15ème législature

Question N° 34160
de Mme Sylvie Tolmont (Socialistes et apparentés - Sarthe )
Question écrite
Ministère interrogé > Égalité femmes-hommes, diversité et égalité des chances
Ministère attributaire > Égalité femmes-hommes, diversité et égalité des chances

Rubrique > femmes

Titre > Avenir de la ligne d'écoute nationale des violences faites aux femmes

Question publiée au JO le : 24/11/2020 page : 8304
Réponse publiée au JO le : 15/12/2020 page : 9259

Texte de la question

Mme Sylvie Tolmont attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, sur l'avenir du 3919, ligne d'écoute nationale Violences femmes info, suite à l'annonce d'une procédure de marché public avec ouverture à la concurrence à l'occasion de son extension 24 heures sur 24. Lancé en 1992, le 3919 est, depuis sa création, géré par la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) et ses associations partenaires, avec une efficience et une qualité d'écoute reconnue. En effet, bénéficiant d'une expérience de plus de 30 ans, et malgré une quantité d'appels très conséquente (900 appels par jour en moyenne lors de la première période de confinement), la FNSF et ses partenaires ont su développer synergies et compétences leur permettant de conseiller et d'orienter les femmes vers les dispositifs les plus adaptés. Dès lors, la décision gouvernementale de lancer une procédure de marché public à l'occasion de l'extension du dispositif semble parfaitement inopportune, tant elle fragiliserait une organisation particulière dont la mission d'intérêt général ne peut s'inscrire dans une logique privée. In fine, la qualité de la prise en charge des femmes victimes de violences pourrait être remise en cause, ce que l'on ne peut accepter. De plus, si la FNSF sollicite effectivement l'extension de l'écoute 24 heures sur 24 depuis les années 1990, celle-ci milite pour que cette amplification soit réalisée via un nouveau contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM), avec renforcement de la subvention allouée, et non via un marché public qui provoquera une privatisation inévitable du système. Aussi, elle souhaite connaître les raisons pour lesquelles le Gouvernement persiste dans cette voie au risque de déshumaniser et de dégrader un service aussi efficace qu'essentiel.

Texte de la réponse

La Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) constitue depuis plusieurs années un partenaire privilégié de l'Etat en matière de lutte contre les violences au sein du couple. Il n'entend nullement remettre en cause cet engagement indéniable, ni la qualité de ses interventions, constamment soutenues. Il a du reste été présent à ses côtés pour soutenir cette action depuis sa création, ainsi que pour accompagner l'évolution du dispositif d'écoute vers un numéro court, plus facilement identifiable auprès des femmes victimes de violences, porté par la seule fédération via une plateforme nationale. L'Etat l'a d'ailleurs soutenu systématiquement par des subventions en constante augmentation. Toutefois, comme indiqué dès fin 2019 à la FNSF, il n'est pas possible juridiquement, au vu des règles de droit de la commande publique et européennes, de soutenir ce dispositif par subvention aussi bien dans le cadre d'un appel à projets que par conventionnement. Dès lors que l'Etat endosse le pilotage et la responsabilité d'un dispositif d'écoute des femmes victimes de violence, qu'il en définit les besoins à satisfaire et les modalités (notamment un fonctionnement 24h/24, l'accessibilité aux personnes en situation de handicap) et qu'il le financera en totalité, le marché public est le vecteur de l'action. Dans le cas contraire, le risque de requalification de la subvention en contrat serait important, avec un remboursement de la subvention. Cela emporterait également, à la fois pour les pouvoirs publics et l'association, des conséquences lourdes, sur les plans fiscal, pénal et civil. En l'espèce, le recours au marché public n'est pas un choix mais s'impose comme une conséquence. Cela ne signifie nullement une contestation des droits et propriétés dont l'association est détentrice, s'agissant des aspects matériels ou immatériels. Il serait quelque peu paradoxal d'en conclure que l'Etat, en se conformant au droit en vigueur, entre dans une logique mercantile quant à la prise en charge des femmes victimes de violences et privatise ce dispositif dont le financement sera assuré à 100% par l'Etat. Il est d'ailleurs noté que plusieurs dispositifs d'écoute téléphoniques dans le domaine des services sociaux relèvent déjà de marchés publics pilotés par l'Etat. Il s'agit par exemple du marché des numéros 116 000 pour les enfants disparus, 116 006 à destination des victimes ou encore de la plateforme 360 dédiée aux personnes en situation de handicap. Attentif par ailleurs aux risques soulevés par l'honorable parlementaire, l'Etat entend veiller au contraire via ce marché réservé aux acteurs de l'économie sociale et solidaire, à ce que cette future plateforme réponde à des hautes exigences qualitatives en termes de fonctionnement. Le Ministère et ses services seront ainsi très vigilants sur la qualité des projets présentés, notamment pour la formation des écoutantes et écoutants sur les violences, afin de renforcer l'écoute et l'accompagnement de ce public. La FNSF peut naturellement candidater dans le cadre de la consultation qui sera lancée à cet effet, au vu en particulier de l'antériorité de son action et des compétences spécifiques développées et capitalisées. Il est enfin signalé que l'Etat est interpellé sur les modalités de fonctionnement de ce dispositif et, tout récemment, lorsque la plateforme d'écoute a cessé son activité pendant quelques jours lors de la crise sanitaire et y a répondu en apportant une contribution financière complémentaire répondant aux besoins de la plateforme pendant cette période. Dans ce contexte, les pouvoirs publics n'entendent donc pas se défausser de leurs responsabilités mais au contraire accroitre leur soutien à l'écoute des femmes victimes de violences.