire fixe qui ne compense pas de façon équivalente les heures de repos minimal manquées, ou par une indemnité financière, ne répond pas à la finalité de la directive du 4 novembre 2003, qui est de protéger les travailleurs contre les risques pour leur santé et sécurité que peuvent entrainer des heures de travail excessives. Par ailleurs, les repos compensateurs doivent être pris immédiatement après la période de travail à compenser. L'arrêt Jaeger de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, C 151/02, 9 septembre 2003) rappelle en effet que « les périodes équivalentes de repos compensateur, au sens de l'article 17 § 2 de la directive 2003/88 doivent succéder immédiatement au temps de travail qu'elles sont censées compenser. Le fait de n'accorder de telles périodes de repos qu'à d'autres moments, ne présentant plus de lien direct avec la période de travail prolongée en raison de l'accomplissement d'heures supplémentaires, ne prend pas en considération de manière adéquate la nécessité de respecter les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ». S'agissant par exemple de la police nationale, le décret n° 2017-109 du 30 janvier 2017 modifiant le décret n° 2002-1279 du 23 octobre 2002 portant dérogations aux garanties minimales de durée du travail et de repos applicables aux personnels de la police nationale dispose au 4° de l'article 1er que « les agents bénéficient de ces repos compensateurs avant la période de travail immédiatement postérieure ou, si les nécessités de service l'imposent, dans un délai rapproché garantissant la protection de leur santé. », conformément à la jurisprudence précitée de la CJUE (C-151/02 du 9 septembre 2003). Enfin, l'inscription sur un compte épargne-temps des jours de repos compensateurs n'est permise que dans des conditions strictement définies par la réglementation relative au compte épargne-temps, afin de garantir l'objectif de protection de la santé et de la sécurité des agents publics (décret n° 2002-634 du 29 avril 2002 relatif au compte épargne-temps dans la fonction publique de l'État et dans la magistrature, n° 2002-788 du 3 mai 2002 relatif au compte épargne-temps dans la fonction publique hospitalière et n° 2004-878 du 26 août 2004 relatif au compte épargne-temps dans la fonction publique territoriale). Cette faculté est par ailleurs peu utilisée par les administrations. Le Gouvernement a également pris des mesures afin d'améliorer le suivi du temps de travail dans la fonction publique, comme le préconise le rapport de mai 2016 de la mission de M. Philippe Laurent. À cet égard, l'article 5 de loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a ainsi prévu que les administrations relevant des trois versants de la fonction publique auront l'obligation d'élaborer chaque année un rapport social unique rassemblant les éléments et données à partir desquels sont établies les lignes directrices de gestion déterminant la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines dans chaque administration, collectivité territoriale et établissement public. Un décret en conseil d'État précise, entre autres, le contenu du rapport social unique. La direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) a proposé que plusieurs indicateurs relatifs aux heures supplémentaires soient présents dans les actes de déclinaisons du décret pour les trois versants de la fonction publique, afin d'assurer une meilleure connaissance des heures supplémentaires et d'en permettre un pilotage plus efficace. De nombreuses administrations se sont en outre d'ores et déjà engagées dans une démarche de renforcement des dispositifs de suivi du temps de travail via la modernisation des outils de gestion du temps de travail, répondant ainsi à l'obligation de mise en place de systèmes objectifs, fiables et accessibles de mesure du temps de travail qui pèse sur l'employeur. En effet, dans un arrêt du 14 mai 2019 (55/18), la Cour de justice de l'Union européenne estime qu' « afin d'assurer l'effet utile des droits prévus par la directive 2003/88, les États membres doivent imposer aux employeurs l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur. ». La Cour accorde toutefois aux États membres une marge d'appréciation dans la conception du système d'enregistrement du temps de travail, notamment en ce qui concerne sa forme. En effet, un contrôle sous forme d'enregistrement automatique du temps de travail n'est pas toujours adapté, s'agissant notamment des agents soumis à un régime de décompte en jours du temps de travail (forfait). L'inadaptation des outils automatisés permettant de comptabiliser le temps de travail effectif réalisé par ces agents ne dispense néanmoins pas l'employeur de veiller au respect des temps de travail maximum et des temps de repos minimum et de prévoir des repos compensateurs en cas de dépassement de la durée maximale de travail, à utiliser dans un délai raisonnable (CE, N° 351316, 20 février 2013). Enfin, le Gouvernement encourage les administrations à repenser l'organisation et les conditions de travail. À titre d'illustration, les services publics soumis à des variations saisonnières d'activité peuvent adapter leurs organisations de travail afin de répondre aux besoins des usagers et de mieux lisser la charge de travail des agents sur l'année (travail en horaires décalés…). D'autres mesures ont également été déployées pour adapter les horaires d'ouverture aux modes de vie des usagers sans augmentation de la durée du travail, comme le développement de services administratifs en ligne disponibles 24h/24, de l'automatisation des prêts et de l'instauration de boîtes de retour extérieures ou encore de nouveaux services sur le site Internet pour les bibliothèques, etc.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Testé

Type de question : Question écrite

Rubrique : Fonctionnaires et agents publics

Ministère interrogé : Transformation et fonction publiques

Ministère répondant : Transformation et fonction publiques

Dates :
Question publiée le 17 novembre 2020
Réponse publiée le 3 mai 2022

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